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[Interview] Marie-Amélie Viargues : « L’agribashing existe et j’ai des collègues qui en souffrent »

Fille d’agriculteurs, mariée à un agriculteur et mère de deux enfants qui nourrissent des projets d’installation. Pour Marie-Amélie Viargues (@MarieViargues), l’agriculture est un mode de vie et elle est devenue éleveuse par passion. Elle ne se lasse ni de son métier, ni de son environnement. Dans l’Aveyron où elle vit, elle se sent souvent privilégiée. C’est pour montrer la réalité de son travail au quotidien, pour présenter tout ce que l’agriculture a de positif, qu’elle est présente sur les réseaux sociaux. Et aussi pour parler de la nature qui l’entoure et l’anime au fil des saisons.

« Je poste des photos de petits moments de la journée. Des moments où l'agricultrice se dit " je suis bien là…". »
© Compte Facebook Marie-Amélie Viargues

Cela fait 10 ans que Marie-Amélie Viargues@MarieViargues, est agricultrice. A 33 ans, elle a décidé en 2012 de s’installer en Gaec sur la ferme de son beau-père avec son mari. Une reconversion qui la satisfait pleinement aujourd’hui. Après des études dans l’aménagement paysager, elle a exercé dans ce domaine puis s’est tournée vers un emploi dans le secteur de l’aide à la personne qui lui permettait de se rapprocher de la ferme et de donner un « coup de main » raconte-t-elle. Aujourd’hui, son métier d’éleveuse la passionne et le cadre de vie et de travail du vallon de Marcillac dans l’Aveyron a conquis toute la famille. A 18 et 16 ans, les deux fils ont pour projet de s’installer également sur l’exploitation. La ferme compte 55 vaches laitières – des Prim’Holstein qui font place progressivement aux Montbéliardes, 4 brunes des Alpes – et 45 limousines. Le lait est pour partie livré à la laiterie et pour partie valorisé en lait de montagne par l’association des producteurs de la marque Montlait. Les 150 ha de l’exploitation située en zone montagneuse sont à 75 – 80 % des prairies naturelles. « Ce sont des sols très difficiles à travailler » observe la productrice, mais qui font un décor dont elle ne se lasse pas au quotidien. C’est pour faire partager ce qu’elle fait et ce qui l’entoure qu’elle est depuis quelques années sur les réseaux sociaux. Un enthousiasme qu’elle communique aussi au travers du groupe des AgriTwittos. Avec elle, les internautes découvrent tout à la fois la beauté de la nature et la réalité du labeur. Elle aime ses animaux, elle aime son décor et elle aime en faire profiter ceux qui ne sont pas là pour voir. C’est ce qui anime la communicante. Décodage. 

 

Pourquoi êtes-vous sur les réseaux sociaux ?

Marie-Amélie Viargues – « Au début, c’était par curiosité. Je me suis rendu compte qu’il y avait pas mal d’agriculteurs et j’ai découvert un moyen de faire découvrir mon métier, ma passion, mais aussi de découvrir d’autres productions que je ne connaissais pas du tout, comme le lin par exemple. Ce que je veux, c’est partager mon quotidien. Je veux être dans le positif, mais c’est sans filtre, je ne transforme rien. Si une vache est au cornadis, elle est au cornadis. C’est du matériel qu’on utilise pour se protéger. Tout ce que je montre, c’est la réalité. Dans le groupe AgriTwittos, on a tous la même démarche : on cherche à toucher le grand public en présentant ce qu’on fait réellement. »

Sur quels réseaux sociaux êtes-vous présente ?

M.-A. V – « Je suis majoritairement sur Twitter. C’est ce qui correspond le plus à ce que j’ai envie de faire : des petits messages rapides. Cela fait 5 ou 6 ans que j’y suis. Je suis présente également sur Instagram mais je ne poste pas énormément de stories. Depuis 2 ans, je suis aussi un peu sur Facebook. »

Quelle est votre meilleure audience ?

M.-A. V – « Sur Twitter, j’ai passé les 6000 abonnés mais en fait, je ne sais pas trop. Je ne suis pas une acharnée des " like " ».

« J’invite à se reconnecter avec la vraie vie et les vrais agriculteurs. »

Y a-t-il un post dont vous êtes très fière ?

M.-A. V – « J’aime bien mon premier tweet, celui qui dit qu’il faut lâcher les écrans. Ce n’est pas celui qui a fait le plus d’audience mais il correspond à ce que je veux dire. J’invite à se reconnecter avec la vraie vie et les vrais agriculteurs. Il ne faut pas voir seulement les chauffeurs de tracteurs avec des pulvés. Il y a tellement autre chose à montrer sur l’agriculture ! »

 

Avez-vous quelquefois provoqué un « bad buzz » ?

