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« Les vignes n’ont presque plus de carences grâce à la permaculture »

À la tête de deux domaines situés à Pertuis dans le Luberon, Benjamin Meï voit dans la permaculture une façon de rendre ses vignes plus résilientes et qualitatives dans un environnement préservé.

Benjamin Meï met en œuvre les principes de la permaculture et de l'hydrologie régénératrice pour des vignes plus résilientes.
Benjamin Meï met en œuvre les principes de la permaculture et de l'hydrologie régénératrice pour des vignes plus résilientes.
© C. Gerbod

Réunis sous l’entité Maison Meï, les domaines Saint Jean et la Gavède comptent aujourd’hui 31 hectares de vignes en production, à 30 minutes d’Aix-en-Provence. Benjamin Meï est le directeur technique et œnologue de ces exploitations rachetées en 2018 et 2022 par son cousin Bernard Meï, chef d’entreprise. Déjà associés dans une activité de négoce, les cousins Meï veulent élaborer leurs propres vins et développer à terme de l’œnotourisme.

Après avoir pris la mesure du potentiel de ces terroirs situés sur le parc naturel régional du Luberon, Benjamin Meï s’est intéressé à l’agroforesterie et à la permaculture. Il a cherché un consultant chevronné pour ne pas prendre de risques sur la production. La collaboration avec Alain Malard a commencé en 2022.

Maximiser les multiples bénéfices des couverts

La couverture un rang sur deux avec désherbage mécanique qu’il avait installé en arrivant sur le domaine Saint Jean a tout de suite évolué.

Le couvert a été systématisé à tous les interrangs avec des semis de deux mélanges différents. « Sur les sols calcaires pauvres et séchants, c’est une association de lentilles et d’orge, sur les sols argilocalcaires et profonds, un mélange de triticale, vesce et pois », détaille Benjamin Meï. La logique est d’aller au bout des apports de ces couverts.

 

 
Systématisés à tous les interrangs, les couverts ne sont tondus qu'à la veille des vendanges.
Systématisés à tous les interrangs, les couverts ne sont tondus qu'à la veille des vendanges. © C. Gerbod

« Même si c’est la course, le semis doit se faire dès la fin des vendanges pour une pousse pendant le repos végétatif de la vigne. Le couvert arrive à maturité lors du débourrement ce qui évite tout effet de concurrence », argue-t-il. Il est planté en haute densité, à 60 kilos par hectare. Il est fertilisé à raison de 2 tonnes à l'hectare (fiente de poules) et bénéficie d’une préparation biodynamique P500, tout comme la vigne elle-même.

Le couvert n’est ni coupé, ni couché, ce qui limite les interventions. « On fait le cycle complet pour stocker du carbone, on va jusqu’à la lignification pour apporter le maximum de matière organique, favoriser la vie microbienne et l’aération des sols, maintenir l’humidité », expose Benjamin Meï. Une tonte intervient la veille des vendanges à 25 centimètres de hauteur. Pour le nouveau semis, un sous-solage est pratiqué un rang sur deux avec des dents type Michel pour décompacter les sols tassés par les tracteurs et la machine à vendanger.

Cette année, un semis direct sera pratiqué compte tenu de la bonne évolution de la texture du sol. L’objectif est que d’ici deux à trois ans, le couvert puisse s’autorégénérer.

Maison Meï se fournit en semences auprès d’un GIEE animé par la chambre d’agriculture du Vaucluse pour un coût de 30 à 40 euros par hectare. « Si l’on compte 50 euros l'hectare pour le semoir, le semis coûte 80 à 90 euros par hectare », calcule Benjamin Meï.

Il n’élude pas les problèmes. Manque de tractoristes, tâtonnements pour le matériel intercep ou pour combiner semis et buttage… « On travaille avec des vieux cadres, on adapte des outils. On avance avec notre consultant là-dessus », dévoile-t-il.

Des effets déjà observables sur les vignes et les vins

Mais Benjamin Meï est déjà très satisfait de l’équilibre de ses vignes. « Je veux des vignes poussantes, en bonne santé, résistantes », définit-il. Elles atteignent les rendements attendus en IGP méditerranée ou en AOP luberon. Les rendements ont même augmenté de 30 à 40 %. L’an dernier, le domaine a économisé 30 % d’eau en irrigation. « On ne voit plus de chardon et de chiendent car le couvert les empêche de pousser. Les carences en magnésium et fer ont presque disparu », s’enthousiasme-t-il. Les dernières analyses de sol font état de 3 à 4 % de matière organique. « L’objectif est d’atteindre 5 à 6 points », lance-t-il.

 

 
« Les vignes n’ont presque plus de carences »
© C. Gerbod

Pour cet œnologue, la démarche doit se retrouver dans les vins. « Des parcelles qui étaient exploitées en rosé produisent maintenant du rouge. On a davantage de densité et d’équilibre », se félicite-t-il. Il est tout aussi confiant sur l’évolution des blancs, qu’il juge plus minéraux et aromatiques. Des cuvées ont été remarquées par la presse anglo-saxonne.

