"Nos robots de traite mobiles se déplacent en estive"
Dans l’Aveyron, le Gaec de Conroc a remplacé deux salles de traite vieillissantes par deux robots déplacés d’un site à l’autre s’inspirant de la ferme de Trévarez. Il a conçu une remorque à cet effet.
Dans l’Aveyron, le Gaec de Conroc a remplacé deux salles de traite vieillissantes par deux robots déplacés d’un site à l’autre s’inspirant de la ferme de Trévarez. Il a conçu une remorque à cet effet.
Les cent vaches laitières du Gaec de Conroc (Vincent et Laurence Augeyre, Régis Augeyre) à Mur-de-Barrez dans l’Aveyron, ont dû s’adapter à deux reprises aux robots de traite. Une première fois lors de sa mise en service dans la stabulation d’hiver, en novembre dernier ; une deuxième fois, six mois plus tard, dans le bâtiment d’été qui donne accès à la plus vaste zone de pâturage de l’exploitation (40 ha). Autant la première adaptation s’est très bien passée, autant lors de la seconde, les vaches ont été passablement perturbées. Mais, au bout d’un mois, tout était rentré dans l’ordre. En, revanche, le déplacement des robots de traite, installés sur une remorque, s’est fait sans difficulté majeure.
Les deux sites sont séparés de seulement 850 mètres. Pourtant les éleveurs ont toujours déplacé le troupeau et le matériel de traite deux fois par an. Le Gaec ne dispose que de sept hectares de pâture autour de la stabulation. Il livre sa production de 650 000 litres à la coopérative aveyronnaise de Thérondels. Elle produit du cantal AOP au lait cru et tout foin avec un prix moyen producteur en 2016 à 430 €/1 000 l. Le cahier des charges impose une obligation de pâturage de 120 jours couvrant au moins 70 % des besoins. Si la distance entre les deux sites n’est pas très importante, le dénivelé est très fort. Un bâtiment d’été avait été construit pour loger une deuxième salle de traite en dur et les génisses en hiver. Mais, les deux installations de traite étaient devenues obsolètes. Plusieurs projets ont été envisagés, puis Régis est tombé sur l’expérimentation robot de traite mobile de la ferme de Trévarez dans le Finistère. La rencontre avec salariés et chercheurs les a rapidement convaincus.
Le Gaec a opté pour des robots VMS DeLaval. L’enjeu de la mobilité était de concevoir une remorque qui sert de support permanent aux robots et à l’ensemble des équipements annexes et permet leur déplacement. La tâche a été confiée à l’entreprise Bonifacie (Cantal), constructeur de salles de traite mobiles. D’une longueur de 12,5 mètres, elle porte les deux robots au centre, un bureau à l’avant et un local technique (pompe à vide, armoire électrique…) à l’arrière. La structure de la remorque est formée d’un treillis en inox, aussi bien pour le châssis porteur que pour la toiture, qui participe à la rigidité de l’ensemble. La partie du châssis qui supporte les robots est plus étroite (1,10 m) que le reste de la remorque (2,50 m) pour former un quai surélevé de 50 cm, qui facilite l’accès aux animaux. Des caissons remplis de béton (1 tonne au total), intégrés dans les parois du bureau et du local technique à l’opposé des robots, rééquilibrent le poids. La remorque est équipée d’un essieu directionnel hydraulique à l’arrière et de deux vérins (avant et arrière) pour la relever ou la poser au sol. Les deux locaux sont fermés avec des panneaux sandwich. L’ensemble pèse 8 tonnes.
Deuxième enjeu : aménager les espaces pour recevoir ce « monument ». Dans la stabulation principale, la plateforme bétonnée sur laquelle se pose la remorque a été créée sur l’emplacement de l’ancienne salle de traite. Une fosse avec caillebotis a été creusée à la place de parcs (veaux, vêlage) pour y installer l’aire d’attente. Il a fallu modifier aussi la charpente sur plusieurs travées pour pouvoir supprimer des poteaux, en la suspendant sur une grosse poutre. La distribution des concentrés a été complètement revue. Avant, ils étaient à disposition des vaches dans deux stations DAC et une partie de l’aliment était stockée au-dessus de la salle de traite. Il est désormais amené aux robots par des vis souples à partir du concasseur et des silos, situés dans un coin de la stabulation. Un nouveau DAC a été rajouté sur le trajet de l’aliment pour complémenter les vaches au-dessus de 25 kilos de lait.
