Vêlage précoce : « Je vise 24 mois au premier vêlage en normande »
Chez Stéphane Hirrien, dans le Finistère, l’élevage rigoureux des génisses, l’absence de stress et des transitions alimentaires longues permettent aujourd'hui d’atteindre un âge moyen au premier vêlage de 25 mois en race normande.
Chez Stéphane Hirrien, dans le Finistère, l’élevage rigoureux des génisses, l’absence de stress et des transitions alimentaires longues permettent aujourd'hui d’atteindre un âge moyen au premier vêlage de 25 mois en race normande.
« Dès mon installation, avancer l’âge au premier vêlage a été une préoccupation, car je voulais produire du lait rapidement, explique Stéphane Hirrien, éleveur en race normande à Garlan, dans le Finistère. C’était d’autant plus essentiel que, comme j’étais en phase d’augmentation d’effectif, j’avais beaucoup de génisses. Puis, quand j’ai commencé à réfléchir à ma stratégie de renouvellement et à vouloir réduire le nombre d’animaux improductifs, les vêlages précoces sont apparus aussi comme un point très important. »
Sur son exploitation, 60 % des vêlages ont lieu de janvier à avril. « Ce n’est pas le plus simple au niveau sanitaire, mais mon objectif est de produire du lait avec de l’herbe » précise l’éleveur. 40 % des vêlages sont répartis sur le reste de l’année.
Fiche élevage
113 ha, dont 26 ha de maïs, ensilé et vendu en grain en cas de surplus, et 87 ha d’herbe
115 vaches laitières normandes
6 400 l/VL en 2022 (6 800 l/VL en 2023)
800 000 l de lait
TB 42,7 - TP 35,2
2 UTH, dont 1 UTH salarié
Estimation du poids au barymètre
Le choix de mettre une génisse à la reproduction se fait selon son poids, que Stéphane Hirrien suit régulièrement par la mesure du tour de poitrine au barymètre. « Au début, j’ai fait des pesées, indique-t-il. Mais c’est assez lourd à réaliser. Aujourd’hui, j’ai mes repères et je ne me sers plus que du barymètre, qui est très simple et rapide à utiliser. »
Quand il doit décider de la mise à la reproduction ou non, l’éleveur mesure donc le tour de poitrine des génisses au cornadis, ce qui lui permet d’estimer leur poids. « En normande, un critère pour la mise à la reproduction est que la génisse pèse 400-420 kg, ce qui correspond à 172 cm de tour de poitrine. Je me suis rapidement rendu compte que beaucoup de génisses atteignaient ce poids à 13-13,5 mois. J’ai alors osé mettre les génisses à la reproduction très tôt. »
Les résultats sont plutôt bons. « La réussite à la première insémination artificielle est un peu plus faible. Il faut 1,6 dose pour assurer la gestation des génisses. Mais alors que l’âge moyen au premier vêlage chez les adhérents de l’OS Normande est de 30,7 mois, il était de 25,7 mois ici en 2022. »
Favoriser la croissance de 0 à 6 mois
Pour parvenir à ce résultat, Stéphane Hirrien est particulièrement rigoureux sur l’élevage des génisses, notamment sur la période 0-6 mois. « C’est la période la plus importante. Il faut un GMQ supérieur à 1 000 grammes par jour et pas de problème sanitaire. »
La première semaine, les génisses sont élevées en niche individuelle à l’intérieur, près de la laiterie. Elles y reçoivent du colostrum, à raison de 10 % du poids du veau le premier repas, soit environ 3 litres, puis de 2 litres par jour les autres repas pendant toute la première semaine. « J’ai en permanence du colostrum en stock. Mais comme il y a beaucoup de vêlages, il y a toujours du colostrum de vache fraîche vêlée. Je surveille que les petites génisses le consomment bien et si besoin je les sonde. »
Dès le deuxième jour, l’éleveur leur apprend à boire dans un seau à tétine individuel, pour les préparer au passage en case collective. La deuxième semaine, les génisses passent en cases collectives à l’extérieur. « L’ancienne nurserie était très mal ventilée et il y avait des problèmes pulmonaires, explique l’éleveur. J’ai choisi d’installer ces cases en extérieur, pour des raisons sanitaires et pour rapprocher les génisses de la laiterie pour plus de fonctionnalité. Ces cases coûtaient aussi moins cher qu’une nouvelle nurserie. »
Des transitions alimentaires longues
Les génisses y reçoivent du lait fermenté. « La fermentation améliore la digestibilité du lait. Je recueille le lait non commercialisable et je le mets à fermenter dans une cuve. » Les génisses en reçoivent 6 litres jour de la deuxième à la quatrième semaine, 5 litres par jour de la cinquième à la septième semaine et 4 litres par jour de la huitième à la dixième semaine, avant un sevrage progressif.
« Elles boivent du lait jusqu’à 3-3,5 mois, précise Stéphane Hirrien. J’ai fait le choix de sevrer tard pour être sûr que l’ingestion de concentré soit suffisante et éviter tout stress au sevrage. C’est essentiel de limiter les stress pour faciliter la croissance et éviter les problèmes sanitaires. »
Dès 2-3 semaines, un mélange de 55 % d’orge et 45 % de tourteau de colza, avec du minéral vache laitière, est mis à disposition, à raison d’environ 3 kilos par jour au démarrage. « C’est un mélange que j’ai conçu et que je fabrique moi-même. Son coût est moins élevé que celui d’un aliment du commerce. »
L’hiver, après le sevrage, vers 3,5-4 mois, l’éleveur introduit progressivement du maïs ensilage, pour là encore faire une transition longue, jusqu’à atteindre 8 kilos bruts par jour à 5 mois. « Des transitions longues sont essentielles. » Du printemps à l’automne, les génisses sortent dès le quatrième mois, pour les habituer à pâturer. « Je les mets sur un paddock accolé à un bâtiment, ce qui me permet de leur apporter du concentré. Elles reçoivent alors 1,5 kilo par jour de mon mélange fermier. »
Le pâturage se fait sur de bonnes prairies de ray-grass anglais – trèfle blanc, avec 1,2 à 1,3 hectare divisé en trois paddocks pour 10 à 12 génisses et un changement de paddock chaque semaine. À partir de 8 mois, elles ne reçoivent plus d’aliment jusqu’à la mise à la reproduction.
