Télémédecine : ce que testent les fermes expérimentales des Pays de la Loire
La Chambre d’agriculture des Pays de la Loire déploie, dans les fermes expérimentales de Derval et des Etablières, le projet 5G4AGRI. Explications en cas d’usage.
La Chambre d’agriculture des Pays de la Loire déploie, dans les fermes expérimentales de Derval et des Etablières, le projet 5G4AGRI. Explications en cas d’usage.
« 5G4AGRI étudie l’intérêt de déployer la 5G pour les outils numériques utilisés en productions animales et végétales », informe Lucile Lefèvre, responsable du projet à la Chambre d’agriculture des Pays de la Loire. Les deux fermes expérimentales de la région, Derval et les Etablières, sont les supports des entreprises partenaires du projet. « L’objectif est de développer des prototypes expérimentaux pour aboutir à des produits utilisables dans le monde de l’élevage. » En productions animales, plusieurs tests sont conduits.
Premier exemple, l’entreprise Dilepix, partenaire de 5G4AGRI, travaille à développer une intelligence artificielle qui analyse le comportement individuel des vaches en les reconnaissant sans utiliser les tâches de leur robe. Pour le développement de ce cas d’usage, 11 cameras ont été installées dans la stabulation de la ferme expérimentale. La question sera, ensuite, de savoir quelles données garder et comment les utiliser.
La télémédecine est testée en partenariat avec l’école vétérinaire de Nantes. Elle comprend quatre volets : téléexpertise, téléconsultation, téléassistance et télésurveillance. Le premier volet, entre deux vétérinaires – l’un en exploitation, l’autre à distance -, « est un besoin qu’exprime Oniris, pour réassurer les jeunes vétérinaires diplômés quand ils arrivent sur le terrain. C’est, pour eux, un frein pour faire de la rurale ».
La téléconsulation est la consultation à distance par le vétérinaire, l’agriculteur étant, lui, seul dans sa ferme. Elle n’est pour l’instant pas légale. L’école de Nantes a expérimenté, dans le cadre de 5G4AGRI, des lunettes connectées, pour savoir si elles permettent un bon diagnostic à distance. Le vétérinaire de Nantes et son ingénieure de recherche étaient aux manettes : l’un avec la vache, l’autre au bout de la stabulation. « D’ici la fin du projet, nous allons essayer avec un téléphone mobile, car il est plus réaliste de penser que ce sera l’outil dont disposeront les éleveurs », pose Lucile Lefèvre.
L’échographie pulmonaire à distance a aussi été essayée aux Etablières. L’ingénieure de recherche de la ferme expérimentale était dans la stabulation, le vétérinaire était sur le campus de l’école. « Ils ont échographié des jeunes génisses en cases collectives et ont jugé la qualité de l’image reçue et la fluidité du son, rapporte Thomas Huneau, responsable d’exploitation à Derval. En même temps, ils ont testé un stéthoscope connecté à un téléphone. L’expérience a permis de se rendre compte qu’il fallait une sortie jack pour transmettre le son et non une sortie USBC. Tout cela relève du développement mais il faut être sur le terrain pour s’en rendre compte. » Lucile Lefèvre complète : « Une caméra sur trépied filmait en même temps pour montrer comment se positionnait la personne. À distance, le vétérinaire avait les deux retours d’images. Le cœur du projet est d’éprouver la qualité des connexions par la 5G et l’architecture du réseau. Nous avons remonté des écueils, comme un routeur qui a cramé à cause de la canicule de juin 2023 ». Thomas Huneau corrobore : « Nous ne sommes pas dans un contexte de gestion de troupeau : la ferme sert de support pour essayer des prototypes. Nous sommes encore loin des solutions applicables par les éleveurs, et même en ferme expérimentale ».
L’entreprise Adventiel, partenaire, « va développer un prototype de plateforme pour la téléconsultation en direct entre deux vétérinaires et la téléexpertise via un mobile. Vetlinkplateform réunira aussi un chat pour les éleveurs et les vétérinaires, du suivi post-consultation. En octobre, lors d’une journée de présentation et de restitution de 5G4AGRI, nous ferons une démonstration de téléconsultation à l’aide de la plateforme en cours de développement. »
La téléassistance mobilise deux vétérinaires lors d’un acte sur un animal.
