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Femmes en élevage, comment elles surmontent les inégalités de genre

En France, être éleveuse représente un défi dans un secteur traditionnellement masculin, où les femmes exercent des tâches peu visibles et ont un accès limité aux sphères de décision. Leur gain d’autonomie et de légitimité constitue un véritable levier de changement vers une agriculture plus durable.

À l’occasion du webinaire « Femmes en élevage », organisé le 19 décembre par le Groupe d’intérêt scientifique Avenir Élevages, une dizaine d’intervenants a pris la parole sur le thème des spécificités des métiers de l’élevage au féminin. « La chute du nombre d’agricultrices est encore plus rapide que celle du nombre d’agriculteurs, estime en introduction Christophe Perrot de l’Institut de l’élevage. Les femmes ne représentent que 25 % des actifs agricoles contre 38 % en 1982. » Cette raréfaction des femmes est inégale entre les filières. En élevage ovin, elles représentent 32 % des exploitants tandis qu’elles sont moins de 20 % en élevage bovin allaitant et 42 % en élevage caprin. Les différences d’installation sont également notables, les éleveuses étant en moyenne plus âgées, ayant des carrières plus courtes, s’installant davantage en dehors du cadre familial, et étant moins diplômées en agriculture. Ces disparités résultent de plusieurs facteurs dont l’installation sur l’exploitation du mari en deuxième partie de carrière et un enseignement agricole fortement genré. La transmission de l’exploitation a davantage lieu de père en fils, maintenant le capital et les moyens de production dans la main des agriculteurs masculins (28 % des fils contre seulement 7 % des filles reprennent l’exploitation de leurs parents).

L’élevage n’échappe pas aux stéréotypes de genre

Une étude de l’Institut de l’élevage menée en 2023 vise à comprendre les particularités du travail en élevage pour les femmes afin de faciliter leur installation et leur maintien sur les exploitations. « Les enquêtes réalisées dans le cadre de ce travail mettent en lumière l’assignation des femmes à des rôles sociaux différents de celui des hommes, avec une hiérarchie de valeur en faveur du masculin », affirme James Hogge de l’Institut de l’élevage. L’étude relève de nombreuses inégalités sur les exploitations, à commencer par l’inéquitable répartition des tâches. Les travaux invisibilisés et moins qualifiés comme l’administratif ou les tâches domestiques sont souvent attribués aux éleveuses. Au contraire, elles sont nombreuses à ne pas s’occuper des travaux des champs ni de l’entretien du matériel, par manque de connaissance, de confiance en soi ou par désintérêt. « Les femmes sont difficilement identifiées comme responsables de l’exploitation, complète James Hogge. Le manque de reconnaissance est d’autant plus marqué lorsque l’éleveuse est salariée ou coexploitante avec son mari. » Hommes comme femmes adhérent aux mêmes stéréotypes de genre. À la question « Êtes-vous d’accord avec l’affirmation suivante : Les hommes et les femmes sont complémentaires dans leur travail ? », l’écrasante majorité des interrogés répondent par l’affirmative, indépendamment de leur genre.

Les éleveuses sont plus susceptibles de souffrir de maladies professionnelles

En outre, « 44,6 % des victimes de maladies professionnelles en élevage sont des femmes alors qu’elles ne représentent qu’un quart des exploitants », alerte Magalie Cayon, de la Mutualité sociale agricole. Ce chiffre s’élève à 49,9 % pour les troubles musculosquelettiques. En effet, « les femmes effectuent davantage de tâches répétitives comme la traite ou les astreintes de la fromagerie et le matériel est peu adapté à leur morphologie ». Par exemple, la hauteur de la salle de traite et le dimensionnement des charges sont souvent ajustés aux hommes. « Parfois ces contraintes poussent les agricultrices à innover, améliorant le quotidien de l’ensemble de l’équipe », ajoute James Hogge.

Des initiatives féminines, au bénéfice de tous

Depuis les années 2000, des dynamiques collectives non mixtes émergent, dont certaines sont portées par les centres d'initiatives pour valoriser l'agriculture et le milieu rural (Civam). D’après Sixtine Prioux, une des coordinatrices du réseau, il en existe une bonne douzaine et de nouveaux groupes apparaissent régulièrement. « Ces groupements permettent aux femmes de monter en compétence, d’innover, d’échanger sur leur vécu, de sortir de l’isolement mais surtout d’être vectrices de progrès. » En augmentant la capacité d’action et la collaboration, ces collectifs non mixtes œuvrent pour l’égalité sociale mais aussi pour les changements de pratique. « Un projet en recherche-action, lancé en 2018 par le réseau Civam et l’Inrae [Institut nationale de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement], montre que l’autonomisation des agricultrices est un puissant levier de transition agroécologique », se réjouit Sixtine Prioux. L’intégration des femmes dans le secteur de l’élevage est également primordiale pour le renouvellement des générations. « Les secteurs qui remplacent bien les départs sont ceux qui attirent les jeunes femmes, souligne Christophe Perrot. Améliorer l’attractivité des métiers d’élevage et faciliter le parcours des éleveuses est indispensable pour pallier le manque de repreneur. » Cela passe notamment par une évolution des formations agricoles. « Les espaces d’enseignement agricoles alternatifs se multiplient, favorisant la transmission des savoir-faire aux femmes. Mais les formations initiales conventionnelles doivent elles aussi s’emparer de la question en réfléchissant aux moyens d’attirer les étudiantes », soutient Hélène Guétat-Bernard de l’École nationale supérieure de formation de l’enseignement agricole.

De l’isolement à l’engagement

Face au manque de représentation féminine dans les instances agricoles et au constat de l’isolement des agricultrices, des femmes de centre Bretagne ont choisi de s’unir au sein du groupe « Agriculture au féminin ». Ce réseau a pour objectif de promouvoir les métiers agricoles auprès des femmes, d’améliorer l’acquisition de compétences et d’encourager les agricultrices à assumer plus responsabilités. Le groupe organise des journées techniques, des cours de communication, des temps de parole…

Chiffres clefs

Les agricultrices en France

  • Une baisse de 81 % en 40 ans
  • 15 % sont diplômées en agriculture
  • 70 % ont exercé un autre métier avant
  • 26 % sont cheffes d’exploitation ou coexploitantes

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