Miser sur l’occasion, pour diviser les coûts de vendange par deux
Acquérir une machine à vendanger d’occasion permet de limiter les coûts de récolte. Et ce d’autant plus si elle est tractée, polyvalente, partagée ou encore utilisée aussi pour de la prestation de services.
Acquérir une machine à vendanger d’occasion permet de limiter les coûts de récolte. Et ce d’autant plus si elle est tractée, polyvalente, partagée ou encore utilisée aussi pour de la prestation de services.
« L’occasion, ça peut être la loterie », prévient Christophe Gaviglio, ingénieur spécialisé en agroéquipements à l’IFV Occitanie. Olivier Bastien, viticulteur coopérateur sur 35 hectares au Plan de la Tour, dans le Var, partage cet avis. « On peut avoir l’impression de faire un coup sur le moment, renchérit-il, mais l’année suivante en avoir 30000 ou 40 000 euros de réparations. » Pour sa part, il a réalisé une bonne affaire et de vraies économies.
Avec deux cousins, ils ont acheté en commun une NH 4040 d’occasion il y a trois ans. La machine à vendanger avait 3 ans et 600 heures au compteur. Ils l’ont payée 110 000 euros, contre 220 000 neuve à l’époque, soit un investissement de 37 000 euros par personne. « Après, nous ne l’avons pas trouvée sur place, nuance le viticulteur. Nous avons dû aller jusque dans le Gers pour avoir le modèle que nous souhaitions. »
Passer en revue galets, patins, plaquettes
Afin de ne pas avoir de surprise, le viticulteur a ausculté la machine avant de sortir le chéquier. « Nous avions déjà une New Holland à l’époque donc nous savions bien quoi regarder, plante-t-il. Nous avons vérifié les norias, notamment les galets et les patins, ainsi que l’usure dans les virages, avec les plaquettes. Mais elle n’avait que 3 ans et peu de dégâts. » Ce qui s’est confirmé à l’usage : il n’a pas eu de gros montants à débourser et s’en sort pour 5000 à 10 000 euros d’entretien par an. « Mais nous réalisons un peu de prestation de services avec, ce qui paye les frais d’entretien », témoigne Olivier Bastien.
« Une machine bien entretenue ne pose pas de problème », confirme Christophe Gaviglio. Mais il est important de disposer du cahier d’entretien, afin de vérifier ce qui a été réalisé et à quelle fréquence. « Souvent, les deux ou trois dernières années avant le renouvellement de la machine, les propriétaires font le minimum au niveau entretien », avertit Sébastien Jalby, animateur et conseiller agroéquipements à la Fédération des Cuma du Tarn. Mais bien souvent, les achats d’occasion passent par un concessionnaire. Or « il est rare que les concessionnaires revendent la machine en état, rassure l’animateur. Ils font souvent une révision totale, qui est incluse dans le prix de vente. »
Un bon chauffeur est primordial car les accidents coûtent cher
Ce fut plus ou moins le cas pour Philippe Boucard, exploitant 45 hectares en bio à l’EARL Lamé Delisle Boucard, à Coteaux-sur-Loire, en Indre-et-Loire. Il s’est équipé d’une machine à vendanger Pellenc d’occasion en 2016, par le biais d’un concessionnaire local, dénichée sur Agriaffaires. « C’était le concessionnaire qui était chargé de l’entretien de la machine donc il la connaissait bien. Il avait soi-disant fait une révision complète, indique le vigneron, mais nous avons retrouvé des grains de raisin dans le fond de la tête de récolte, donc il avait dû faire ça un peu 'à l’arrache'. »
Philippe Boucard est néanmoins ravi de son investissement. La machine polyvalente, dotée d’un tri embarqué et qui avait alors 2 ans mais déjà pas mal d’heures ayant appartenu à un entrepreneur, n’a coûté que 120 000 euros, contre 240 000 euros neuve. Une bonne affaire puisque depuis huit ans, Philippe Boucard n’a eu aucune mauvaise surprise. « Avant de l’acheter, nous avons regardé la machine car mon beau-frère est mécanicien, explique-t-il. Mais lorsqu’il y a des vices cachés, on ne peut pas le deviner. Par exemple si une pompe hydraulique est défaillante, on ne peut pas le savoir. C’est un peu au petit bonheur la chance, mais le jeu en vaut la chandelle. »
Depuis, il y a eu quelques pièces d’usure à changer ainsi que les convoyeurs en 2022, pour 7 000 euros. Mais en règle générale, l’entretien de la machine lui revient à 5 000 euros par an. « Nous démontons toute la tête de récolte, précise-t-il. Mon beau-frère regarde tout et la bichonne. Un très bon entretien est primordial car il permet de baisser les coûts. Un bon chauffeur importe aussi car les accidents coûtent cher. »
Des machines disponibles de suite
Stéphane Piguet, vigneron au domaine Piguet-Chouet et fils, à Auxey-Duresses, en Côte-d’Or, s’est lancé dans l’achat d’occasion en 2014, avec un enjambeur Bobard 1027 plus une tête de récolte d’occasion, sur les conseils de son concessionnaire. Et il ne le regrette pas. « Nous étions en pleines vendanges et notre Centaure battait de l’aile, se rappelle-t-il. Notre concessionnaire nous a proposé un 1027 et une tête de récolte. L’ensemble était disponible de suite et accessible donc nous lui avons fait confiance, d’autant plus que nous voulions rester sur du Bobard. »
À l’époque, il avait payé le lot environ 118 000 euros. Neuf, il valait déjà dans les 200 000 euros. « Et à présent, il faut compter environ 300 000 euros et deux ans d’attente », regrette le vigneron. Il n’a pas eu de grosse panne en dix ans et s’en sort en général pour 2000 à 3000 euros d’entretien par an. « C’est un copain qui vient après chaque récolte, confie-t-il. Mais sinon, on en aurait pour 10000 à 12 000 euros. »
Cette machine s’amortit sur environ 15 hectares par an, mais Stéphane Piguet souligne qu’il utilise le porteur pour d’autres taches, comme le prétaillage ou le rognage, ce qui en diminue le coût en vendange. Il l’estime à 500 à 1 000 euros par hectare.