La télésurveillance consiste en l’utilisation des données d’élevage pour surveiller la santé du troupeau. « C’est un projet innovant pour les bovins, qui concorde avec l’augmentation du nombre de capteurs utilisés en élevage. L’objectif est d’offrir aux vétérinaires des données interprétables. Dans le cadre d’un focus groupe avec les éleveurs, nous avons décelé de l’intérêt de leur part pour la télésurveillance, pour qu’ils analysent les données d’élevage et de santé afin d’élaborer un plan d’action. Ils sont motivés car ils ont une grande confiance dans leur vétérinaire. Il y a un potentiel d’échange et de montée en gramme dans la relation éleveur vétérinaire important. Il reste encore un an de projet pour identifier le chemin de valeurs et les informations qui intéresseraient les vétérinaires, car ils n’ont pas vocation à suivre les données liées à la production mais plutôt celles caractérisant la santé et le bien-être animal. »
Téléenseignement et suivi du stress thermique
À Derval, le téléenseignement a aussi été testé : un formateur a présenté, grâce à des lunettes connectées, le fonctionnement de la console de la cabine de tracteur. Les élèves, en salle, avaient la retranscription audio et vidéo. « Avant, le formateur utilisait des power point, car il n’avait pas le temps de faire monter les apprenants un par un dans la cabine. Là, grâce aux lunettes, le cours est plus vivant. »
Des trackers sont aussi en test pour identifier le stress thermique des vaches : elles sont équipées d’un collier avec GPS intégré qui mesure la fréquentation à l’abreuvoir et celle des zones d’ombre. L’idée de l’Idele qui pilote ce volet est de développer un algorithme pour identifier et anticiper les moments où les vaches sont en stress thermique. « C’est une forme de surveillance du troupeau à distance. Plus nous collectons des informations en temps réel et à distance, mieux nous pouvons gérer les choses », souligne Lucile Lefèvre. En revanche, ce collier s’ajoute à la boucle connectée et au collier de détection de chaleurs, car les deux ne peuvent être réunis en un pour l’instant car la batterie ne tiendrait pas. Un peu trop peut-être pour une seule vache ?
En Île-de-France : des lunettes connectées testées pour libérer du temps aux vétérinaires ruraux
En Île-de-France, beaucoup de vétérinaires sont spécialisés en canine. La faible densité des élevages bovins rend peu attractive la région pour les vétérinaires ruraux voire mixtes, car elle engendre beaucoup de déplacements et donc des frais et du temps. De plus, en canine, les consultations sont souvent programmées en avance, laissant peu de place aux urgences rurales. « Nous constatons aussi une augmentation du nombre de petits détenteurs d’animaux de ferme pour le loisir, les fermes pédagogiques ou encore l’éco pâturage. Le nombre de petits ruminants ovins et caprins déclarés a grimpé de 300 % en dix ans, chiffre Margaux Gelin, chargée de mission maillage vétérinaire à la Chambre d’agriculture de région Île de France. Mais notre atout est la présence de l’école vétérinaire de Maisons-Alfort (Enva). »
À l’issue d’un diagnostic territorial, l’idée que les vétérinaires canins prennent en charge des petits ruminants de détenteurs non professionnels, avec l’aide de la téléexpertise, pour libérer du temps aux vétérinaires ruraux, a émergé. C’est donc dans ce contexte qu’une convention a été signée entre la chambre d’agriculture et la Région Ile-de-France pour financer l’achat d’une paire de lunettes connectées (comprenant l’abonnement au système de visioconférence, la caméra terrain, la tablette, le routeur) afin d’expérimenter la téléexpertise dans un premier temps avec l’Enva. Sur le terrain, les lunettes connectées permettent aux internes et aux étudiants de 4e année - de communiquer avec un professeur vétérinaire de l’école de Maisons-Alfort. « Pour l’instant, nous en sommes encore à la phase de test et d’appropriation du matériel. Il s’agit d’un projet pédagogique. » En attendant, « depuis 2022, une soixantaine de vétérinaires se sont inscrits aux formations du GTV d’Île-de-France pour les petits ruminants et les poules ». Si l’expérience de téléexpertise est concluante, un accompagnement à distance pourra leur être proposé selon des conditions qui restent à définir.