M.-A. V – « Non pas exactement. Mais il y a 3 ans, je me suis fait supprimer un tweet par Twitter. C’était une photo qui montrait le pis d’une vache en gros plan avec 5 tétines. Une tétine supplémentaire qui ne fonctionnait pas mais c’était particulier. En commentaire, je demandais à Etienne le Youtubeurre, qui a un robot de traite, comment il ferait avec cette vache-là ? Ca a tourné 2-3 jours et certains l’avaient repris. Mais Twitter a supprimé le contenu car l’image pouvait avoir une connotation sexuelle et choquer. C’était juste un pis de vache mais c’est la limite des algorithmes. Ca m’avait bien amusée. Sinon, je n’accorde pas beaucoup d’importance aux réactions négatives. Les vegan et les anti-viande, je les laisse se perdre dans leur délire. Si je leur réponds, c’est pour me forger des arguments. C’est de la curiosité pour savoir jusqu’où ils peuvent aller. Globalement, je n’ai pas trop de commentaires négatifs. Sinon j’aurais arrêté depuis longtemps. Je ne suis pas là pour me faire du mal.» 

« Il y a 3 ans, je me suis fait supprimer un tweet par Twitter. »

Avez-vous des regrets sur certains de vos messages ?

M.-A. V – « Non. Quelquefois, il y en a que je supprime avant publication. Ca a dû m’arriver 3 ou 4 fois avec des réponses à des réactions. Dans l’impulsion, je prépare une réponse que je ne poste pas parce que je me dis " je vais y passer la journée " ».

Qu’est-ce qui vous énerve chez vos détracteurs ?

M.-A. V – « En fait, le négatif, franchement, non. Je ne suis pas là pour discuter pendant des heures. Je ne suis pas sur Twitter pour m’embrouiller. Je suis là pour montrer ma ferme à des gens qui ne peuvent pas la voir. »

« On se rend compte qu’on a une vie super riche et on veut partager tous les moments privilégiés. »

 

Est-ce une démarche personnelle ou collective ?

M.-A. V – « Au début, c’était une démarche personnelle et ça a rejoint le collectif. Pas mal d’agriculteurs ont la même envie que moi. J’apporte ma pierre à l’édifice de la communication positive. Je le fais toute seule mais ça rejoint un collectif. On en a marre de l’agribashing, marre de ceux que certains partagent sur l’agriculture, marre de certains témoignages. On n’a pourtant pas tous des élevages intensifs. Il n’y a pas que des pollueurs et des éleveurs qui maltraitent leurs animaux. L’agribashing existe et j’ai des collègues qui en souffrent. Pourtant ne peut pas faire un bon produit si les animaux ne sont pas dans un environnement sain. On ne peut pas être tout le temps à faire des câlins à nos bêtes mais on ne devient pas éleveur si on n’aime pas le contact avec les animaux. Alors je me dis qu’à force de montrer qu’on fait aussi des trucs bien, on peut changer le regard des gens. »

Avez-vous suivi un modèle sur les réseaux sociaux ?

M.-A. V – « Etienne Fourmont et Antoine Thibaut, notamment, m’ont donné envie d’y aller. Mais je ne m’en inspire pas car je fais rarement des vidéos et ce ne sont jamais de grandes vidéos explicatives comme ils font. Moi, ce sont plutôt des petits moments volés dans la journée. La naissance d’un veau, par exemple. Il y a tellement de monde qui n’a jamais vu ça… Des moments où je me dis " je suis bien, là, avec mes vaches " ».

Avez-vous eu un déclic pour vous lancer ?

M.-A. V – « Non, ça a été progressif. Il y a des moments que j’ai eu envie de montrer. On se rend compte qu’on a une vie super riche et on veut partager tous les moments privilégiés. Les premières fleurs, l’arrivée de l’hirondelle… Je parle de mon métier mais aussi mes émotions. »

Combien de temps passez-vous sur les réseaux sociaux ?

M.-A. V – « C’est très variable. Il y a des jours où je n’y vais quasiment pas. Ca dépend de ce que je fais. Et les jours où je poste des messages,les commentaires me prennent aussi du temps. Quand il y a des questions ou des " j’ai pas compris ", je m’attache à répondre. Je me dis " ils s’intéressent, il na faut pas les laisser tomber ". Mon public est varié. J’ai beaucoup d’autres agriculteurs, des citadins et des ruraux, quelques journalistes. »

Quels conseils donneriez-vous à un agriculteur qui veut se lancer sur les réseaux sociaux ?

M.-A. V – « De ne pas avoir peur des commentaires désobligeants. Ca peut rebuter au départ mais ceux qui sont négatifs ne sont pas si tenaces que ça. Et à la vitesse où ça tourne sur les réseaux sociaux, ça se noie rapidement dans le virtuel. Il faut y aller si on a envie de partager et dire ce qu’on a envie de dire. Si on poste des vidéos ou des photos, il faut le faire naturellement et accepter que certains jours, il n’y ait rien d’intéressant à poster. »

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