Comment évolue le prix du lait bio ?
Alors que l'écart entre le prix du lait bio et le prix du lait conventionnel n'était plus que de 40 euros les 1000 litres sur un an glissant en 2023 et que le segment lait bio doit faire face à une baisse de la consommation, quels leviers sont actionnables par la filière laitière ? Yves Sauvaget, président de la commission bio du Cniel et Corentin Puvilland, économiste de la filière au Cniel apportent leur éclairage sur cette crise et donnent des pistes pour en sortir.
Alors que l'écart entre le prix du lait bio et le prix du lait conventionnel n'était plus que de 40 euros les 1000 litres sur un an glissant en 2023 et que le segment lait bio doit faire face à une baisse de la consommation, quels leviers sont actionnables par la filière laitière ? Yves Sauvaget, président de la commission bio du Cniel et Corentin Puvilland, économiste de la filière au Cniel apportent leur éclairage sur cette crise et donnent des pistes pour en sortir.
- L’écart entre le prix du lait bio et le prix du lait conventionnel se resserre
- Les raisons de la convergence des prix du lait
- Quels leviers pour stabiliser la consommation du lait bio ?
- Des facteurs d'espoir pour la filière laitière bio
L’écart entre le prix du lait bio et le prix du lait conventionnel se resserre
Jusqu'en 2021, l'écart de prix payé au producteur entre le lait conventionnel et bio était de 150 euros, chiffre calculé sur un an glissant pour neutraliser l'effet saisonnalité. Depuis, le prix du lait conventionnel a passé un cap, alors que celui du lait bio a augmenté dans une moindre mesure. “En 2022, on a connu une hausse de 23% du prix du lait conventionnel, contre une hausse de 1% du prix du lait bio. En 2023, la hausse du prix du lait bio a été de 5% en moyenne”, détaille Corentin Puvilland, économiste au Cniel. Une progression donc, mais qui n'a pas permis de refaire l'écart.
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“Forcément cela a créé des frustrations et des situations très fragiles dans certaines exploitations. On a aussi des écarts entre coopérateurs”, commente Yves Sauvaget, président de la commission bio du Cniel. Plus le collecteur a un pourcentage élevé de lait bio dans sa collecte, plus il lui est compliqué de rémunérer ses producteurs bio. Les opérateurs 100 % bio sont donc dans une situation des plus compliquée.
Evolution de l'écart des prix entre le lait conventionnel et le lait bio
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Les raisons de la convergence des prix du lait
L’évolution du prix du lait favorisée par la loi Egalim
Les raisons de cette convergence des prix du lait a plusieurs sources. “On peut reconnaître que grâce à l'effet Egalim, le prix du lait conventionnel a augmenté. Dans une moindre mesure, le prix lait bio a lui aussi augmenté, ce qui est du jamais vu dans un contexte de surproduction, conséquence d'une baisse de la consommation et d'une augmentation de la production”, ajoute Yves Sauvaget. Ainsi depuis 2019, la consommation de produits laitiers bio a baissé de 23%, alors qu'à ce moment-là, la production continuait d'augmenter très vite.
Jusqu'à présent la conjoncture laitière a profité d'un prix du lait conventionnel qui s'est plutôt bien comporté ce qui a permis malgré tout d'avoir une certaine valorisation du lait bio déclassé, “mais qui bien évidemment n'est pas à la hauteur de ce que l'on pouvait espérer en bio”.
La consommation du lait bio pénalisée par un contexte d’inflation
Le lait bio déclassé représentait en 2023 environ 40% du volume de lait bio, soit entre 500 et 550 millions de litres sur un an glissant. Une augmentation du lait déclassé qui a débuté dès 2019, mais qui s'est fortement accentuée, surtout en 2021-2022. Depuis 2023, la proportion de lait déclassé n'augmente plus aussi vite puisque la collecte décroche de 3,5%. En absolu, la collecte diminue presque aussi vite que la consommation.
Ce qui est d'autant plus spectaculaire, c'est que la baisse de consommation des produits laitiers bio s'inscrit dans un contexte de maintien de la consommation des produits laitiers dans leur ensemble. “Ce résultat est sans doute imputable à l'inflation qui s'est traduit par une hyperfocalisation des consommateurs sur le prix”, estime Corentin Puvilland. Ce qui a entraîné une descente en gamme qui a pénalisé tous les produits premium et en particulier le bio.
