« Nous cherchons à optimiser l’existant avec une centaine de vaches normandes »
Dans la Manche, Pascal et Marie Pierre Orvain viennent de s’associer avec leur fils Pierre-Luc. Ils produisent 800 000 litres de lait avec une centaine de normandes et vendent une vingtaine de bœufs sous label. Leur ligne de conduite : chercher de la plus-value et rendre leur système plus robuste.
Dans la Manche, Pascal et Marie Pierre Orvain viennent de s’associer avec leur fils Pierre-Luc. Ils produisent 800 000 litres de lait avec une centaine de normandes et vendent une vingtaine de bœufs sous label. Leur ligne de conduite : chercher de la plus-value et rendre leur système plus robuste.
Acheter du foncier pour pouvoir faire un échange parcellaire. Voilà qui n’est pas banal et témoigne de la forte volonté du Gaec des Gondinières de faire plus de pâturage. Un Gaec familial implanté dans la Manche dans une région à très forte pression foncière. « Nous avons saisi des opportunités d’achat de foncier en 2020 et 2021 avec cette idée en tête. Ces achats nous ont permis par un jeu de chaises d’échanger 12 hectares dont 11 hectares sont accessibles aux vaches laitières. Nous les avons réimplantés en prairies », résume Marie-Pierre Orvain. L’exploitation dispose désormais d’un îlot de 26 hectares proches de la stabulation. De quoi fournir 20 ares de pâture à très bon potentiel à chacune de leur vache. L’échange devrait commencer à porter ses fruits cette saison de pâturage, et les éleveurs espèrent bien ainsi réduire le coût alimentaire.
Optimiser l’outil de production existant, telle est leur ligne de conduite. L’exploitation produit 800 000 litres de lait et une vingtaine de bœufs STG (spécialité traditionnelle garantie) "Boeuf traditionnel de race normande" sur une centaine d’hectares. Elle compte trois associés : Pascal et Marie-Pierre Orvain, et leur fils Pierre-Luc revenu sur la ferme en 2019 après une expérience de conseiller lait dans un département voisin.
Après avoir travaillé pendant trois ans comme salarié, il s’est officiellement installé le 1er avril 2022. Pendant ces trois années, le volume de lait a augmenté de 120 000 litres, ce qui a permis de saturer l’outil existant. Les éleveurs n’envisagent pas de produire davantage, malgré les propositions de volume supplémentaire de leur laiterie Savencia. « Nous sommes aujourd’hui au taquet, que ce soit en termes de bâtiment, de surface ou de bilan azote, affirment-ils. L’exploitation est bien dimensionnée pour trois associés. Nous préférons garder un équilibre travail/vie de famille et aller au bout de notre système. »
Aller chercher de la plus-value sur le lait et la viande
L’un des gros points forts de leur système est la bonne valorisation des produits laits et viande. La race du troupeau n’y est pas étrangère. L’exploitation vend une partie de son lait à un artisan fromager (la laiterie de Pain d’Avaine - Camembert et Crémeux du Mont Saint-Michel). Les premières livraisons remontent à 1998. « Pour lancer son activité, le fromager cherchait du lait de vaches normandes parce que le rendement fromager de leur lait est supérieur à celui des prim’Holstein. Ce contrat nous apporte une plus-value de 30,49 €/1 000 l par rapport au prix de la laiterie (Savencia), explique Pascal Orvain. Nous sommes son seul fournisseur. Au démarrage de la fromagerie, nous avons débuté avec 110 litres par semaine. Aujourd’hui nous lui livrons 300 000 litres, avec tous les contrôles qualité exigés par une fabrication au lait cru. »
La bonne valorisation du lait vient aussi du taux butyreux à 44,2 g/l et du taux protéique à 37,4 g/l qui apportent un bonus de 60 €/1 000 l. Et de la qualité du lait grâce à la rigueur des éleveurs : l’élevage est en super A quasiment toute l’année, et n’est jamais pénalisé à cause des cellules. Sur l’exercice 2020-2021, le lait a été valorisé 411 €/1 000 l.
Quant au produit viande de l’atelier lait, il est également très bon : 91 €/1 000 l en 2020-2021. « Nous finissons nos vaches de réforme pendant deux à trois mois. Elles partent à plus de 400 kilos de carcasse », précisent les éleveurs.
Des terres limoneuses à fort potentiel de rendement
Un autre axe de travail du Gaec des Gondinières est la recherche d’autonomie, pour rendre l’exploitation moins sensible aux cours des matières premières. Notamment par l’optimisation du pâturage. Depuis plusieurs années, les éleveurs sont passés à un pâturage tournant dynamique. « Les laitières restent 1,5 à 2 jours maximum par parcelle », précise Pierre-Luc, qui suit la pousse de l’herbe à l’herbomètre. Les chemins d’accès sont en partie bétonnés sur 2,40 m de large. Quelque 200 mètres viennent d’être aménagés cette année pour accéder aux nouvelles pâtures.
La surface en maïs a un peu diminué ces dernières années. « Mais le maïs garde toute sa place dans la ration des vaches. Il sécurise les stocks », souligne Pascal Orvain. Les terres limoneuses ont un bon potentiel avec des rendements en maïs de 16,7 tMS/ha de moyenne sur ces cinq dernières années (et 11 tMS/ha d’herbe valorisés sur la même période). Trois hectares de luzerne ont par ailleurs été introduits l’année dernière, et la surface double cette année.
