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« La marge sur coût alimentaire de notre élevage laitier s'est améliorée grâce à des ajustements sur la conduite alimentaire »

Le Gaec Villiers, dans la Sarthe, a fait évoluer la ration de base avec plus d'herbe conservée, et mis en place une complémentation plus pointue par race et stade physiologique.

En quatre ans, Catherine Bourgine et Yoann Blatrix, les deux associés du Gaec Villiers, à Bouër dans la Sarthe, sont parvenus à améliorer l'efficacité de leur atelier de 116 vaches laitières. Entre 2019 et 2022 (données arrêtées à avril), la marge sur coût alimentaire rendue auge est passée de 5,40 € à 8 € par vache et par jour. La hausse du prix du lait (+63 €/1 000 l, contrat Bel APBO) y contribue. C'est aussi le choix d'augmenter le volume de lait livré qui a permis cette progression. Avec un bâtiment réaménagé, le passage en logettes et plusieurs ajustements de l'alimentation, les éleveurs ont fait progresser le rendement laitier moyen du troupeau de 8 500 à 9 400 l/VL/an. Les charges ont réussi à être maîtrisées (+0,4 €/VL) dans un contexte de fortes hausses en 2021 et début 2022 . L'atelier compte des prim'Holstein et des normandes, depuis l'installation de Yoann en 2018, qui a amené au Gaec une exploitation reprise à 10 km avec des prim'Holstein.

Plus d'herbe et de meilleure qualité

Dans cette exploitation où les laitières sortent de mars à novembre sur 8 hectares accessibles, la ration de base est distribuée toute l'année. Un des premiers axes de travail du Gaec a été « d'augmenter le stock d'herbe pour pouvoir en amener toute l'année et ainsi diversifier la ration et réduire le besoin de correcteur azoté », signalent les éleveurs. Le Gaec récolte donc plus d'ensilage et d'enrubannage à partir des prairies. Ils ont également développé la surface en dérobées (30 ha) avec un mélange de ray-grass d'Italie et de trèfles.

Pour améliorer la valeur azotée, « la proportion de trèfle a été augmentée pour atteindre 50 % du mélange au lieu de 30 %. Les valeurs sont meilleures avec les dérobées qu'avec les prairies naturelles : plus de 15 % de MAT en moyenne ». Les éleveurs sont passés à une seule coupe très précoce au printemps, au lieu de deux moyennement précoces auparavant, également pour ne pas pénaliser le maïs qui doit être semé avant fin avril. « Et nous fauchons 10 à 12 hectares à l'automne pour un enrubannage de qualité à apporter aux laitières. »

Une ration diversifiée plus efficace

En quatre ans, la part de maïs ensilage est passée de 80 % à 55 % de la ration à l'auge. Les quantités d'herbe récoltée ont augmenté, passant de 2,2 kgMS/VL à 5 kg. « Pour densifier la ration, nous avons incorporé du maïs grain humide (autoconsommé) et du tourteau de colza », ajoutent Catherine et Yoann.

La ration à l'auge est calée pour une production de 22 litres, contre 20 litres en 2019, pour des vaches qui produisent davantage (+3,2 l/VL/j). « Avec les prix 2019, la ration 2022 aurait été légèrement plus chère à la vache que la ration de 2019 (4,35 €/VL/j contre 4,25 €), mais elle a permis de gagner en productivité laitière », commente Germain Néré, consultant nutrition robot Seenovia.

