Près de 400 éleveurs bovins engagés dans le label bas carbone
Faire reconnaître l'effort de réduction de l'empreinte carbone de 391 éleveurs bovin lait et viande, notamment via la vente de crédits carbone : tel est l'objectif du premier appel à projet de l'association France Carbon agri.
Faire reconnaître l'effort de réduction de l'empreinte carbone de 391 éleveurs bovin lait et viande, notamment via la vente de crédits carbone : tel est l'objectif du premier appel à projet de l'association France Carbon agri.
« On s'attendait à environ 200 éleveurs engagés. Finalement, il y a 391 éleveurs bovins lait et viande qui ont répondu présent ! Il y a une motivation des porteurs de projets et des éleveurs pour faire reconnaître les efforts réalisés dans les élevages en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre », résume Jean-Baptiste Dollé, de l'Institut de l'élevage.
Il s'agit du premier appel à projet lancé par l'association France Carbon agri et bouclé le 17 février dernier : vingt-deux porteurs de projet, avec les 391 éleveurs qu'ils accompagnent, y ont répondu. France Carbon agri association, créée par des réprésentants d'éleveurs (FNPL, FNB, FNO, Fnec), est l'intermédiaire entre les porteurs de projet, les pouvoirs publics et les acheteurs de crédits carbone. Les projets s'appuient sur la méthodologie Carbon agri qui, à partir des diagnostics Cap'2ER et des plans d'actions, permet de quantifier les crédits carbone. La méthode Carbon agri a été développée par l'Idele-Institut de l'élevage, en partenariat avec le Cniel, Interbev, la Confédération nationale de l'élevage et l'Institute for climate economics (I4CE). Elle a été officiellement validée par l'État le 30 septembre 2019. Elle répond en effet au référentiel label bas carbone créé en novembre 2018 par le ministère de la Transition écologique.
En 2020, un Cap'2ER, un plan d'actions
À présent, les porteurs de projet doivent réaliser les Cap'2ER de niveau 2 dans les élevages engagés, pour bâtir les plans d'action. « La majorité des élevages engagés n'ont pas encore réalisé de Cap'2ER, ou en ont réalisé un récemment. Nous avons assez peu de scénarios génériques », indique Catherine Brocas, d'Idele. Le scénario générique dispense une exploitation de réaliser le premier Cap'2ER. L'exploitation part alors d'une référence médiane d'empreinte carbone, pour sa catégorie de système fourrager et pour sa zone géographique. Le reste de la méthode est identique.
À l'automne 2020, le projet sera certifié
France Carbon agri association, avec la méthode Carbon agri, chiffrera alors le potentiel d'émissions de carbone évitées à horizon 2025, « aujourd'hui estimé à 71 000 tonnes ». Et l'association remettra le projet global au ministère de l'Environnement. « La labellisation concernera l'ensemble du projet et les crédits carbone associés. Cela signifiera qu'ils respectent la méthode Carbon agri », précise Catherine Brocas. L'association saura alors précisément combien de crédits carbone certifiés elle pourra vendre aux clients intéressés.
En 2022, une avance de crédit carbone
La méthode Carbon agri prévoit une visite à mi-parcours par un organisme de conseil technique, pour voir où en est l'application des leviers choisis par l'éleveur pour réduire son empreinte carbone. À ce moment là, France Carbon agri association pourra affiner son prévisionnel de crédits carbone et verser une avance aux éleveurs engagés.
En 2025, un deuxième Cap'2ER, un audit indépendant
Au bout des cinq ans, un deuxième diagnostic Cap'2ER sera fait sur toutes les exploitations engagées. C'est alors que sera connu le nombre réel de crédits carbone. Un organisme indépendant auditera le projet ; il vérifiera que les mesures ont bien été mises en œuvre sur un échantillon. Tout cet ensemble donne une qualité et une transparence aux crédits carbone portés par France Carbon agri association.
