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" Nous avons baissé notre IFT sans augmenter les prairies "

Le Gaec Monchemin, en Vendée, est quasiment à zéro fongicide et insecticide. La réduction des herbicides est plus compliquée en travail du sol simplifié.

" La réduction des phytos et les techniques culturales simplifiées (TCS) vont de pair. Nous cherchons à nous passer le plus possible des phytos qui attaquent la vie du sol, et du travail du sol qui la perturbe ", indique Fabrice Guillet, un des quatre associés du Gaec Monchemin. L'exploitation est située au Nord de la Vendée, sur des terres sableuses limoneuses à faible potentiel, avec irrigation. " Comparé à des terres à haut potentiel, notre prise de risque a moins de répercussions sur les résultats économiques ", reconnaît d'emblée Fabrice Guillet. Depuis qu'il travaille la baisse des phytos, l'éleveur estime que ses rendements sont similaires à ceux des voisins. Et les charges ont diminué (matériel en Cuma).

Le Gaec est entré dans un groupe Ecophyto Dephy orienté sur le semis direct en 2014, alors qu'il avait déjà travaillé la réduction des phytos et affichait un bon IFT. Il l'a quand même baissé encore pour atteindre 1,43 de moyenne 2017 et 2018, sur l'ensemble de son système de culture. Aujourd'hui, il n'y a quasiment plus de fongicide et d'insecticide. Il reste queques passages d'herbicides en doses réduites. Ce résultat a été obtenu sans augmenter la part d'herbe entrant dans la rotation. Une combinaison de leviers a permis d'y arriver.

1 Le contrôle génétique

Le premier levier a été d'améliorer l'efficience des traitements. " Rien qu'en traitant dans de bonnes conditions, on est passé de 200 l/ha à 50 à 100 l/ha : pas de vent, tôt le matin, tard le soir pour bénéficier d'une atmosphère humide et fraîche, avec de l'eau traitée pour être au bon pH. On observe et on suit les alertes de la santé des végétaux pour cibler l'intervention. " S'il y a une très forte attaque, le Gaec ne s'interdit pas de traiter, mais à demi-dose pour réguler la pression.

Puis il y a eu le choix de variétés résistantes aux maladies : jaunisse pour l'orge, piétin verse et mosaïque pour le blé. Pour le blé, le Gaec fait ses semences fermières, en réincorporant chaque année une nouvelle variété résistante dans le mélange. " Nous varions les firmes pour avoir des génétiques différentes. Aujourd'hui, on doit avoir au moins huit variétés différentes dans le mélange. La sélection se fait toute seule ; notre mélange est adapté à notre sol et écosystème. " En orge, le mélange est moins varié. En maïs ensilage, " je sème un mélange de six variétés demi-précoces différentes dans le champ, pour un silo homogène. On recherche la vigueur au départ. Les variétés se distinguent peu sur la tolérance aux maladies ".

2 La rotation intègre une prairie

" L'alternance de deux années de cultures d'hiver avec deux années de cultures de printemps - pendant lesquelles on épuise les graminées -, a une action sur le stock de graines d'adventices ", indique Fabrice Guillet.

Une cinquantaine d'hectares de prairies entrent dans la rotation avec les cultures annuelles. Ce sont des prairies de fauche à base de luzerne. La luzerne, par les fauches successives, a un effet nettoyant sur la parcelle. " Nous mettons un mélange de luzerne-trèfle violet, avec un peu de trèfle blanc (à peine 1 kg) pour combler les espaces car nous avons des terres hétérogènes. Il y a aussi du moha, qui gèle par la suite, mais cela permet de faire une première coupe plus grosse. " 

La prairie est semée le plus souvent après un blé ou une orge. Le déchaumeur à disque passe sur 4-5 cm de profondeur pour faire un faux semis. Puis la herse rotative est combinée au semis. " On roule, et on arrose si besoin avec 15 mm pour assurer une bonne levée ", précise Fabrice Guillet.

La prairie reste trois ans en place. " Comme la luzerne est très peu présente en hiver, nous sursemons dedans du triticale. Cela a un effet étouffant des mauvaises herbes et, au printemps suivant, cela fait une bonne première coupe. Cette prairie est un excellent précédent qui coupe les maladies et fait baisser la pression adventice. "

La prairie est détruite à l'automne, " car c'est plus facile qu'au printemps ". Avec 1,5 à 2 l/ha de glyphosate maximum. Puis le sol est couvert avec un méteil qui est ensilé en avril, avant le semis du maïs.

3 Deux types de couverts

Le couvert doit occuper l'espace pour concurrencer les adventices, et se laisser détruire facilement et ne pas repousser dans la culture suivante. Le Gaec utilise deux types de couverts : un d'été qui retournera au sol pour entretenir la fertilité du sol, et un méteil implanté en direct à l'automne afin d'être récolté en ensilage au printemps suivant.

Le couvert d'été contient du tournesol (20 kg/ha), du sorgho multicoupe (10 kg) et du trèfle. " Je ne mets pas de sorgho entre deux céréales. Sinon, c'est très bien pour couvrir le sol rapidement, ça fait du volume et c'est très résistant. Entre deux céréales, je mets un mélange de tournesol, phacélie, trèfle incarnat et d'Alexandrie. Je ne mets plus de radis car il monte à graine comme la moutarde. Nous roulons ce couvert, avec un rouleau faca maison, et en même temps, nous semons l'orge ou le méteil. "

Le méteil est un mélange de semences fermières de triticale (110 kg/ha), de féverole, pois et vesce (80 kg). " Comme ce sont des semences fermières, j'en profite pour semer plus densément, jusqu'à 30 % de plus, pour que le couvert étouffe les adventices. Je ne mets plus de ray-grass ni d'avoine à cause des repousses. "

4 Du semis tardif et un engrais starter

Le but du semis tardif est de donner plus de chance à la culture de se développer rapidement, pour écourter la période où elle est sensible aux attaques de bioagresseurs et à la concurrence des adventices. L'orge et le blé sont semés quinze jours plus tard pour éviter les pucerons. Pour le maïs, c'est aussi quinze jours plus tard pour éviter le taupin. Pour stimuler la vigueur au départ, le Gaec épand son digestat de méthanisation avant le maïs, puis sème son maïs en strip till plutôt qu'en semis direct, et met un engrais starter en même temps. 