Gestion de la reproduction avec les laitières
Du printemps à l’automne, les génisses sont regroupées avec le troupeau laitier dès qu’elles atteignent le poids voulu pour la mise à la reproduction, vers 14-15 mois en moyenne. « Elles tournent alors sur les paddocks avec les vaches. Ainsi je n’ai qu’un lot à surveiller pour la détection des chaleurs et les génisses sont plus faciles à manipuler. »
Jusqu’à présent, Stéphane Hirrien ne détectait les chaleurs que par l’observation. En 2024, il a décidé d’investir dans 60 détecteurs de chaleurs pour toutes ses vaches et génisses. « En bâtiment, les génisses ont moins de place pour exprimer leurs chaleurs. Je les détecte moins bien. Les détecteurs vont apporter plus de précision sur le moment optimal pour l’insémination. Cela va sans doute me permettre de gagner encore quelques semaines sur l’âge au premier vêlage, mon objectif étant d’approcher les 24 mois. »
Toutes les génisses sont échographiées. Quand elles sont confirmées pleines, elles sont sorties du troupeau laitier pour constituer un lot de génisses gestantes. « Même à 25 mois d’âge moyen au premier vêlage, les vêlages se passent bien, assure Stéphane Hirrien. Je passe vers 22-23 h puis à 6 h. Mais il n’y a pas de casse. La normande est une race qui vêle facilement. »
L'importance de la prévention
Depuis quinze ans, les génisses sont vaccinées à 8-10 jours en intranasal contre le BRSV, pour limiter les problèmes respiratoires, fréquents dans l’ancienne nurserie. Stéphane Hirrien leur administre aussi de l’Halocur en prévention des diarrhées liées à la cryptosporidiose. Il a par contre cessé d’utiliser le produit qu’il apportait en préventif contre les coccidioses. « Avec un sevrage plus tardif, des transitions longues et une grande attention portée à l’hygiène, nous n’avons plus de problèmes de coccidiose », apprécie-t-il.
Les niches individuelles sont nettoyées au nettoyeur haute pression après chaque veau. L’éleveur est très vigilant sur le paillage, pour des raisons sanitaires et de confort thermique des animaux.
En 2024, il va entamer la vaccination de tout son troupeau contre la fièvre Q. « Récemment, l’intervalle vêlage-vêlage s’est dégradé, constate-t-il. Il est aujourd’hui de 430 jours, alors qu’il était auparavant de 390 jours. En 2023, il y a eu des avortements. Le GDS a découvert qu’il y avait quelques cas de fièvre Q dans le troupeau, ce qui m’a amené à décider de vacciner. »
Abaisser le coût du renouvellement
Depuis 2020, pour assurer son autonomie fourragère et réduire le nombre d’animaux improductifs, Stéphane Hirrien a mis en place une vraie stratégie de renouvellement.
« En 2018, j’ai commencé à réfléchir à la conversion bio, indique Stéphane Hirrien. J’ai alors décidé d’arrêter les céréales pour faire plus de fourrages et simplifier le système, et de réduire le maïs pour être plus autonome. Lors d’une formation, j’ai aussi entendu parler d’une vraie stratégie de renouvellement et de la réduction du nombre d’animaux improductifs, encore plus importante en bio pour sécuriser les systèmes fourragers. »
L’exploitation élevait alors en moyenne 45 génisses de renouvellement par an, alors que 30 auraient suffi pour 115 vaches. « Il y avait trop d’animaux improductifs, qui pesaient sur les stocks alors que mon bilan fourrager n’était pas si sécurisé, et qui augmentaient le coût du renouvellement. »
L’éleveur décide alors de faire vieillir les vaches. « Les génisses coûtent très cher à élever. Il faut les optimiser sur au moins quatre ou cinq lactations. » En 2021, il a ainsi vendu 8 génisses fraîches vêlées ou à 7-8 mois pour ne pas devoir réformer de bonnes vaches. Il a aussi fait le choix de ne plus élever que 30 génisses par an, pour limiter le taux de renouvellement à 25 % et en choisissant les meilleures génisses.
Valoriser le génotypage
Depuis 2020, toutes les femelles sont génotypées. Les femelles à accoupler en normande sont choisies sur des critères d’ISU, sauf si un critère est très dégradant, de potentiel laitier et de taux, de longévité et de locomotion.
« Je veux des vaches qui vieillissent bien et qui marchent bien, car mon objectif est de valoriser au maximum le pâturage. Les vaches peuvent parcourir 4 à 5 kilomètres par jour. » Les meilleures génisses sont inséminées en race normande, en semence sexée pour 15-20 % ou en semence conventionnelle. « Je n’ai pas beaucoup de réussite en semence sexée », observe Stéphane Hirrien.
Les autres génisses sont inséminées en croisement industriel, en limousin, blanc bleu belge et Inra 95 pour les petits formats. « Mais je peux réadapter ma stratégie si besoin. En 2022, je n’avais que 22-23 femelles sur les accouplements prévus en normande. Il faut se laisser de la marge. » Les taureaux sont choisis selon leur potentiel laitier, sur les critères fonctionnels et sur la facilité de naissance.