Les prévisions de rationnement vont mieux coller à la réalité
Le nouveau système de l’Inra révolutionne le calcul des rations. Plus complexe, il apporte plus de précisions. Son utilisation en élevages est prévue à partir du printemps prochain.
Le nouveau système de l’Inra révolutionne le calcul des rations. Plus complexe, il apporte plus de précisions. Son utilisation en élevages est prévue à partir du printemps prochain.
Le nouveau Livre rouge de l’Inra vient d’être publié en français. Il présente les nouvelles équations bâties par les chercheurs, et les tables donnant des valeurs indicatives pour un grand nombre d’aliments et de fourrages. Le logiciel Inration 5 intègrera les nouvelles équations de rationnement. « Ce moteur de calcul va être disponible en particulier pour la recherche et l’enseignement, avance Anne Blondel, de Acsel. De notre côté, avec une trentaine d’entreprises de conseil en élevage, nous avons développé, en collaboration avec l’Inra, un nouvel outil de calcul des rations avec des interfaces supplémentaires pour le rendre opérationnel en élevage. » Actuellement en phase de test, Rumin’Al sera utilisable sur le terrain au printemps prochain.
Mais concrètement, qu’est-ce que cela va changer ? « Les nouvelles normes bouleversent le calcul des rations ", indique Yvelyse Mathieu, de Seenovia. " Il s’agit d’une vraie révolution scientifique. Au lieu de se baser sur des moyennes d’efficacité, de vitesse de transit, etc., on travaille maintenant sur les facteurs qui font varier ces éléments, synthétise-t-elle. Pour autant, ces travaux ne remettent pas en cause les pratiques alimentaires des éleveurs. Les règles classiques de l’alimentation restent d’actualité. »
Pallier les limites de l'ancien moteur de calcul
En fait, les conseillers n’ont pas attendu la parution des nouvelles tables pour adapter leurs conseils de rationnement et pallier les limites de l’ancien modèle. « Il se basait sur un fonctionnement standard de la digestion et prenait mal en compte les situations qui s’éloignaient trop de ce standard. D’où la nécessité de moduler le conseil par rapport aux normes strictes et de réaliser diverses corrections. » Comme par exemple en augmentant empiriquement l’objectif de lait à couvrir par la ration, ou en forçant la complémentation azotée pour les hautes productrices. « Les ajustements que l’on appliquait se révélaient approximatifs ; désormais, ils seront chiffrés de façon plus juste et plus précise, quel que soit le conseiller », poursuit Yvelyse Mathieu. « Nous pourrons plus facilement expliquer pourquoi telle ou telle ration calculée sur le papier ne donne pas les résultats escomptés dans la pratique, décrit Anne Blondel. Et cette approche plus fine de la réalité du terrain va changer la relation éleveur-conseiller. C’est pour nous une réelle avancée pédagogique. »
Les valeurs des aliments et des fourrages ne sont plus fixes
La grande nouveauté -et certainement la plus perturbante à appréhender- est qu’un aliment ou qu’un fourrage n’a plus la même valeur selon son contexte d’utilisation. Celle-ci est désormais valable pour un niveau d’ingestion, une part de concentrés et un fonctionnement ruminal donnés. Pour un même aliment, il peut y avoir des variations allant de 15 à 20 % ! « Par exemple, la valeur UFL qui figure dans les tables est donnée dans un contexte de digestion de l’énergie généralement optimisé, pour un niveau d’ingestion relativement bas. Si cet aliment ou ce fourrage est distribué à des vaches dont le niveau d’ingestion se montre plus élevé ou s’il intègre une ration avec beaucoup d’interactions digestives, cela aura pour impact de baisser sa valeur. » C’est l’inverse pour la valeur PDI, qui peut augmenter lorsque le transit digestif est plus rapide.
Les fabricants d’aliments et les laboratoires d’analyses de fourrages devront fournir une valeur spécifique à entrer dans le moteur de calcul. « Même si les valeurs des tables ne sont plus qu’indicatives, elles n’en restent pas moins indispensables, insiste Yvelyse Mathieu. Ne serait-ce que pour situer les aliments les uns par rapport aux autres. » Demain, un ensilage de maïs qui ressort à l’analyse à 0,98 UFL sera toujours meilleur qu’un ensilage à 0,92 UFL !