5 Du biocontrôle

Le Gaec utilise le purin d'ortie et d'autres plantes (J3C agri) depuis l'an dernier. " C'est avant tout un biostimulant qui aide à renforcer la plante. J'essaye aussi un traitement de semence à base de lait d'argile et de purin de plantes, qui stimule le développement racinaire. Je veux éviter au maximum de manipuler des semences traitées ", expose Fabrice Guillet.

En 2018, l'éleveur a fait deux passages à 5 l/ha sur blé et orge de purin de plantes (15 €/ha). " Sur une parcelle, je n'ai fait que ce traitement. Sur une parcelle voisine, j'ai appliqué 1/6e de dose de fongicide. Il n'y avait pas de différence entre les deux parcelles. Cette année, je tenterai de ne pas mettre de fongicide. "

Comment baisser encore les herbicides ?

Le principal problème du Gaec sont les repousses de paturin et de ray-grass dans le blé et le maïs ; et le liseron et le géranium. " On traite sur adventices très jeunes à très petite dose, avec un ou deux passages de plus. On tolère un peu de salissement mais il ne faut pas augmenter le stock de semences d'adventices ", décrit Fabrice Guillet.

Le Gaec a réduit les doses de glyphosate, dans certains cas jusqu'à 0,5 l/ha grâce à l'ajout d'huile comme adjuvant. " Et il y a quelques parcelles où on peut s'en passer. " Mais le Gaec en a encore besoin dans ce système orienté très fortement sur le non-travail du sol.

Pour anticiper l'après-glyphosate, le Gaec envisage de changer de semoir pour le blé, pour réaliser un déchaumage très superficiel en même temps que le semis. " Il faut éviter de le remplacer par d'autres phytos. Un léger travail du sol au semis favorise la levée rapide de la culture ; mais le stock de graines d'adventices est remis en germination. L'idéal serait l'absence de travail du sol et zéro phyto, grâce à un couvert vivant permanent au sol. Mais nous n'avons pas encore trouvé la solution pour faire du semis sous couvert. Dans nos sols séchants, il y a trop de compétition pour l'eau entre les couverts et la culture. "

Pour détruire une prairie, le Gaec pourrait la détruire mécaniquement l'été (plus facile qu'au printemps), en visant des conditions optimales de destruction naturelle : période de temps ensoleillé et venteux.

Grâce à son futur séchoir, le Gaec pourra récolter plus tôt le maïs grain, pour pouvoir semer plus tôt le méteil à l'automne. Le méteil aura ainsi plus de chance de se développer avant la levée des adventices.

Chiffre clés

300 ha de SAU dont une centaine irriguée
180 vaches laitières à 10 000 l/VL en ration hivernale toute l'année
- 33 % de baisse d'IFT total en trois ans : de 2,13 en 2014 à 1,43 en moyenne 2017 et 2018 sur l'ensemble du système de culture ; l'IFT herbicide fluctue suivant les années (de 0,92 à 1,77)

L'assolement

Une rotation avec alternance de culture d'hiver et de culture de printemps

" Réduction du travail du sol, rotations et couverts se raisonnent ensemble "

Mathieu Arnaudeau, chambre d'agriculture de vendée.

" Le labour est un outil de désherbage mais il a une efficacité à court terme. Le problème est son impact négatif sur la vie du sol et l'érosion. Or, une biodiversité en baisse aura un impact sur les bioagresseurs à l'échelle du système de culture. De plus, le travail du sol remet en germination le stock de graines, même s'il est superficiel.

Notre groupe Ecophyto Dephy compte dix exploitations en agriculture de conservation des sols, plus ou moins avancées sur la technique du semis direct. En dehors d'une exploitation en bio, ces systèmes sont consommateurs d'herbicides : IFT herbicide entre 0,8 et 2 (IFT H de référence à 1,1). Mais l'agriculture de conservation a des effets à long terme.

La réduction du travail du sol doit s'accompagner d'une diversification de la rotation et de couverts adaptés pour faire un système résilient face aux adventices, et aux bioagresseurs d'une façon générale. Les couverts végétaux, quand ils sont conduits comme une culture principale, occupent l'espace et concurrencent les adventices. Et leur système racinaire travaille le sol. Les rotations cassent le rythme des adventices et épuisent les stocks. L'ensemble est favorable à une diversité de microorganismes du sol qui ont des effets sur les stocks de graines.

Cela dit, il ne faut peut-être pas s'interdire un travail du sol très superficiel en cas d'impasse technique.

Réduire, voire supprimer les fongicides et les herbicides est plus facile. La réduction des herbicides est plus problématique. Cependant, elle est plus facile dans un système avec de l'élevage herbivore. Les prairies dans la rotation sont un puissant levier, la destruction des couverts par les animaux, la valorisation des méteils ensilés, sont des leviers puissants pour réduire les herbicides. De plus, les déjections animales améliorent la fertilité des sols. Attention cependant à faire quelques retours de couverts aux sols pour entretenir leur fertilité. "

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