Elevage laitier : Où va la PAC version française ?
Entrer dans les écorégimes sera un enjeu fort pour tous les agriculteurs. Voici les grandes lignes du Plan stratégique français (PSN), pour anticiper dès maintenant des évolutions de système.
Entrer dans les écorégimes sera un enjeu fort pour tous les agriculteurs. Voici les grandes lignes du Plan stratégique français (PSN), pour anticiper dès maintenant des évolutions de système.
Les règles de la future PAC de 2023-2027 se sont affinées en juillet, avec la présentation par le ministère de l'Agriculture du futur Plan stratégique national (PSN). Le PSN français n'est pas complètement finalisé. Ce projet doit recueillir l’avis de l’autorité environnementale et être soumis à enquête publique avant d’être transmis à Bruxelles fin 2021. La Commission européenne veillera à ce que le PSN contribue au Pacte vert (Green deal) européen. L'objectif est une validation mi-2022 par Bruxelles.
La France a choisi une poursuite modérée de la convergence des paiements de base (DPB) - actuellement de 70 % - jusqu'à 85 %. Le paiement redistributif (PR) est maintenu, avec une enveloppe de 10 % du premier pilier pour les 52 premiers hectares. L'enveloppe est maintenue pour l'ICHN. Au chapitre des changements, citons la hausse du budget pour aider l'installation. La France a choisi de renforcer le dispositif de gestion des risques et des aides à l'assurance. Pour la bio, à noter une hausse du budget pour les aides à la conversion mais une suppression de l'aide au maintien.
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À la mi-août, la France n'avait pas encore précisé sa définition d'un véritable agriculteur - ou agriculteur actif - habilité à recevoir les aides. L'objectif est d'octroyer les aides aux vrais exploitants.
Les bovins lait n'ont pas été oubliés
Pour les aides couplées, la France a choisi le maximum de ce que prévoit l'accord européen : 13 % du budget du premier pilier pour les aides couplées, et 2 % supplémentaires pour l'aide aux protéagineux. « On assiste à un basculement des aides couplées, qui iront davantage vers les protéines végétales avec le plan protéine. Il est prévu un doublement des aides. Et en parallèle, il y aura une baisse de l'enveloppe pour les aides bovines », résume Didier Roinson, conseiller Cerfrance Seine Normandie. Une nouvelle aide à l'UGB bovine de plus de 16 mois sera créée : 104 € par UGB allaitant, avec un plafond de 120 UGB et une notion de chargement ; et 57 €/UGB pour les autres bovins (lait et mixtes), avec un plafond de 40 UGB. Il est prévu que 0,3 % par an des aides animales seront orientées sur les aides protéines.
Une conditionnalité sur 100 % des aides
Le respect des BCAE (bonnes conditions agricoles et agroenvironnementales) sera requis pour toucher toutes les aides PAC, du premier et du second pilier. Outre l'exigence des bandes tampons le long des cours d'eau, d'au moins 3 mètres de large, sans apport d'engrais ni de pesticides, il y en a deux nouvelles :
Une jachère appelée "surface improductive" devra représenter au moins 4 % des terres arables. Cette proportion pourra être réduite si l'exploitation cultive des dérobées et/ou des cultures fixatrices d'azote (sans utilisation de phyto) sur au moins 7 % de la SAU. Les exploitations avec plus de 75 % de la SAU en surfaces fourragères et légumineuses seront dispensées.
La rotation des cultures à la parcelle est affirmée, mais des adaptations sont possibles, et des exploitations en seront dispensées, comme celles avec plus de 75 % de la SAU en surfaces fourragères et légumineuses.
Trois voies d'accès aux écorégimes
Ces aides du premier pilier pour le climat et l'environnement représenteront 25 % du premier pilier. Ce sera 20 % en 2023 et 2024. La France a opté pour deux niveaux de paiement : base (54 €/ha) et supérieur (76 €/ha).
Il y aura trois moyens d'y accéder :
1 - via des bonnes pratiques : maintien des prairies permanentes, diversité des assolements avec intégration de légumineuses... Pour les prairies permanentes, un non-labour de 80 % des surfaces de prairies permanentes permettrait d’accéder au paiement de base ; 90 % au paiement supérieur ;
2 - via la certification bio (76 €/ha). Ou via la HVE, qui est le niveau 3 de la certification environnementale (CE) et qui donne également droit au paiement supérieur. Ou via une certification nouvelle, la CE2+, qui permet d’accéder au paiement de base. Cette certification correspond au suivi de cinq critères de résultats et à l’atteinte d’au moins un d’entre eux. Il s’agit des quatre critères de la voie A de la HVE et d’un cinquième critère portant sur la sobriété : démarche de recyclage dans l'exploitation, utilisation d'outils d'agriculture de précision. Par ailleurs, pour répondre aux critiques sur la HVE qui ne serait pas suffisamment agroécologique, le référentiel HVE sera révisé d'ici 2023 ;
3 - via le maintien d'infrastructures agroécologiques (IAE). Il faudra 7 % d'IAE sur l'exploitation pour avoir le paiement de base et 10 % pour le paiement supérieur.
Enfin, un bonus cumulable avec les voies bonnes pratiques ou certification, ou « top-up », est prévu sur les haies. Il concernera les exploitations où les haies représentent plus de 6 % des terres arables.
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Budget maintenu pour les MAEC
Un minimum de 35 % du second pilier sera consacré aux MAEC - mesures agroenvironnementales et climatiques - et rémunèrera des pratiques allant au-delà de la conditionnalité et distincte des écorégimes. Le catalogue des MAEC n'était pas encore connu à la mi-août, mais trois thèmes se dégagent : bien-être animal, pollinisateurs et zones intermédiaires à faible potentiel agronomique.
À retenir
Les aides sont davantage fléchées vers :
Exiger les mêmes règles pour les produits importés
La Commission européenne s'est engagée à étudier la mise en place d'une législation sur les normes environnementales, bien-être animal et sanitaires des produits importés. Un rapport d'audit est demandé d'ici juin 2022 par les États membres et les eurodéputés. Le décalage entre les exigences et les mesures de protection pourrait être défavorable aux filières européennes.
L'enjeu d'accéder aux écorégimes
L'objectif de la France est d'accompagner le plus possible d'agriculteurs dans l'adoption de pratiques agroécologiques. « Néanmoins, un certain nombre d'agriculteurs n'atteindront pas les écorégimes facilement. Il y a un enjeu, étant donné la part que représentent les aides PAC dans les résultats courants », affirme Sébastien Paumelle, directeur général adjoint du Cerfrance Seine-Normandie. « On estime que, sans écorégime, la perte potentielle d'aide pourrait avoir un impact entre -15 et -70 % sur le résultat courant, suivant les systèmes », évalue Didier Roinson.