Un paiement des crédits entre 30 et 40 €/t
Le marché mondial du carbone va de 5 à 150 euros la tonne de crédit carbone. Le prix dépend de la qualité des crédits carbone. « La Caisse des dépôts et consignation et La Poste ont déjà indiqué qu'elles achèteraient les crédits de France Carbon agri association. Nous échangeons avec d'autres clients potentiels, privés et publics. Nous visons entre 30 et 40 €/t pour nos crédits, car nous avons une qualité de données enregistrées, un audit extérieur indépendant vérifiera la qualité du projet, et nos crédits seront labellisés par le ministère de l'Écologie, explique Jean-Baptiste Dollé. Des entreprises et collectivités reconnaissent la valeur de nos crédits carbone de par les cobénéfices que nous suivons avec les Cap'2ER : stock et stockage de carbone, biodiversité, qualité de l'eau (bilan azote) et de l'air (ammoniac), réduction de la consommation d'énergie, production d'énergie. »
Si l'association parvient à valoriser ces crédits entre 30 et 40 €/t de CO2 émis évitée, « cela peut représenter 6 000 à plus de 10 000 euros, pour une période de cinq ans, pour une exploitation spécialisée lait de 70-80 vaches produisant 500 000 litres de lait, qui peut en moyenne réduire ses émissions de 200 à 300 tonnes », évalue Jean-Baptiste Dollé.
Un deuxième appel à projet au second semestre 2020
« Nous savons qu'il y a eu plus de demandes d'éleveurs intéressés que de places disponibles, et nous avons reçu des demandes d'éleveurs individuelles, brosse Catherine Brocas. Ces éleveurs pourront entrer dans le deuxième appel à projet, qui devrait être lancé au second semestre 2020. Pour l'heure, nous les renseignons sur la démarche. »
Pour ce qui est du financement des diagnostics, de la mise en place du plan d'actions et du suivi, les Criel, des programmes régionaux, des programmes privés, peut-être certains acheteurs... apporteront leur soutien.
Avis d'éleveur : Éric Lainé, en Gaec à six associés, en Ille-et-Vilaine
« On pourra communiquer sur ce qu'on fait de bien »
« Avant de suivre la formation du Ceta 35 en juin 2019, sur les gaz à effet de serre, on ne voyait pas ce sujet d'un bon œil. On craignait que cela serve à nous enfoncer à cause de nos émissions. Finalement, j'ai appris comment l'agriculture avait un impact sur les émissions, que l'on pouvait réduire notre empreinte. Et que les leviers choisis pouvaient aussi améliorer les résultats économiques de notre exploitation.
Nous avons 110 vaches montbéliardes et 100 hectares de SFP, six poulaillers Janzé et 127 hectares de cultures de vente. Notre Cap'2ER a été fait fin 2019. Nous ne sommes pas si mal placés, mais nous avons des marges de progrès. Les émissions totales de la ferme sont de 6 608 kg eq CO2/ha SAU et le stockage est négatif (-55 kg CO2/ha SAU). L'atelier lait est dans la moyenne en terme d'émissions (0,98 kg CO2/l lait) mais stocke très peu de carbone.
Notre plan d'actions n'est pas encore finalisé, mais nous avons déjà décidé de travailler sur la réduction du taux de renouvellement (passer de 35-40 % à 25-30 %) et sur la réduction de l'âge au premier vêlage (passer de 28 à 24-26 mois). Nous prévoyons aussi d'augmenter nos surfaces en luzerne pour améliorer l'autonomie protéique et azotée. Peut-être testerons-nous l'agroforesterie si un programme de financement se met en place. Récemment, nous avons déjà planté beaucoup de haies avec Breizh bocage.
Notre motivation première est l'amélioration de notre performance technique et économique. Nous allons restructurer les installations d'élevage et revoir l'alimentation des génisses pour progresser sur les deux tableaux à la fois : environnemental et économique.
