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De l’affouragement en vert pour gagner en autonomie sur la ration des brebis laitières

Pour réduire ses coûts alimentaires, La Ferme Bacquet, dans les Pyrénées-Atlantiques, nourrit ses brebis en lactation de chicorée fourragère et de plantain.

Isabelle et Jean-Louis Mougica, mariés, la quarantaine, tous les deux fils d’agriculteurs, ont laissé leurs fermes familiales à leurs frères respectifs, pour s’installer un village plus loin, à Orègue, dans les Pyrénées-Atlantiques. Même si Isabelle, dès l’âge de 15 ans, faisait les marchés avec sa mère pour vendre de l’Ossau-Iraty, son installation n’a pas été évidente pour tout le monde. Elle raconte que pour acheter 25 hectares grâce à la Safer, sa motivation et son BPREA n’étaient pas jugés suffisants. Il a fallu qu’elle s’installe d’abord en Gaec avec son frère, en 2004. En 2010, elle quitte son frère et fait sa première campagne laitière en mars 2012 avec Jean-Louis. Ils posent les fondations de leur ferme sur trois piliers : uniquement de la vente directe (produits laitiers et carnés), l’optimisation de l’herbe et des agnelages de printemps quand il y a de l’herbe au champ, ce qui est peu commun en Ossau-Iraty qui pratique plutôt les agnelages entre octobre et décembre afin de fournir le marché espagnol en agneaux pour les fêtes de fin d’année.

Trouver une alternative à la luzerne

 

 
Le Gaec La Ferme Bacquet a eu du mal à trouver une petite faucheuse autochargeuse de 17 m3, finalement acquise en 2020. © A. Dazet
Jean-Louis commence donc par semer 2 hectares de luzerne, mais l’humidité basque ne permettra finalement pas cette culture. Il n’était pas non plus satisfait de ses prairies semées en ray-grass et trèfle d’hiver puis en sorgho et trèfle violet. En 2018, lors d’un passage à Sud-Ouest aliment, filiale du groupe coopératif Maïsadour, le commercial lui propose un mélange de chicorée, trèfle et ray-grass anglais, qu’il essaye sur 1 hectare. À l’époque peu équipé, il fait sourire ses voisins, avec sa Taarup et son bol.

 

Bons rendements et résistances

Mais il ne se laisse pas intimider par les commentaires de ses pairs. Non seulement parce qu’il produit 156 tonnes de fourrages, distribué en vert, qui lui permettent une économie importante de luzerne et de foin, mais également parce que le caillé qu’Isabelle travaille en fromagerie présente une texture plus consistante.

Avec, il nourrit leur 120 brebis manech tête rousse, quotidiennement, à la bergerie ou au champ de mi-mars à fin octobre. Depuis deux ans, il a investi 18 000 euros dans une faucheuse autochargeuse Supertino F70. En fin de saison, il laisse monter en graine pour que la prairie se ressème, se contentant de broyer finement. « Idéalement il faudrait une température de 25 °C et 10 à 15 mm d’eau par semaine » explique-t-il. « Pas de NPK, juste du fumier tous les deux ans et un peu de chaux ». En moyenne, il compte sept passages et deux pâturages par an par hectare.

Il a bien essayé de faucher pour le round baller, mais « ça vole, je n’arrive pas à le ramasser » a-t-il constaté. Il est également très attentif à la mise à l’herbe : « les brebis n’en veulent plus si elle est trop montée. Parfois j’en ai trop, même si les brebis en raffolent et semblent en manger sans faim. »

« Le mélange plantain - chicorée - trèfle violet est une bonne solution pour faire face au changement climatique »

 

 
Avec un premier test en chicorée fourragère-trèfle violet-ray-grass anglais sur 1 ha, Jean-Louis a poursuivi avec 8 ha qui sont semés autour de la ferme en chicorée-plantain-trèfle violet, soit 5 kg/brebis/jour. © A. Dazet
Aujourd’hui, son assolement comprend 8 hectares ressemés tous les quatre ans, en plantain lancéolé-chicoré fourragère-trèfle violet. Il constate ces deux dernières années qui ont été particulièrement sèches, que ces prairies sont restées relativement vertes malgré la sécheresse et les attaques de chenilles Cirphis. « Une bonne solution pour faire face au changement climatique » considère-t-il. Aujourd’hui, La Ferme Bacquet n’achète que 5 tonnes de maïs grain pour le flushing et 7 tonnes de luzerne pour les mois de janvier et février. Les foins et regains complètent l’autonomie fourragère de la ferme.

 

 

 
Les 5 kg/jour/brebis d'affouragement en vert permettent d’économiser environ 600 g/jour/brebis de luzerne, 600 g de foin ou 600 g de regain et 700 g d’aliments pour une production en début lactation de 1,8 litre de lait. © A. Dazet
Jean-Louis est convaincu que ces plantes à tanins aident leurs brebis à lutter contre les strongles gastro-intestinaux, en inhibant leur cycle de vie. En 2018, alors que leurs brebis étaient infestées, à 1 800 œufs/g, il a refusé de traiter une quinzaine de brebis. Le lot principal traité aux antiparasites et le lot test sont revenus à la normale, à 600 œufs/g, en même temps (quinze jours). Depuis, il ne traite plus leurs brebis qui, cet automne, étaient au plus bas : 50 œufs/g. Depuis qu’il a appris qu’en dessous de 20 °C, l’herbe contient plus d’énergie et moins d’azote qu’au-dessus, il en est convaincu : « Si les brebis sont complémentées par du maïs le surplus d’énergie provoque des diarrhées qui ne sont pas liées au parasitisme. Les traitements sont plus néfastes qu’efficaces ». La ferme Bacquet a donc réduit ses frais pharmacologiques à 450 euros par an et ses achats de compléments à 15 tonnes par an.

 

Une typicité gustative

 

 
L'introduction des plantes à tanins dans la ration des brebis laitières a modifié le goût du lait et la structure du caillé, qui se tient mieux. © A. Dazet
Isabelle qui transforme le lait quatre jours par semaine les après-midi après les marchés, le reconnaît volontiers : sa tomme n’est pas représentative de l’appellation Ossau-Iraty. Le goût de ses tommes, comme de ses pâtes molles, est accentué. Il lui semble que l’affinage est même accéléré. « J’atteins un stade de maturité avec deux mois d’avance » estime-t-elle. Quoi qu’il en soit, elle a trouvé sa clientèle sur quatre marchés par semaine, où elle se rend avec son camion frigo de quatre mètres de long, pour y vendre yaourts, mamia, tomme, pâte molle, breuil, fromage blanc, viande ovine, les œufs de leurs 250 poules pondeuses et la charcuterie issue des deux cochons abattus par semaine. Elle s’est formée dans une ferme canadienne pour les pâtes molles. Le Gaec achète aussi du lait de vache à un voisin, pour ses tommes mixtes. L’été, ils accueillent des touristes pour des visites à la ferme.

 

À retenir

Le mélange de plantes à tanins c’est :

 

  • Plus de rendement
  • Plus de résistance à la sécheresse
  • Plus de résistance chenille Cirphis
  • Plus glissant, à éviter sur terrain en pente
  • Un goût des produits laitiers différents
  • Un caillé plus structuré

 

Le cycle de production de la Ferme Bacquet

Fin janvier : agnelage

Mi-mars : début de l’affouragement en vert juste le soir

Mi-avril : affouragement en vert et pâturage matin et soir

Fin août : insémination artificielle

Fin octobre : fin de l’affouragement en vert

Novembre décembre : foin et maïs

Janvier à mi-mars : regain, luzerne et complément

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