Une traite vue par deux vaches
J’ai surpris récemment deux vaches, qui pas plus tôt sorties de la salle de traite se sont mises à commérer, l’air pas bien aimable. J’ai aussitôt branché le traducteur qui m’a restitué à peu près ceci.
J’ai surpris récemment deux vaches, qui pas plus tôt sorties de la salle de traite se sont mises à commérer, l’air pas bien aimable. J’ai aussitôt branché le traducteur qui m’a restitué à peu près ceci.
– « Je ne comprends pas bien, dit la brune, pourquoi Pauline m’agace les trayons là où Jean les caresse trop gentiment en essuyant la mousse, et pourquoi Pauline s’obstine à préparer tout le quai avant de nous brancher. Je sens bien que le lait veut descendre mais comme elle attend trop longtemps, ma traite s’éternise à petit débit et du coup j’ai les trayons qui trinquent et les sphincters avec. Et personne ne semble remarquer qu’à la fin, ça me fait mal et que je me tortille (1). Pas étonnant que de temps à autre, un manchon glisse en faisant du bruit (2 + 2-1). Mais tu crois qu’elle se précipiterait pour le repositionner ? Non !
– Quand c’est Jean qui trait ce n’est pas beaucoup mieux !, renchérit la rouge. Le contact est trop mou et du coup c’est juste après la pose que j’ai mal, le temps que le lait descende et gonfle mes trayons. Et puis en fin de traite, tu l’as vu faire à nous palper le pis pour voir s’il est bien vidangé ? (3) À croire qu’il ne se rend pas compte qu’il favorise le décollement de l’embouchure, le passage d’air qui va suivre et la mammite pour en finir ! Ils feraient mieux de se mettre d’accord pour prendre ce que chacun fait de bien et faire tous les deux de la même façon.
– C’est comme pour les premiers jets lorsqu’ils les faisaient. Je me suis toujours demandé, dit la brune, pourquoi ils attendaient d’avoir essuyé la mousse pour les tirer. (4) Tu vois bien qu’ils remettaient les doigts plus ou moins sales sur nos trayons bien propres.
– Et tu crois que ça pourrait nous contaminer ?, demande la rouge.
– Ben oui, avec la crasse déposée sur les griffes et celle du gobelet de trempage déposée sur leurs mains, lâche la brune. (5) Et puis regarde aussi l’état des obturateurs de manchons. En tout cas, les bactéries redéposées sur nos trayons contaminent à coup sûr le manchon puis les retours de lait et l’impact font le reste ! Et après c’est de notre faute si on a une mammite !
– Au moins Jean fait très attention, dit la rouge, et quand l’une d’entre nous arrive avec le pis bouseux, il passe rapidement une lavette de décrassage bien essorée avant de nous mousser les trayons.
– Pas comme Pauline qui prête trop de vertus au prémoussage et qui trempe les trayons tels qu’ils sont, renchérit la brune. (6) Jean, au moins, il porte aussi des gants nitrile (7) sur lesquels les bactéries n’accrochent pas et comme il les trempe de temps en temps dans l’antiseptique des lavettes de décrassage, il nous épargne des mammites contagieuses.
– Oui mais comme il essuie la mousse illico après l’avoir mise, tu crois qu’elle a le temps de faire effet ? " La rouge poursuit : « tu as entendu comme moi qu’ils parlaient de supprimer le post-trempage pour l’été ?
– Nooon !
– Ils croient qu’il ne sert qu’à obturer le canal et du coup, ils en mettent juste un peu en bas pour empêcher les bactéries d’environnement de le coloniser dans l’intertraite. Et comme en été on est dehors et qu’ils sont persuadés qu’on se couche au propre, ils veulent supprimer le trempage pour aller plus vite. »
La brune qui est membre de la ligue contre les mammites contagieuses en manque de cracher une chique de rumination !
– « Ils feraient mieux de tremper nos trayons jusqu’en haut et en toutes saisons, (8) histoire de rétamer les staphylocoques qui les peuplent et d’en assouplir la peau pour qu’ils ne puissent pas s’y multiplier. Avec plus de 10 % de nouvelles infections par mois et pas mal de récidives sur les mammites banales, ça n’est vraiment pas le moment de lâcher ni le pré, ni le post-trempage, ni d’ailleurs les premiers jets qui permettent de détecter et de soigner très vite une première infection. Et la rouge de conclure :
– « Il faudrait qu’ils reviennent aux fondamentaux de la traite pour qu’on arrête de trinquer ! »