Du tourteau de colza et de l'Amyplus au robot

 

 
Un silo pour le tourteau de colza et un autre pour l'Amyplus, apportés au robot.
Un silo pour le tourteau de colza et un autre pour l'Amyplus, apportés au robot. © C. Pruilh

 

Avant 2020, le Gaec achetait un correcteur azoté et un concentré de production du commerce tracé non OGM. « Nous sommes passés en matière première, 100 % tourteau de colza, pour réduire le coût de la complémentation et par conviction. L'appétence au robot et les performances sont au rendez-vous. »

De l'Amyplus est également proposé au robot. C'est un produit du commerce (330 €/t en août), à base de coproduit de l'amidonnerie et de la distillerie du blé (18 % de protéines, 13-18 % d'amidon, 98-110 UFL). « J'ai calculé qu'il n'y avait pas vraiment d'intérêt économique à autoconsommer le maïs, donc je préfère cette solution pour alléger le travail. Nous essayons toujours d'aller au plus simple », développe Yoann.

Les éleveurs songent à incorporer un troisième aliment au robot : un aliment équilibré du commerce à 24-25% de MAT et enrichi en matière grasse, pour soutenir les plus hautes productrices. Il faudrait alors investir dans un troisième silo.

Une complémentation plus « individualisée »

 

 
La fréquentation du robot est très bonne : 2,7 traites par vache et par jour en moyenne pour les deux races prim'Holstein et normande.
La fréquentation du robot est très bonne : 2,7 traites par vache et par jour en moyenne pour les deux races prim'Holstein et normande. © C. Pruilh

 

Pour éviter le gaspillage de concentrés et pour ne pas brider les vaches à fort potentiel, Yoann Blatrix et Catherine Bourgine ont segmenté les plans de complémentation au robot de traite. Les quantités sont fonction de la race, du groupe primipare ou multipare, du stade de lactation et du niveau de production.

De 0 à 30 jours après vêlage, quel que soit le niveau de production individuel réel, une quantité progressive de concentré est distribuée sur la base de l’expression moyenne au pic de la catégorie concernée : primipare normande, primipare prim’Holstein, multipare normande (3,5 kg de tourteau de colza et 2 kg d'Amyplus au 30e jour) et multipare prim’Holstein (4 kg de colza et 3,5 kg d'Amyplus au 30e jour).

Dès 31 jours après vêlage, la complémentation est augmentée pour les plus fortes productrices (au-dessus du pic moyen), en fonction de leur production réelle. « À ce stade, les vaches en dessous du pic moyen restent sur la complémentation de la phase 0-30 jours pour leur laisser une chance d’exprimer leur meilleur potentiel jusqu’à 45 jours », précise Germain Néré.

À partir de 45 jours après vêlage pour les multipares et 60 jours pour les primipares, l’ensemble des vaches basculent sur une complémentation qui est fonction de leur production individuelle réelle. Par exemple, les normandes multipares qui produisent 30 l/j reçoivent 2,8 kg de tourteau de colza et 1,5 kg d'Amyplus. Celles qui produisent 35 l reçoivent 3,5 kg et 2 kg. Les Holstein multipares à 40 l/j ont 3,5 kg de tourteau et 2,8 kg d'Amyplus et celles à 45 l, 4 kg et 3,5 kg.

Une préparation au vêlage plus pointue

« Mon objectif est un intervalle vêlage-vêlage court, inférieur à 400 jours, pour bien exprimer le potentiel des animaux et pour une efficacité alimentaire maximale (litres de lait produit par kilo d'aliment). C'est ainsi que l'on valorise au mieux la ration. Une ration qui coûte cher, il faut la rentabiliser en produisant du lait », développe Yoann Blatrix.

 

 
La ration du lot des vaches en fin de tarissement, par vache : 6,2 kgMS de maïs ensilage, 4,4 kgMS de paille de blé, 2,8 kgMS de tourteau de colza et des minéraux « spécial préparation au vêlage ».
La ration du lot des vaches en fin de tarissement, par vache : 6,2 kgMS de maïs ensilage, 4,4 kgMS de paille de blé, 2,8 kgMS de tourteau de colza et des minéraux « spécial préparation au vêlage ». © C. Pruilh

 

Pour atteindre cet objectif, les éleveurs ont prêté davantage attention aux taries. « Nous les avons réparties en deux lots : un pour le début de tarissement, et un lot de préparation au vêlage – 25 jours avant le vêlage –, qui reçoit une préparation pointue avec acidification plus forte et augmentation du niveau de protéine. » Avec une évolution progressive de la ration, les éleveurs visent un pH urinaire entre 5,5 et 6. Des contrôles fréquents sont réalisés. La préparation de la ration est plus fine pour éviter que les vaches trient.

