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« Sans nos prairies irriguées, nous ne serions pas éleveurs laitiers »

Le Gaec de Loran, dans le Gers, a choisi le lait, il y a six ans, afin de valoriser au mieux l’irrigation de ses prairies qu’il arrose avec un pivot, des asperseurs « faits maison » et des enrouleurs.

Au Gaec de Loran, dans le Gers, en ces jours d’été, les ouvriers s’affairent à l’installation du nouveau pivot d’irrigation de 370 mètres de long. Après quarante ans de service, l’ancien pivot s’est cassé l’an dernier. L’urgence a été palliée avec des enrouleurs. Michel et Clément Nedellec, les deux associés, ont fait le choix d’investir 100 000 euros dans un modèle surélevé permettant d’enjamber les arbres. Le surcoût est de 30 % par rapport à un modèle classique mais l’amélioration de l’ambiance générale de l’exploitation avec la plantation de haies les vaut, estime Michel Nedellec.

Dans ce Gaec familial, l’irrigation est au cœur du système. Ici, il n’est pas question de maïs, mais d’herbe. Toute la surface de l’exploitation est couverte de prairies dont 80 % sont irrigables.

Valoriser au mieux l’herbe irriguée

« Nous nous sommes mis tard à l’herbe », explique l’éleveur. Le tournant s’est opéré en 2012. Les rendements céréaliers de cet ex-polyculteur éleveur de charolais, n’étaient pas particulièrement bons. L’engraissement de bovins viande à l’herbe fait ses preuves et l’irrigation, autrefois dédiée au maïs, permet de sécuriser la production herbagère. Ce n’est qu’en 2017, que la ferme se convertit au lait avec l’installation de son fils Clément.

Côté éco

Coût de l’irrigation de juin à septembre : 20 000 euros par an
En 2022, année particulièrement sèche, le coût a grimpé à 30 000 euros

 

retenue d'eau privée dans le gers

L’exploitation bénéficie de deux retenues d’eau. L’une via une association de syndicat autorisé (ASA) communale disposant de deux lacs artificiels totalisant un million de mètres cubes d’eau. L’autre privée, de 160 000 m3. « Un récupérateur d’eau », corrige malicieusement Jasmine Nedellec, sa femme et salariée. Aucun pompage dans les nappes phréatiques n’est réalisé. « Nous stockons 5 % de la pluviométrie sur Saint-Maur et 4 % sur notre exploitation. »

Le pivot fait le travail tout seul

« Sans nos prairies irriguées, nous ne serions pas éleveurs laitiers »

Pour exploiter cette eau, le Gaec fait appel à trois systèmes d’irrigation : un pivot, ses plots asperseurs et des enrouleurs. Le pivot de 370 mètres irrigue 47 hectares. Son avantage : « il fait le travail tout seul ». Depuis huit ans, le Gaec a également mis en place des plots asperseurs « faits maison » qui irriguent 60 hectares. S’inspirant du modèle néozélandais, il s’agit de petits plots d'irrigation comparables aux sprinklers en couverture intégrale mais déplaçables à l’aide d’un pick-up. Cinq par hectares sont nécessaires. Ils sont déplacés sur une nouvelle parcelle chaque jour. L’investissement s’est élevé à 20 000 euros pour 150 plots et les tuyaux (hors système de pompage.) « Les asperseurs nécessitent une pompe moins puissante que le pivot ou les enrouleurs et sont moins chers d’utilisation », assure Michel Nedellec.

À la recherche du mélange idéal

Pour valoriser au mieux l’irrigation, « nous cherchons tout le temps le meilleur mélange pour nos prairies. Les légumineuses sont prédominantes car elles répondent bien ». Les dernières prairies implantées l’ont été avec un mélange de 20 kg de ray-grass anglais, 6 kg de trèfle blanc intermédiaire ou ladino, 6 kg de lotier, 3 à 4 kg de plantain, 1 kg de chicorée. 20 kg de fétuque remplacent le ray-grass pour les parcelles réservées aux génisses. « D’autres espèces ont été testées au fil des années mais elles se sont avérées moins productives », explique l’éleveur. Pour pallier le risque de météorisation, les éleveurs réalisent du topping à l’automne.