La ration hivernale comporte deux tiers d’ensilage de maïs, un tiers d’ensilage d’herbe (ou luzerne), 500 g de fibre, 4,5 kg de tourteau de colza ou soja selon les cours, du sel et des minéraux. « Les meilleures laitières reçoivent au maximum 2 kilos de VL reconstitué distribué individuellement », précise Pierre-Luc. Le Gaec achète le tourteau par camion de 25 tonnes.
La distribution des rations est déléguée à une Cuma de désilage depuis 2012. L’automotrice de 14 m3 intervient dans six fermes avec un circuit de 15 kilomètres. Deux mélanges sont préparés en été et trois en hiver. « La distribution nous revient à 15 €/1 000 l, avec six distributions par semaine pour les vaches, et quatre pour les génisses et taries. Tout le monde est soigné, hormis les vaches en finition qui reçoivent le maïs le long des murs du silo, précise Pascal. Avant, avec un coût identique, la distribution nous demandait une heure de travail par jour et mobilisait deux tracteurs. »
Des vêlages à 26-27 mois depuis dix ans
Les vêlages ont lieu toute l’année, sauf entre le 15 décembre et le 15 janvier. Le Gaec commercialisant des vaches en lactation, toutes les génisses sont élevées. Elles vêlent tôt, à 26-27 mois, depuis une dizaine d’années. L’élevage perd peu de veaux. « Nous les séparons de leur mère dès la naissance et démarrons la salle de traite pour leur donner 4 litres de colostrum dans les deux heures », explique Marie-Pierre. Ils sont élevés à la poudre de lait avec deux buvées par jour jusqu’à 1 mois, puis une seule buvée, distribuée à l’aide d’un taxilait. Au sevrage à 10 semaines, ils consomment 2,5 kg d’aliment avec une ration à base de maïs (1 kg brut de maïs par mois d’âge).
Une nouvelle nurserie très fonctionnelle, avec ventilation dynamique, a été construite en 2015. Un investissement de 100 000 € que les éleveurs apprécient. « Elle a été conçue par rapport à notre travail. Les 32 cases individuelles sont équipées d’un abreuvoir et transformables en cases collectives. Le curage des cases se fait au tracteur. Le couloir central est rehaussé, ce qui facilite le paillage et la surveillance », argumentent-ils. Les petites génisses changent de bâtiment vers l’âge de 6-7 mois en passant à une ration avec deux tiers d’ensilage d’herbe, un quart de foin et 10 % de maïs. « Nous sommes très vigilants sur les transitions, et décalons les changements de bâtiment et d’alimentation pour ne pas cumuler les stress. »
Des bœufs qui permettent d’optimiser le système fourrager
Les bœufs sont conduits de la même manière que les génisses jusqu’à l’âge de 6 mois. Au-delà, ils n’ont plus de maïs. Ils valorisent des prairies naturelles humides de moins bonne qualité et nettoient les parcelles de vaches. L’hiver, ils restent dehors avec du foin ou de l’enrubannage, mais les bœufs en première année d’herbe disposent d’un abri. « C’est une production très complémentaire de l’atelier lait qui permet d’optimiser notre système fourrager », soulignent les éleveurs. Le Gaec dégage au final une marge brute (lait + bœufs) de 2 988 €/ha SFP et de 342 €/1 000 l.
Au niveau de l’organisation du travail, les associés réalisent eux-mêmes le parage et les inséminations. Ils prennent un week-end sur deux, du vendredi soir au lundi matin. Les week-ends sont gérés en tandem. Le Gaec emploie un salarié à mi-temps, Sylvain, notamment pour compenser le temps passé à l’extérieur par Pascal Orvain qui est président de l’OS Normande. Sylvain assure un week-end par mois. Tout comme Hugo, le frère de Pierre-Luc, étudiant en agriculture et passionné d’élevage.
« Nous avons suffisamment de main-d’œuvre pour ne pas être noyés dans le boulot. Rester à 260 000 litres de lait par UMO permet d’être plus rigoureux, de faire plus de surveillance, de prendre le temps de réfléchir… et de garder le plaisir du métier », concluent Pascal et Marie-Pierre. « L’important, ajoute Pierre-Luc, c’est que l’exploitation soit capable de sortir suffisamment de trésorerie pour ne pas gonfler les comptes associés. Des comptes qu’il faudra bien reprendre dans dix ans au moment du départ en retraite de mes parents. »
La génétique est une passion familiale
Les choix d’accouplement sont décidés en famille. Hugo, le frère de Pierre-Luc qui est très investi lui aussi depuis de nombreuses années dans l’élevage, y participe très activement. Tous deux sont aussi très présents dans la préparation et la présentation des vaches aux concours locaux ou nationaux. Le Gaec recherche un bon équilibre pour avoir des vaches qui vieillissent bien, notamment au niveau des pattes et des aplombs. Il utilise des taureaux positifs en mamelle. « Nous cherchons à limiter les risques génétiques et la consanguinité : sur les 100 gestations en cours, nous avons 50 taureaux fécondants différents », souligne Pascal Orvain. Le bilan génétique affiche 121 ISU, +12 Inel, +0,8 morphologie, +0,6 mamelle, +0,4 aplombs, +0,4 santé mamelle, +0,3 repro. Le Gaec vend chaque année deux à trois mâles en station à Gènes Diffusion.
Fiche élevage
« Une bonne valorisation des produits »