Pour améliorer la rentabilité de l'atelier lait, les éleveurs ont aussi amélioré l'âge au premier vêlage qui est passé de 33 mois à 29 mois en moyenne. Les plans lactés et les rations ont été révisés pour viser de meilleures croissances, et le bol mélangeur a permis d'améliorer la qualité de mélange des rations et la maîtrise des quantités distribuées. Mais « je pense qu'il y a encore une marge de progrès dans la conduite des six premiers mois. Peser les génisses nous aiderait sûrement à progresser. Nous visons 24 mois au premier vêlage contre 26 mois actuellement pour les prim'Holstein. Et 28 mois en normande, contre 30 aujourd'hui », développe Yoann Blatrix.

Fiche élevage

116 vaches
10 500 l/VL/an en prim'Holstein (60 % du troupeau)
8 000 l/VL/an en Normande
Moyenne des taux à 34,5 de TP et 43 de TB

Attirer au robot en baissant la concentration de la ration à l'auge

La ration distribuée à l'auge est calée sur l'objectif de production de 22 litres de lait par vache en moyenne. « Il ne faut pas monter davantage, pour que toutes les vaches, même les moins hauts potentiels, fréquentent bien le robot », pointe Yoann Blatrix. Germain Néré, consultant nutrition chez Seenovia, conseille de faire une ration avec un objectif de production laitière qui soit 8 kg de lait en dessous du rendement moyen du troupeau. Au Gaec Villiers, l'écart est moindre pour les normandes (4 litres environ) et supérieur à l'objectif pour les Holstein. On touche du doigt une des limites du troupeau mixte, avec un compromis qui pousse moins les normandes à fréquenter assidûment le robot : 2,5 passages par vache et par jour, contre 2,9 traites/VL/j pour les Holstein.

Des fourrages 2022 peu touchés par la sécheresse

Cette année fourragère 2022 s'en sort plutôt bien pour l'instant, pour le maïs (12 tMS/ha) et les coupes d'herbe de printemps. Les dérobées semées en août ont eu un peu de pluie pour assurer la levée, puis des pluies début septembre, ce qui laisse espérer une coupe d'enrubannage cet automne.

Avec la flambée du prix des matières premières, le Gaec n'a pas cherché d'opportunités du côté des coproduits, ni cherché à vendre tout son maïs grain. « Tous les prix augmentent, donc les écarts doivent rester à peu près similaires. En outre, le lait est notre premier atelier, et nous voulons garder des rations très régulières pour ne pas perturber les vaches. Enfin, il aurait fallu pouvoir stocker dans de bonnes conditions une autre ressource alimentaire. »

Avis d'expert : Germain Néré, Seenovia

« Il y a plus à gagner à être rigoureux »

 

 
Germain Néré, Seenovia.
Germain Néré, Seenovia. © C. Pruilh
« L'exemple du Gaec Villiers montre qu'il y a plus à gagner par la rigueur dans la conduite d'élevage, et par de bons stades de récolte des fourrages, qu'avec la recherche d'opportunités au coup par coup. La progression de la marge sur coût alimentaire rendu auge de 5,40 € à 8 €/VL/j de 2019 à 2022, est pour 1,60 € la conséquence de la hausse des prix et pour 1 € le fruit du travail des éleveurs.

 

Pour continuer d'améliorer le résultat, si l’opportunité se présente, le Gaec pourrait produire plus de lait en augmentant le cheptel. En effet, il reste de la place dans le bâtiment et le robot n'est pas saturé. La disponibilité en fourrage n'est pas limitante. Cela permettrait de diluer les charges de structure. »

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