Plus d’impact sur les rations pour hautes productrices
Dans la pratique, les lignes ne bougent pas énormément dans le cas de rations classiques distribuées à des troupeaux présentant une production intermédiaire entre 7 000 et 8 500 litres. Les prédictions gagnent surtout en précision pour les rations particulières distribuées à des animaux au profil extrême. « Dans les systèmes économes en concentrés, l’efficacité de l’utilisation de l’azote par les animaux peu productifs devrait notamment être mieux prise en compte ", illustre Yvelyse Mathieu. « Les rations pour hautes productrices, par contre, se montrent moins bien valorisées sur la partie énergétique. L’écart peut atteindre 1,6 UFL, soit 4 kilos de lait en moins, en raison du niveau d’ingestion plus élevé et d’interactions digestives plus importantes », poursuit Anne Blondel. Globalement, le nouveau rationneur appréhende mieux l’efficacité des concentrés dans les régimes pour VHP.
Le modèle chiffre les pertes d’azote et de méthane
Le rationneur intègre aussi de nouveaux indicateurs. À partir de différentes caractéristiques de la ration, un score (0, 1 ou 2) évalue le risque acidose. « Nous allons également disposer d’indicateurs précis par rapport aux enjeux environnementaux », conclut Anne Blondel. Le nouveau modèle approche les pertes azotées dans l’urine et les bouses, ainsi que les quantités de méthane produit. Reste à s’approprier ces critères et à se créer des repères en fonction des différents régimes.
Yvelyse Mathieu de Seenovia
« S’habituer à de nouvelles valeurs d’analyses »
« Les fourrages et les aliments présentent désormais une analyse spécifique pour Systali. Les valeurs UFL des fourrages apparaissent plus élevées par rapport aux analyses actuelles (+5 % environ pour le maïs ensilage). Celles des concentrés restent stables. Mais comme les pertes en UFL liées à la digestion se montrent plus importantes dans le nouveau modèle et que les besoins en énergie ont été réévalués à la hausse, les nouveaux calculs ne se révèlent finalement pas très éloignés de ce que l’on fait aujourd’hui. On continuera à mettre plus d’énergie dans les rations que ce qu'indiquaient les strictes normes de 2007. À l’inverse, pour l’azote, les nouvelles valeurs se révèlent souvent un peu plus faibles pour les fourrages, et celle des concentrés baissent de façon non négligeable (-10 % de PDI pour un tourteau de soja, -7 % de PDI pour un tourteau de colza). En parallèle, les besoins d’entretien augmentent fortement. Au final, le respect des normes 2018 devrait revenir à couvrir les rations en azote entre 3 et 6 litres de lait au-dessus des besoins indiqués par celles de 2007, comme nous le faisons actuellement. »
Les plus du rationneur Rumin’Al
Trois grandes nouveautés sont introduites
Le nouveau modèle ne se contente pas d’ajouter les valeurs nutritives des aliments. Il intègre désormais les différentes interactions digestives et métaboliques en fonction des différentes pratiques alimentaires et de la vitesse de transit des aliments.
2 Une réévaluation des besoins des animaux permet de gagner en précision. Avant, les besoins d’entretien étaient uniquement fonction du poids vif. Désormais, les besoins énergétiques et azotés d’entretien augmentent avec la production. Et par ailleurs, les besoins azotés pour la production dépendent du rendement des protéines de la ration. Plus il est élevé, moins les besoins sont importants.
3 Le nouveau critère BalProRu (balance protéique du rumen) permet d’estimer si les microorganismes du rumen disposent de suffisamment d’azote soluble. Il en faut ni trop, ni trop peu. La BalProRu remplace en fait la notion de (PDIN-PDIE)/UF. On parle toujours de PDI, mais sans avoir à manipuler les deux valeurs PDIN et PDIE. Les nouvelles PDI sont les anciennes PDIE.