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Les CEPP ne trouvent pas preneurs

Pour réduire l’utilisation de produits phytosanitaires, l’État met désormais à contribution les distributeurs. Ces derniers peinent à atteindre leurs objectifs, malgré leur implication.

Certains d’entre vous ont peut-être trouvé leur distributeur particulièrement insistant cette année concernant l’emploi de stimulateurs de défenses naturelles et autres produits de biocontrôle. C’est qu’il risquera bientôt des pénalités financières s’il ne participe pas à l’effort de réduction d’utilisation des produits phytopharmaceutiques. Pour éviter l’amende, les distributeurs n’ont d’autre choix que de récolter des « bons points », nommés Certificat d’économie de produits phytosanitaires (CEPP, voir encadré), en vendant des produits ou services destinés à faire diminuer l’Indice de fréquence de traitement (IFT). La distribution s’est donc adaptée à cette nouvelle donne. « Nous avons formé nos équipes au biocontrôle, pour gérer au mieux les modalités d’application et appuyer le client, car cela demande plus de technicité qu’en conventionnel, illustre Thierry Berger, directeur général de Soufflet Vigne. De même, nous pensons maintenant notre modèle économique différemment. » Les objectifs commerciaux et primes, par exemple, sont dorénavant axés vers la transition phytosanitaire.

Seuls 15 % des objectifs de CEPP ont été atteints en 2017

Malheureusement, les distributeurs peinent à entrer dans l’objectif fixé par le gouvernement. « Le bilan est positif sur l’engagement des entreprises, qui se sont mises à jouer le jeu, relève Sandrine Hallot, chargée de mission agrofourniture et environnement à la Fédération du négoce agricole (FNA). Mais malgré la bonne volonté affichée, on ne rentre pas dans les clous. » En effet, sur l’année 2017, les entreprises du négoce agricole n’ont atteint en moyenne que 15 % de leurs objectifs annuels. La vigne fait d’ailleurs figure de bon élève, avec un chiffre de 30 %, alors que les céréaliers et éleveurs peinent à dépasser les 6 %. « À ce jour nous sommes plutôt bien partis, confirme le directeur de Soufflet Vigne, ce qui n’est pas le cas de nos confrères de Soufflet Agriculture en grandes cultures ». Il faut dire que la filière viticole dispose déjà de nombreuses solutions, qui ont été traduites en fiches actions (voir tableau). Une diversité de fiches qui n’est toutefois pas assez suffisante, selon Sandrine Hallot. « Nous manquons de moyens, regrette-t-elle. Si cela continue à ce rythme je suis inquiète pour la suite. » D’autant plus que la loi Agriculture et alimentation, découlant des États généraux de l’alimentation, pourrait durcir les conditions du dispositif.

Le principe de certificats d’économie continuera au-delà de 2021

« Elle prévoit notamment de pérenniser les CEPP au-delà de l’expérimentation, ainsi qu’une obligation dès 2020, au lieu de 2021 » explique Laurent Jacquiau, chef du bureau semences et protection intégrée des cultures à la Direction générale de l’agriculture (DGAL). Ce dernier se veut d’ailleurs positif : « Il y a une accélération des dossiers de demande pour la validation de nouvelles fiches actions. Un dispositif est aussi prévu pour aider à l’augmentation du nombre de produits disponibles, en facilitant leurs mises sur le marché. » Et d’ajouter que la séparation de la vente et du conseil pourrait encore accélérer le déploiement des CEPP, « car les conseillers s’appuieront sur les fiches actions ». Mais cela sera-t-il suffisant pour enfin faire diminuer l’IFT du vignoble français, là où le plan Écophyto a échoué ? « Nous n’avons pas encore fait le bilan de ces premières années quant à l’impact réel sur la consommation de produits phyto, analyse l’agent du ministère. Mais il faudra un certain nombre d’années pour que la diminution soit effective. » Il se dit toutefois satisfait de l’implication des distributeurs dans le dispositif test, ce qui est de bon augure pour la suite.

Faire en sorte que le viticulteur ne soit pas le payeur final

Pour Thierry Berger, les CEPP vont permettre d’accélérer le déploiement des solutions de réduction de doses existantes. « Ce qui permettra de faire baisser l’IFT en viticulture », estime-t-il. Encore faut-il pour cela que les produits de biocontrôle soient utilisés en complément, et non en supplément des produits habituels. De même pour les services, tels que les OAD (Outil d’aide à la décision), qui devront être utilisés à bon escient. Il faudra donc que le viticulteur soit vigilant à l’avenir, à ce que le programme qu’on lui propose — composés de ces nouveaux produits — corresponde effectivement à l’économie prévue par les fiches actions. Autrement cela reviendrait à ce que ce soit la production qui paie la non-réduction des doses phytosanitaires à la place des distributeurs, ce qui est inacceptable. Il faut également espérer qu’en cas de pénalités financières pour la distribution, cette dernière ne le répercute pas sur le prix des produits. Car encore une fois le payeur final ne serait autre que le viticulteur…

voir plus clair

Les certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques sont une mesure phare du plan Écophyto II. Le but de ce dispositif est d’associer les distributeurs à l’effort de réduction d’usage des produits. En pratique, chaque distributeur s’est vu attribuer un objectif de CEPP à atteindre : pas moins de 16,6 millions d’obligations de certificats ont été données à 1 157 entreprises distributrices, proportionnellement aux ventes réalisées entre 2011 et 2015. Pour obtenir les précieux certificats, les distributeurs (que l’on nomme « les obligés ») devront accompagner les agriculteurs dans leur démarche de réduction d’usage des pesticides. Les conseillers techniques (indépendants ou de chambre d’agriculture) qui préconiseront des bonnes pratiques peuvent également obtenir des CEPP, et les céder à des obligés. On dit qu’ils sont « éligibles ». Des fiches actions définissent pour chaque bonne pratique un nombre de CEPP correspondant. Le dispositif est encore en phase de test, mais dès 2020 les distributeurs devront détenir un nombre de CEPP au moins égal à 20 % de leurs ventes de référence. Chaque certificat manquant fera l’objet d’une pénalité forfaitaire de cinq euros, avec un plafond de cinq millions d’euros.

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