Ce qui est motivant également, c'est la communication positive que nous allons pouvoir faire. Et on aura des éléments chiffrés pour répondre aux consommateurs et aux médias. La rémunération des crédits carbone sera la cerise sur le gâteau. On ne s'attend pas à de gros sommes ; cela restera symbolique. Enfin, cette démarche est volontaire aujourd'hui. Elle deviendra peut-être obligatoire un jour. »
Les 22 porteurs de projet sont...
Les porteurs de projets sont divers et variés. Parmi les 22 porteurs de projets, il y a deux coopératives - Sodiaal et Agrial -, des chambres d'agriculture (Pays-de-la-Loire, Pyrénées-Atlantiques, Bretagne, Normandie...), des organismes de conseil en élevage (Acsel Ain, BCEL Ouest, Eilyps, Loire Conseil élevage...), une association de développement agricole (Ceta 35), une association d'organisation de producteurs (Aopen Dairy), un organisme de conseil en entreprise (Peri-G).
Le Ceta 35 a engagé 43 éleveurs : « Nous avons des exploitations spécialisées lait ou viande, des polyculteurs éleveurs, avec atelier hors sol ou non, plus ou moins herbagers, des bios, des conventionnels, des jeunes éleveurs et des gens proches de la retraite... Nous en avons qui ont des marges de progrès importantes et d'autres qui ont déjà une bonne empreinte carbone et qui veulent encore progresser », indique Maëlle Gedouin, du Ceta 35. Pour la mise en œuvre du projet, le Ceta 35 travaille avec Eilyps, la chambre d’agriculture
de Bretagne et d’autres réseaux.
À retenir
L'empreinte carbone est la différence entre les émissions de gaz à effet de serre (N2O, CH4, CO2) exprimées en tonnes d'équivalent CO2 (appelées aussi intensité carbone) et le stockage du carbone.
Le saviez-vous
Plus de 13 000 éleveurs bovins français sont engagés aujourd'hui avec un diagnostic et/ou un plan d'actions, soit plus de 15 % des éleveurs bovins. Et cela va continuer.
La base de données des 13 000 exploitations bovines ayant déjà réalisé un Cap'2ER montre que dans chaque système on peut améliorer son empreinte carbone. Une quarantaine de leviers ont été recensés. Chaque contexte a ses solutions propres.
Les trois engagements de la méthode Carbon agri
Les objectifs de la filière laitière française sont de réduire de 20 % l'empreinte carbone nette lait et viande entre 2015 et 2025, pour atteindre 0,8 kg CO2/l de lait.
Le diagnostic Cap'2ER se fait à l'échelle de l'exploitation.
1 La valeur absolue des émissions nationales contrôlée
Le diagnostic donne un résultat d'émissions de gaz à effet de serre (CO2, CH4 et N2O) en équivalent CO2, ramené au litre de lait, au kilo de viande, à l'hectare de culture. « On ne prend pas les émissions en valeur absolue, car on ne veut pas pénaliser les restructurations d'exploitations. L'important, c'est que les émissions nationales en valeur absolue baissent. Nous avons prouvé au ministère de l'Environnement qu'en France, la valeur absolue des émissions des élevages bovin est en baisse depuis 1990. »
2 Le stockage du carbone ne doit pas baisser
Le diagnostic évalue le stockage du carbone à l'échelle de l'exploitation. « Seules les exploitations maintenant ou augmentant le stockage de carbone sont éligibles. C'était un point non négociable pour le ministère de l'Environnement pour certifier les projets », insiste Catherine Brocas.
3 Pas de dégradation d'autres critères environnementaux
Pour garantir les cobénéfices environnementaux associés à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, Carbon agri prévoit le suivi d’un certain nombre d’indicateurs. Ces indicateurs sont la biodiversité, les émissions d'ammoniac, les pertes d'azote dans l'eau, la consommation d'énergie et la production d'énergie.