La réaction des vignes suite à l’épisode de gel dévastateur de mi-avril le conforte. Fin mai, les vignes pourtant durement choquées ont repris de la vigueur et produiront des raisins. Une performance qu’il attribue aussi à la taille douce pratiquée depuis deux ans.

Car les pratiques évoluent aussi pour les pieds de vigne. « Nous n’écimons plus pour garder de l’ombre », décrit-il. Pour les nouvelles plantations, les plants sont uniquement greffés à l’anglaise. « C’est 40 % plus cher sur le moment et ça réclame deux ans de délai mais nous raisonnons sur le long terme », détaille-t-il. Clones et porte-greffes sont diversifiés.

Un environnement et une production biodiversifiés

En parallèle, les abords des vignes se restructurent, toujours dans le but d’apporter de la protection, une meilleure gestion de l’eau et de la biodiversité. Un travail d’entretien et de densification des haies naturelles existantes est engagé. De nouvelles haies intermittentes (arbustes et arbres plus hauts) sont installées. Au début, Benjamin Meï choisissait des plants relativement grands. « Une erreur de débutant », ironise-t-il. Désormais il se fournit en petits plants, produits à moins de 40 kilomètres, qui s’implantent beaucoup mieux.

 

 
« Les vignes n’ont presque plus de carences »
© C. Gerbod

La permaculture s’inscrit également dans le projet de diversifier les productions du domaine. De l’huile d’olive est déjà élaborée mais sa production va être développée. Des amandiers et autres arbres fruitiers vont s’installer. Les ruches sont déjà positionnées sur le domaine et gérées par un ami apiculteur. Elles ont produit 300 kilos de miel l’an dernier.

 

 
Les abords des vignes entrent pleinement dans la démarche de permaculture.
Les abords des vignes entrent pleinement dans la démarche de permaculture. © C. Gerbod

L’approche environnementale englobe le chai, opérationnel depuis les vendanges 2023. Bioclimatique, il est semi-enterré pour limiter le besoin de climatisation. Son toit couvert de panneaux solaires rend le domaine autonome en énergie (production de 300 kilowatts crêtes). Atteindre la neutralité carbone fait aussi partie des objectifs.

Les nouvelles vignes plantées en keyline design

Les Meï repartent presque d’une feuille blanche sur leur propriété d'une vingtaine d'hectares de la Gavède.

 

 
Les nouvelles vignes sont plantées selon les principes de l'hydrologie régénérative.
Les nouvelles vignes sont plantées selon les principes de l'hydrologie régénérative. © C. Gerbod

Si au domaine Saint Jean, les Meï réaménagent, ce n'est pas du tout le cas sur leur propriété de la Gavède. Seuls 5,6 hectares de clairette, de vieux grenache, syrah et carignan ont été conservés sur la vingtaine d’hectares initiale. Un vaste projet de replantation prévu sur 18,5 hectares va s’étaler sur cinq ans : 4,5 hectares viennent d’être plantés. L’hydrologie du site a été soigneusement étudiée pour installer les pieds de vigne selon les courbes de niveau selon le principe du keyline design et positionner des noues dont les bords seront arborés. Elles sont complétées par des fossés et petites mares, toujours dans le but de gérer au mieux les eaux de pluies en évitant leur ruissellement, en veillant à leur répartition et en favorisant leur infiltration dans les sols ou leur stockage.

Une grande diversité génétique du matériel végétal

Arbres, buissons et arbustes seront disposés pour composer des corridors sur 1 hectare. Le choix inclut des oliviers dont la production sera exploitée, des amandiers et des grenadiers. Le matériel végétal vise une diversité génétique avec différents clones et porte-greffes, des sélections massales issues de vieilles vignes du domaine pour certains cépages, du greffage en place et/ou des plants greffés à l’anglaise. Pour les rouges et rosés, les cépages se répartiront entre carignan noir, syrah, cinsault, grenache noir, mourvèdre, counoise, aubun et marselan. Pour les blancs entre rolle, ugni blanc, clairette, bourboulenc, grenache blanc, carignan blanc et roussanne. Deux parcelles d’un demi-hectare chacune seront complantées de six à sept cépages issus de sélections massales, l’une en rouge, l’autre en blanc. L’aménagement des lieux prend en compte les bois déjà existants sur 10 hectares.

repères

Maison Meï

31 ha en production dont 25 ha Saint Jean, 6 ha La Gavède ; à terme 50 ha

Encépagement cinsault, mourvèdre, grenache noir, syrah, aubun, merlot, carignan, marselan, caladoc, rolle, ugni blanc, clairette, grenache blanc

Dénominations AOP luberon, IGP méditerranée

Labels HVE, Haie, zéro résidu de pesticides

Types de sol calcaires et argilocalcaires

2,50 m d'interrang

6 salariés + prestation

55 hl/ha rendement moyen en AOP

Commercialisation export aux Royaume-Uni, États-Unis, Danemark, Pays-Bas, Brésil, Australie, Nouvelle-Zélande, Hong Kong ; en local restauration et GMS

5 à 25 € départ caveau

 

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