« Plus d’ergonomie au quotidien, ça change la vie »
À l’EARL Savary, dans le Pas-de-Calais, Valérie a dû aménager son poste de travail avec l’aide d’un ergonome pour trouver des équipements qui la soulagent. Aujourd’hui, elle revit ! Son seul regret est de n'avoir pas songé à ces aménagements plus tôt.
À l’EARL Savary, dans le Pas-de-Calais, Valérie a dû aménager son poste de travail avec l’aide d’un ergonome pour trouver des équipements qui la soulagent. Aujourd’hui, elle revit ! Son seul regret est de n'avoir pas songé à ces aménagements plus tôt.
« Quand j’ai rejoint l’exploitation de Christophe il y a treize ans, rien ne me prédestinait à devenir éleveuse. Je ne connaissais rien au métier, j’étais dans le prêt-à-porter ! », raconte Valérie Savary avec enthousiasme. Dynamique et décidée, elle a tout appris sur le tas. Elle s’occupe hardiment de la traite, de l’élevage des veaux, de la gestion du personnel (1 salarié 15 h/semaine, 2 jeunes apprentis) et de l’administratif de la ferme qui compte 96 hectares de cultures et 90 vaches à 10 000 kg.
Pourtant, tout ça a bien failli s’arrêter pour l’éleveuse car elle souffre d’une fragilité ligamentaire au niveau des épaules qui aurait sérieusement remis en cause la poursuite de son activité si rien n’avait été fait. « J’étais vraiment gênée au quotidien avec les gestes répétitifs, le port de charges et les travaux nécessitant de la force, raconte-t-elle aujourd’hui, âgée de 55 ans. Lever les bras au-dessus de l’épaule devenait trop douloureux. C’est simple, je n’en pouvais plus de traire ! » Pourtant, les exploitants avaient investi dans une nouvelle salle de traite de plain-pied très fonctionnelle (2x8 épi 60°) quelques années plus tôt. Et ils s’étaient aussi donné des moyens humains de pouvoir effectuer systématiquement la traite en binôme, notamment avec l’embauche de deux apprentis.
En juillet 2019, la médecine du travail a délivré à l’éleveuse le statut de travailleur handicapé. Cela a été le déclic pour trouver des solutions concrètes avec Cap Emploi(1), une structure accompagnant les personnes handicapées dans l’accès et le maintien de l’emploi. « Un ergonome est venu pendant deux jours pour observer les postures et les gestes posant problème. Nous avons ensuite réfléchi ensemble à des moyens de compensation pour que je puisse continuer à travailler sans aggraver ma santé. » « Pour trouver des solutions, il faut vraiment s’impliquer dans la réflexion, souligne Christophe Savary. Les personnes qui nous accompagnent nous aident à réfléchir sur notre façon de travailler, mais les moyens à mettre en place et l’engagement financier dépendent bien de nous. Il faut se montrer proactif pour ne pas subir. »
Les solutions retenues, plus ou moins originales, passent par des équipements qui ont permis de réduire la pénibilité et d’améliorer le confort. Cela va de l’évier ambulant pour laver les seaux à la brouette à fumier basculante, en passant par un diable à bavette large pour le port des charges ou l’exosquelette pour la traite... L’ergonome a contacté différents fabricants, y compris des entreprises faisant du matériel sur-mesure.
En parallèle, les efforts des éleveurs ont aussi porté sur l’embauche de main-d’œuvre supplémentaire et le temps nécessaire pour former leurs nouvelles recrues. « C’est indispensable si on veut qu’elles puissent nous remplacer, insiste Valérie. Depuis plus d’un an, Sarah travaille chez nous, elle me remplace pour quatre traites hebdomadaire, soit l’équivalent de 15 heures par semaine. Cela fait un bien fou de ne plus traire tous les jours, physiquement et mentalement aussi ! »
Ménager sa santé reste un sujet tabou en élevage
Aujourd’hui, Valérie est ravie et se dit beaucoup moins fatiguée. « Parler de ses douleurs, avouer que l’on souffre du dos, des épaules, des bras et surtout être prêt à dépenser pour se soulager… cela reste encore tabou en élevage, en particulier pour les hommes », regrette-t-elle. « Pourtant, ce n’est pas une fatalité ! Des solutions parfois toute simples existent pour se faciliter le quotidien. On peut être un bon éleveur tout en améliorant ses conditions de travail et en ménageant sa santé ! Ce n’est pas incompatible!, conclut-elle. Mais encore faut-il dépasser les préjugés qui ont la vie dure dans le monde agricole. »
Côté éco
Une quinzaine d’équipements ont été mis en place, dont une partie a pu être partiellement subventionnée (de 30 à 80 %). Le coût a été de 18 000 € (hors alimentateurs et balayeuse) dont près de la moitié financée par l’Agefiph en compensation du handicap.