Tour de vis Covid : le télétravail systématique étendu à l’agriculture
Protéger le monde agricole de la pandémie en pleine progression dans les territoires : c'est l'objectif visé par le gouvernement en imposant le télétravail en agriculture pour un mois. Une mesure jugée techniquement possible rue de Varenne grâce au développement technologique.
Protéger le monde agricole de la pandémie en pleine progression dans les territoires : c'est l'objectif visé par le gouvernement en imposant le télétravail en agriculture pour un mois. Une mesure jugée techniquement possible rue de Varenne grâce au développement technologique.
On savait que l’idée était envisagée depuis quelques jours dans les couloirs de la rue de Varenne, la nouvelle n’en a pas moins été un choc : après l’allocution télévisée du chef de l’Etat, le 31 mars, les services du ministère de l’Agriculture ont confirmé que le télétravail systématique serait exigé y compris dans le secteur agricole. « C’est une guerre, et l’effort doit être collectif, explique-t-on au cabinet de Julien Denormandie. On sait aujourd’hui que les technologie GPS et RTK sont extrêmement répandues sur les exploitations de grandes cultures. La très grande majorité des interventions peuvent donc être pilotées depuis son smartphone, sans nécessité de déplacement. »
Autre facteur ayant convaincu le ministre que l’agriculture devait être soumise aux mêmes règles que le reste de la population active : l’habitude de contact physique existant dans ce milieu, et les multiples risques de contamination liés au partage de matériel et aux nombreux espaces exigus (cabine de tracteur, etc). « On ne peut se permettre de prendre le risque de voir la pandémie progresser au sein de la population agricole, dont l’activité est vitale pour le pays, souligne un responsable de la Direction générale de l'alimentation. Cette décision vise avant tout à protéger les agriculteurs. »
Verbalisation possible à plus de 500 mètres du siège de l'exploitation
Concrètement, tout agriculteur interpelé dans son tracteur à plus de 500 mètres du siège de l'exploitation pourra être verbalisé. Les seuls déplacements autorisés seront ceux destinés à réparer une panne au champ. Sont toutefois exonérées de cette obligation les structures disposant d’une SAU de moins de 38,675 ha, et celles dont la culture principale est « de moitié inférieure à la surface cumulée des trois espèces les moins cultivées sur l’exploitation sur la base de la dernière déclaration PAC ». L’idée est de ne pas pénaliser les petites exploitations à faible capital, et celles ayant opté pour une diversification importante des cultures.
Sur le terrain, les avis sont partagés. « J’ai reçu toute ma commande de morte saison, je suis couvert en azote et on vient de m’offrir un tout nouveau smartphone. Ca ne devrait pas me poser trop de problème », réagit Guillaume Tassin, agriculteur à Saint Etienne du Rouvray (76). Tous n'ont pas cette chance. « J’ai un parcellaire très morcelé et un pulvé qui commence à dater. J’aimerais bien qu’on me dise comment je vais pouvoir protéger mes parcelles les plus éloignées ! », se désole Fabrice Renard, à Vaulx-en-Velin (69).
Faire l'impasse sur le T1 ou traiter discrètement la nuit
« La pression maladie est très faible cette année et cela devrait permettre des impasses de T1 selon les contextes et les situations », rassure Charles Ruch, ingénieur spécialiste des situations de crise chez Arvalis. A ceux qui ne pourraient faire autrement, le spécialiste suggère de travailler la nuit, après 19 h et avant 7 h. La plupart des rampes de pulvé sont aujourd’hui équipés de phares à led. « C’est une plage horaire ou les conditions hydrométriques et de températures sont idéales et en plus, tout le monde dort. »
Au-delà de l’aspect sanitaire, le gouvernement espère faire d’une pierre deux coups : cette décision qui prévaudra pour au moins un mois pourrait conduire à réduire l’usage des produits phytosanitaires en compliquant les interventions, voire à favoriser les conversions en bio, qui nécessitent moins de traitements. Le gouvernement pourrait même annoncer dans les jours qui viennent l’obligation de passer la totalité des surfaces en grandes cultures en bio d’ici le 1er avril 2022. Toutefois, les producteurs de grandes cultures ayant un atelier à la ferme de production de poissons d’avril seront exemptés du passage au bio.