Un historien des sciences
Michel Serres sur France Inter : Il faut conserver les « pères nourriciers » comme un « trésor national »
Michel Serres observe l’évolution de notre monde : celle de la population paysanne et celle de notre économie qu’il juge « catastrophique » du point écologique. Invité de l’émission « Questions politiques » sur France Inter ce 26 mai, il n’était pas question de parler des élections européennes. Pourtant les propos de ce visionnaire éclairaient parfaitement l’actualité d'un jour de vote.
Michel Serres observe l’évolution de notre monde : celle de la population paysanne et celle de notre économie qu’il juge « catastrophique » du point écologique. Invité de l’émission « Questions politiques » sur France Inter ce 26 mai, il n’était pas question de parler des élections européennes. Pourtant les propos de ce visionnaire éclairaient parfaitement l’actualité d'un jour de vote.
L'académicien Michel Serre était l’invité de « Questions politiques » sur France Inter, ce dimanche 26 mai. En ce jour de vote, interdiction de parler des élections européennes. Alors le philosophe a évoqué « la vie (politique ou non), l’univers… et le reste », peut-on lire sur le site de la radio.
Impertubablement souriant, l'historien des sciences observe et analyse les mutations de notre époque. « Nous sommes en train de vivre une période exceptionnelle de l’histoire », assure-t-il. Et d’évoquer les 70 ans de paix qui viennent de se dérouler « ce qui n’est jamais arrivé dans l’histoire », l’espérance de vie qui atteint désormais 80 ans, « ce qui n’est jamais arrivé dans l’histoire ». Et troisième fait marquant aux yeux de ce visionnaire, « la population paysanne est passée de 75 % à 2 %. » La mutation du monde agricole depuis le début du 20e siècle a été une de ses premières préoccupations quand, étant jeune, il participait « au combat des syndicats paysans ». Cet homme de 88 ans a observé l’évolution de la société agraire : « J’ai vu muter l’agriculture de façon telle que je ne pense pas qu'il y ait un métier qui ait muté à ce point ». Et de s’interroger : « Qu’allons-nous faire s’ils disparaissent ? Ce sont les pères nourriciers de l'humanité. Ce sont des gens qu’il faut respecter et conserver comme un trésor national ».
Michel Serres parle aussi depuis des années d’écologie. Au micro de France Inter, il affirme de nouveau son inquiétude : « L’économie telle que le capitalisme l’a mise en place est catastrophique, au moins du point de vue écologique ». Il en est convaincu : « cette économie est en train de détruire la planète ». Lui a tiré très tôt la sonnette d’alarme dans son livre « le contrat naturel » paru pour la première fois en 1990, il y a près de 30 ans. « Vous êtes un des premiers à avoir anticipé cette urgence là, l’urgence écologique, que nous vivons aujourd’hui », note le journaliste Ali Badou « Et vous l’avez formulé en termes de droit. Dans ce livre qui est devenu un classique, vous proposiez de faire de la nature un sujet de droit pour qu’elle puisse se défendre quand elle est agressée. A l’époque l’idée paraissait surprenante, aujourd’hui beaucoup moins. »
Michel Serres acquiesce et surtout se réjouit en évoquant une « bonne nouvelle » : aux Etats-Unis, le lac Erié « vient d’être nommé sujet de droit ». Ce qui veut dire qu’il a « le droit d’ester pour attaquer des utilisateurs abusifs ». Et de conclure sur le sujet : « Le ‘contrat naturel’ est en train d’arriver dans les mœurs et les habitudes juridiques ». Celui qui ne devait pas parler des élections européennes n’en était peut-être pas si éloigné...