Une machine amortie en quatre ans
Dans le Bordelais, Étienne Esben, des vignobles éponymes, est lui aussi enthousiaste. Il s’est équipé d’une Pellenc tractée (8090 Selectiv’Process) en 2020. « Et c’est la meilleure décision de notre vie », se réjouit-il. Cette machine de 2011 lui est revenue à 70 000 euros HT. « Avant, dans nos vignes à 1,50 m de large, nous en avions pour 200 euros par hectare via le prestataire, observe le vigneron. En quatre ans nous avons amorti la machine. » Au niveau de l’entretien, il estime s’en tirer pour environ 4 000 euros par an, « ce qui est bien moindre que sur une automotrice », souligne le vigneron. Il n’a pas eu de grosse panne malgré le nombre d’années de la machine. Cette dernière est tractée sans problème par un vieux tracteur de 70 ch. « Le rendement et la qualité sont les mêmes qu’avec une automotrice », insiste-t-il. Il n’envisage pas d’en changer de suite et attend « qu’il y ait de vraies innovations technologiques » pour le faire.
Un poste récolte qui se monte à 70-80 euros par hectare
Mais parmi nos témoins, c’est Cédric Pereira, viticulteur coopérateur établi à La Redorte, dans l’Aude, qui semble avoir fait la meilleure affaire. Il y a quatre ans, il a acquis une vieille Braud SV60 de 1998, ayant 3 200 heures, pour 15 000 euros. « Je fais 40 hectares, donc c’est bien assez », note-t-il. Avant de se lancer, il a bien vérifié l’état de la vendangeuse. « Le moteur, la tête de récolte, tout était propre et me semblait sain, se remémore-t-il. Le cahier de révision était bien tenu. Cela m’a rassuré. » Et de fait, il tourne avec depuis quatre ans sans avoir à déplorer de grosse panne. « J’ai eu un problème de norias qui se bloquaient mais j’ai rectifié et n’ai plus eu de soucis depuis », rapporte-t-il. Le réglage du secouage a également flanché mais le concessionnaire est intervenu et a trouvé la solution rapidement. À part cela, Cédric Pereira effectue tout l’entretien lui-même, ce qui lui permet de s’en sortir pour 1 500 euros par an. Au final, la récolte ne lui coûte que 70 à 80 euros par hectare, car sur les 40 hectares vendangés annuellement, seuls 17 le sont en propre, le reste étant réalisé en prestation de services. Un coût difficilement battable !
Bien penser au SAV et à la formation
Olivier Bastien recommande, avant tout achat sur internet ou dans une autre zone, de discuter avec son concessionnaire. « Il y en a certains, si on n’achète pas chez eux, ils ne viennent pas vous dépanner durant les vendanges, ou alors vous n’êtes pas du tout prioritaire », met-il en garde.
Sébastien Jalby préconise par ailleurs de demander à son concessionnaire une formation avant la première mise en route. « Cela se fait beaucoup sur les moissonneuses-batteuses et ça commence à venir sur les machines à vendanger, assure-t-il. Cela permet de bien exploiter toutes les capacités et réglages de cet outil assez difficile à maîtriser autrement. » Parfois, ce sont même les constructeurs qui proposent des formations. Ce fût le cas pour Philippe Boucard. « Pellenc forme tous les nouveaux possesseurs de machine à vendanger, détaille-t-il. C’est bien car ce sont des machines pointues. »
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