« Nous avons gagné 10 €/1 000 l grâce à une vraie stratégie de renouvellement »
Depuis deux ans, le Gaec La Morice utilise le génotypage et la semence sexée pour limiter le nombre de génisses de renouvellement et gagner en taux. Les gains réalisés compensent les frais engagés.
Depuis deux ans, le Gaec La Morice utilise le génotypage et la semence sexée pour limiter le nombre de génisses de renouvellement et gagner en taux. Les gains réalisés compensent les frais engagés.
Un bâtiment pour les génisses à peine construit et déjà trop petit, des taux limités - 8 173 l/VL avec un TB moyen de 41 g/l et un TP moyen de 33 g/l en 2022-2023-. Les deux associés du Gaec La Morice, Franck Bonraisin et Thimothée Roptin, décident de prendre les choses en main. « Il y a toujours eu beaucoup de femelles sur la ferme, indique Franck Bonraisin. Jusqu’à il y a deux ans, nous étions à 45 % de taux de renouvellement. »
En 2021, le Gaec engage une démarche pour réduire le nombre de génisses de renouvellement et améliorer les taux. La stratégie de renouvellement est désormais basée sur le génotypage de toutes les femelles, sur le choix des génisses de renouvellement et sur l’élimination des souches les moins adaptées aux objectifs de l’élevage.
Fiche élevage
Gaec La Morice
109 vaches
880 000 l de lait
204 ha de SAU
3,2 UMO
Génotypage et tri des femelles
« Nous utilisions le génotypage depuis dix ans, pour connaître la valeur des génisses, précise Franck Bonraisin. Mais nous ne le valorisions pas. » Aujourd’hui, la totalité des femelles sont génotypées.
Les génisses de renouvellement sont choisies parmi les meilleures en index Inel (combinaison du taux protéique et du taux butyreux) et inséminées avec de la semence sexée. Les génisses les moins bonnes en ISU sont vendues à entre trois et six mois de gestation, le plus vite possible, dès qu’elles sont confirmées gestantes, ou inséminées en croisement industriel avec de la semence de charolais. « Dans tous les cas, nous ne gardons pas la souche », insiste l’éleveur.
Sur une trentaine de génisses actuellement, 50 % sont inséminées avec de la semence sexée, 40 % avec de la semence conventionnelle et 10 % en croisement industriel. Et sur 100 vaches, avec les mêmes critères, 10 sont inséminées avec de la semence sexée, 40 avec de la semence conventionnelle et 50 en croisement charolais.
Gain économique et en travail
En deux ans, la stratégie a déjà commencé à porter ses fruits. « Nous avons quinze niches individuelles et quatre cases collectives, précise Franck Bonraisin. Habituellement en février, nous avions dix-sept à dix-huit génisses en case collective. Cette année, il n’y en avait que dix ou onze. Sur l’année, nous avons déjà en moyenne douze génisses de moins qu’auparavant. »
Moins de génisses de renouvellement signifie moins d’alimentation, moins de frais d’élevage, plus de place dans les bâtiments et moins de travail. « Il y a moins de veaux à faire boire, car les veaux croisés partent pour l’essentiel à trois semaines, apprécie Franck Bonraisin. Il y a aussi moins de niches à nettoyer, moins de génisses à alimenter… »
Les effets du choix des génisses de renouvellement sur l’index Inel commencent aussi à se voir. « Les génisses qui ont vêlé en 2023 avaient des taux supérieurs à ceux des multipares, de +1 point en TP et +1 point en TB, alors que les primipares ont généralement des taux inférieurs et cela sans baisse de la quantité de lait produite, indique l’éleveur. Nous avons déjà gagné 10 euros pour 1 000 litres. »
Les croisements industriels sur les moins bonnes vaches et génisses ont aussi permis d’améliorer la valorisation des veaux. « Le prix des veaux mâles a augmenté de 100 euros, se réjouit Franck Bonraisin. Cela paie le génotypage, dont le coût est d’environ 35 euros, et le surcoût de la semence sexée, qui coûte environ 40-45 euros la paillette, contre 30 euros pour une paillette conventionnelle. »
Le Gaec a aussi commencé à engraisser une dizaine de veaux croisés. Enfin, la baisse du nombre de génisses pourrait aussi lui permettre de revoir ses assolements et semer plus de céréales de vente.
Avis d'expert : Patrick Litou, conseiller consultant économique Seenovia
« Une stratégie intéressante à tous points de vue »
« Un taux de renouvellement de 40 à 50 % peut être intéressant si l’on veut augmenter son troupeau. Mais en rythme de croisière, 30 % et même moins, est plus adapté. Avoir une vraie stratégie de renouvellement en réduisant le nombre de génisses présente des intérêts à tous points de vue, en termes de travail, de moindre pression sanitaire et moindres besoins fourragers, au niveau économique et aussi environnemental, car moins d’animaux improductifs signifie moins de méthane émis.
Le Gaec La Morice a réalisé un bilan Cap'2ER en groupe en 2020. Le bilan a révélé une empreinte carbone nette de 0,79 kg eqCO2/l lait corrigé. Mais des améliorations étaient encore possibles. Le plan d’action mis en place porte sur une meilleure valorisation des effluents pour réduire les engrais, sur l’amélioration de la structure et de la vie du sol, sur l’autonomie alimentaire et protéique et sur la réduction du nombre d’animaux improductifs. Le lait par jour de vie n’est en effet que 9,9 kg/VL/j au Gaec La Morice, contre 10,2 kg/VL/j pour les références prim’Holstein 8 500 à 9 500 kg. La baisse du nombre de génisses passe par le fait de faire vieillir les vaches, ce qui a aussi un impact favorable sur la production laitière, car les vaches en première lactation produisent moins que des vaches laitières adultes. »