Les rendements des meilleures prairies irriguées atteignent 18 t]]>MS/ha quand ils sont de 10 t]]>MS/ha en moyenne pour les parcelles non irriguées. Toutes les parcelles sont pâturées. Seul le surplus est fauché. 70 hectares d’herbe ont été ensilés en mai et 40 séchés en foin.

Côté portance, pas de problème, assure l’éleveur.  « 20 mm d’eau ne gêne pas la portance des parcelles, même avec 35 mm sous pivot. En revanche, nous devons attendre un jour avant de mettre les vaches après une irrigation par enrouleur. »

Le coût de l’énergie interroge la viabilité

« Le premier frein à l’irrigation, c’est son prix », assure Clément Nédellec. Avec la hausse des prix de l’énergie, la facture du Gaec pourrait être multipliée par trois dès 2024. Déjà les éleveurs ont investi pour réduire de moitié la consommation électrique de leur station de pompage (changement de moteur et variateur de fréquence). En y ajoutant la réduction du nombre d’enrouleurs au profit du pivot et des asperseurs, la consommation a diminué de 1,37 à 0,45 kW/m3 d’eau consommé. « Nous gagnons en efficacité, mais les prix nous rattrapent et la facture reste la même », déplore l’éleveur gersois.

 

Fiche élevage

Gaec de Loran

• 400 animaux (216 laitières, 120 veaux dont 50 pour le renouvellement, 13 taureaux et 50 génisses d’un an)
• 216 ha tout herbe
• 180 ha irrigables dont 60 ha par asperseurs et 47 ha par pivot
• 750 000 l de lait produits en monotraite (dont 600 000 l collectés et 150 000 l pour les veaux)
• 4 équivalents temps plein : 2 associés et 3 salariés

Un manque de références techniques sur l’irrigation des prairies

« Aujourd’hui, nous ne pouvons pas fournir de conseil quant aux mélanges prairiaux à utiliser en cas d’irrigation, ni leur réponse vis-à-vis de l’eau », signale Sophie Gendre, ingénieur R&D Gestion quantitative de l’eau chez Arvalis. Alors que les dernières références datent de 1992, l’institut technique entreprend de nouveaux essais, principalement en luzerne mais également avec des graminées et d’autres légumineuses, en pur ou en association. Les résultats définitifs seront connus en 2025.

« L’objectif de ces essais est que l’irrigant puisse arbitrer entre culture de vente ou prairies, explique Anthony Uijttewaal, chef du service Agronomie - Économie - Environnement chez Arvalis. Et de donner des informations sur quel type de couvert répond de quelle manière à un apport d’eau. »

Les premiers résultats, à confirmer, font état, pour la luzerne d’un gain de 150 à 400 kg]]>MS/ha par 10 mm d’eau. « La valeur alimentaire a tendance à être dévaluée avec l’irrigation mais ce n’est rien comparé au gain de productivité. À l’hectare, le bilan est gagnant, assure Anthony Uijttewaal. Pour les graminées, nous avons qu’un an de recul mais l’ordre de grandeur est le même avec une réponse de 200-250 kg]]>MS produite tous les 10 mm d’eau. »

« Sur le site de Pusignan vers Lyon, la réponse de la fétuque élevée et du ray-grass hybride typé italien a avoisiné 150 à 200 kg]]>MS pour 10 mm d’eau en 2022, indique Sophie Gendre. La réponse a pu être meilleure sur d’autres sites. Ces données sont à revalider. »

Gare aux arrière-effets de l’irrigation

Outre les rendements, ces essais permettent également d’observer le comportement des différentes espèces sur plusieurs campagnes. « Nous suspectons un arrière-effet négatif de l’irrigation, révèle Anthony Uijttewaal. Sur la production en premier cycle en sortie d’hiver, le comportement des parcelles irriguées n’est pas le même que sur les témoins. » Mise en réserve ? Concurrence entre les plantes ? Les tenants de ce processus vont être approfondis.

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