« Nous avons fait le choix de récolter l’herbe exclusivement en enrubannage »
Le Gaec de la Corbinière, dans l’Orne, récolte de l’herbe à haute valeur protéique pour ses 85 hautes productrices sous forme d’enrubannage. Un choix dont les associés apprécient les atouts, même s’il n’est pas le plus économique.
Le Gaec de la Corbinière, dans l’Orne, récolte de l’herbe à haute valeur protéique pour ses 85 hautes productrices sous forme d’enrubannage. Un choix dont les associés apprécient les atouts, même s’il n’est pas le plus économique.
Une chose est sûre, même si leurs rendements en herbe ont diminué de 20 % les deux dernières années, les associés du Gaec de la Corbinière dans l’Orne ne manquent pas de stock. La montagne de roundballers qui s’étale le long des silos d’ensilage de maïs, également bien fournis, est pour le moins impressionnante. Les 85 laitières à 9 800 kg de lait (à 45,5 de TB - 33,5 TP) et les 200 jeunes bovins n’ont pas encore entamé la récolte d’herbe 2020. Ici, seules les génisses pâturent et les éleveurs privilégient une logique de stocks en incorporant 30 % d’herbe dans la ration, exclusivement sous forme d’enrubannage. « Avec un chargement élevé (2 UGB/ha), on cherche à sortir un maximum de rendement par hectare, mais toujours avec un objectif de haute qualité. Cela contraint à multiplier les chantiers de récolte, mais c’est la condition si on veut faire du lait avec de l’herbe », avance Frédéric Sablé.
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Les 12 hectares de RGA fournissent 7-8 tMS/ha en trois coupes minimum au printemps à 4-5 semaines d’intervalle, et les 13 hectares de trèfle violet environ 12 tMS/ha, en 4 coupes. Toutes les coupes sont analysées. Le RGA distribué en ce moment (1re coupe 2019) sort à 50 % MS, 20,5 % de MAT, 437 de NDF et 1,04 UFL/kg MS, et le trèfle violet affiche 21,8 % de MAT, 352 de NDF et 0,92 UFL. Par contre, il a été récolté plus humide (30 % MS), d’où une plus forte solubilité des protéines, compensée dans la ration par un correcteur tanné.
Mais pourquoi avoir opté pour l’enrubannage plutôt que l’ensilage ? « On s’est lancé il y a dix ans, relate l’éleveur. À l’époque, il y avait peu d’herbe dans la ration. On a d’abord voulu essayer d’en intégrer davantage en récoltant de petites surfaces, c’est pourquoi on a privilégié l’enrubannage. On a été très surpris par la qualité de la conservation. C’est « du frais » que l’on distribue tous les jours avec zéro perte ! » Les éleveurs récoltent 800 à 900 balles par an, et aujourd’hui, ils sont convaincus des avantages que leur procure ce mode de récolte.
Une utilisation des balles quasiment à la carte
D’abord, il mobilise peu de main-d’œuvre. « Pour 14 hectares, il faut compter une journée à deux personnes pour charger et transporter les bottes, en plus du chauffeur du combiné de l’ETA. » Ensuite, l’enrubannage donne la possibilité de trier les lots selon la valeur des bottes et de distribuer un fourrage qui répond bien aux besoins des différentes catégories d’animaux. « Je n’ai pas envie de distribuer un ensilage trop riche aux génisses, et du coup, de ne pas en avoir suffisamment pour les vaches. L’allotement permet aussi d’assurer la meilleure complémentarité possible avec le maïs, selon la valeur et la teneur en cellulose. » Contrairement à l’ensilage, l’enrubannage offre la possibilité de subdiviser un chantier. « Si par exemple, une parcelle est hétérogène, ou si on se fait surprendre par la pluie. La partie de la récolte sauvée pourra ainsi être distribuée aux vaches, tandis que la seconde qui aura pris l’eau ira préférentiellement aux génisses. »
Les éleveurs ne déplorent aucune perte de conservation
En termes de conservation, il n’y a pas de risque d’échauffement en été et il y a aussi moins de pertes qu’avec l’ensilage. « Nous appliquons huit couches de film du fait de la longue conservation et sommes vigilants lors du stockage. » De plus, les balles sont ramassées aussitôt après la récolte. D’une part, car en attendant plus de 24 heures, la température des rounds augmente rapidement et leur manipulation risque de diminuer l’imperméabilité à l’air des couches de plastique. Et d’autre part, c’est préférable pour préserver les balles des attaques de corbeaux. « Une année, plus d’un tiers des balles ont été percées ! », se souvient encore avec amertume Michel, le père de Frédéric. « Côté rongeurs, croisons les doigts mais pour l’instant, nous n’avons pas eu de soucis. »
Plus cher mais…
L’ETA facture le chantier à 13 € par balle. Avec une moyenne par coupe de 12 balles par hectare pour le trèfle violet, cela représente 156 €/ha. Les éleveurs estiment que « l’enrubannage leur revient plus cher qu’une stratégie ensilage, mais pas exagérément si l’on tient compte de la main-d’œuvre, des ouvrages de stockage et des pertes. » Et en stratégie qualitative, le fait aussi de récolter de plus petits rendements par coupe limite l’écart de prix entre l’ensilage et l’enrubannage, par rapport à une stratégie visant plus de volume par coupe.
Avis d’expert : Anthony Uijttewaal, Arvalis
« Viser 50 à 60 % de matière sèche dans la balle »
Enrubanner à 50 % MS plutôt qu’à 30 % MS permet de réduire aussi le nombre de bottes d’un tiers pour le même rendement, ce qui limite aussi le coût. La teneur en matière sèche au pressage joue en effet un rôle prépondérant sur la densité. Autre avantage, les balles denses mais légères peuvent être empilées sans risque. »