Evolution de la quantité de lait bio déclassé en fonction de l'évolution entre l'offre et la demande
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Plus de bio dans les cantines
Ainsi, le niveau de consommation de l’ensemble des produits laitiers bio est revenu à son niveau de consommation de 2017-2018, alors que dans le même temps la collecte a augmenté de 70%.
“Par ailleurs où Egalim ne fonctionne toujours pas c'est sur la restauration collective. Il y a un objectif minimum de 20 % de produits bio dans les cantines. Aujourd'hui on n'est qu'à 8%. On peut lire 13% sur la plateforme Macantine, mais qui rassemble plutôt les “bons élèves”. C'est sûr que si on prend les meilleurs, on n'est pas si mauvais...”, tance Yves Sauvaget. Le parent pauvre de la restauration collective n'est pas le milieu scolaire mais le domaine de la santé et plus particulièrement les hôpitaux, qui d'après les dernières estimations avoisine 2 ou 3% de bio dans leurs approvisionnements.
Quels leviers pour stabiliser la consommation du lait bio ?
Des campagnes de communication levées par le Cniel
Quand l'inflation va se tasser, le Cniel a bon espoir que la filière laitière bio récupère des parts de marché. “On accompagne également avec de grandes campagnes de communication. Le Cniel avait déjà débloqué 3 millions d'euros sur les deux dernières années en termes de communication sur les produits laitiers bio. On continue sur la même lancée pour 2024 avec différentes campagnes, notamment celle menée en partenariat avec l'Agence bio (#Bio réflexe), qui devrait prendre de l'ampleur jusqu'en 2026 puisque le ministère a débloqué 18 millions d'euros sur les trois prochaines années, 8 millions en 2024, et 5 millions par an sur les deux suivantes”, détaille encore le président de la commission bio du Cniel.
Un plaidoyer pour alerter sur la filière laitière bio
Dès février 2023, le Cniel avait rédigé un plaidoyer qui faisait état de la situation de la filière lait bio, et qui a été remis à jour en décembre. Objectif ? Alerter sur les conséquences de cette crise qui prend de l’ampleur. Les cessations d'activité en lait bio sont de l'ordre de 5% en 2023.
“A chaque fois qu'on perd un producteur de lait bio, c'est autant de points de perdu en termes de souveraineté alimentaire”. Et une accentuation de la déprise laitière avec certaines régions où le taux de cessation peut atteindre 10%. C'est le cas de la région Auvergne Rhône Alpes. “Ce sont des régions où l'élevage va disparaître avec toute la vie qui va autour et des zones qui vont retourner à l'état sauvage et se vider de leur population”.
Dans cette région, le segment lait bio concernait 40% des projets d'installation avec une part non négligeable de personnes non issue du milieu agricole et une féminisation.. “Sauf que le vivier s'est épuisé et c'est cet atout qui disparaît dans la situation économique”.
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Les travaux d’ambition bio 2027 à l’arrêt
Le Cniel a été sollicité pour co-présider un groupe de travail sur le volet communication du plan Ambition bio 2027 mais l'ensemble des participants a du mal à se projeter à cet horizon 2027 avec un objectif de SAU à 18%, dans le contexte actuel. “Les travaux sont à l'arrêt car la situation économique du moment n'y est pas favorable. Il faut ajouter un volet sur l'économie car si c'est juste développer de la bio pour mettre un peu de vert sur la carte…”
Des facteurs d'espoir pour la filière laitière bio
La consommation de lait bio en Allemagne
En Allemagne, l'inflation a freiné beaucoup plus rapidement et la consommation du lait bio est repartie très fortement suscite un espoir.
Rencontre sur la conjoncture du prix du lait bio
Mi janvier, une réunion avec les acteurs de la filière lait bio pour aborder la conjoncture du prix du lait a aussi mis en avant que le faible écart de prix dans les rayons entre produits laitiers bio et conventionnels pourrait être un avantage.
“Car si les produits laitiers bio subissent une image de produits plus chers, ce qui est vrai pour le porc notamment, c'est beaucoup moins vrai pour les produits laitiers (écart de 20% en moyenne sur le lait liquide). Avec même des marques de distributeurs (MDD) parfois moins chères que les marques nationales”.
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