Dans le bâtiment d’été, la plateforme a pris la place des locaux techniques et de la laiterie. L’aire d’attente a été créée à la place de la salle de traite au-dessous de laquelle il y avait déjà une fosse à lisier. Sur ce site, il y a une marche de 20 cm entre le caillebotis et les stalles des robots. Quant à l’aliment, qui était également entreposé dans un grenier, il est désormais stocké dans deux cellules à l’extérieur. Le tourteau est directement livré sur ce site et la céréale amenée avec une remorque après concassage dans la stabulation d’hiver. Les portails des deux bâtiments ont également été élargis. Les effluents des robots sont collectés et renvoyés par pompage ou écoulement vers la fosse à lisier.
Troisième enjeu pour assurer la mobilité de l’unité de traite : concevoir des raccordements techniques faciles à débrancher et à rebrancher (alimentation électrique, eau chaude et froide, tuyaux pneumatiques, internet, téléphone, câble bus…). Ils sont regroupés à l’arrière du local technique. Un câble de fibre optique a été tiré jusqu’au site d’été par voie souterraine pour assurer la connexion internet. Un groupe électrogène palettisable avec inverseur automatique de source sécurise l’alimentation électrique. L’ancien tank à lait a été conservé. Monté sur un châssis fait maison, il est déplacé d’un site à l’autre.
Si le premier déplacement de l’unité de traite a été assuré avec l’aide des techniciens DeLaval (Ets Manhaval-Fabre), à terme, les éleveurs prévoient de s’en débrouiller seuls et cela ne devrait pas prendre plus de quatre heures. Depuis que le troupeau a retrouvé ses repères, les éleveurs se rendent deux fois par jour sur le site d’été (1 h le matin, 1/2 h le soir), y compris le déplacement bi-quotidien des fils de clôture. C’était aussi une des raisons du choix de la traite robotisée, plutôt que de rénover les anciennes salles de traite : la réduction de l’astreinte. Malgré une contrainte de pâturage très forte. Le pari est réussi.
Trois semaines pour adapter le troupeau
Après une transition sur le premier site, les vaches ont dû se réadapter au pâturage d’été conduit en circulation libre.
Durant l’hiver, dans la stabulation, les vaches sont soumises à une circulation libre contrôlée. Avant d’accéder au site d’été, à 900 mètres d’altitude, elles font une transition de trois semaines dans les pâtures proches de la stabulation d’hiver. Les aléas climatiques, en avril, ne permettent pas d’amener le troupeau en estive avant début mai. Mais, les habitudes de circulation prises pendant cette transition ont été difficiles à modifier trois semaines plus tard. « Pendant la transition, on sortait les vaches de 10 h à 16 h, toutes ensemble, parce que la porte intelligente ne permettait pas de faire autrement, expliquent Vincent et Régis Augeyre. Donc, elles cherchaient à faire pareil quand on les a changées de site. L’année prochaine, il faudra déplacer la porte intelligente à l’extérieur pendant la transition. »
La porte, montée sur un socle palettisable, est déplacée sur le site d’été. Elle est installée au départ des deux chemins d’accès aux pâtures (nuit, jour), qui ont été stabilisés avec des dalles alvéolées sur une longueur de 300 mètres. « Il a fallu qu’elles comprennent qu’elles devaient passer par le robot avant de sortir à la pâture, ajoutent les deux frères. Celles qui étaient à traire voyaient les autres sortir et s’agglutinaient devant la porte intelligente. Pendant les trois premières semaines, il a fallu rétablir un système de circulation avec des portillons antiretours et des barrières. »
« Des contraintes levées progressivement »
Une barrière, au niveau des robots, forçait les vaches à aller se faire traire puis une deuxième entre les deux stalles les obligeait à sortir par la deuxième stalle pour éviter qu’elles ne reviennent vers l’aire d’attente. « Nous avons préféré mettre des contraintes pour qu’il y ait au moins deux traites par jour, puis les lever progressivement, plutôt que de laisser faire », résume Vincent Augeyre. Il a fallu aller chercher aussi les vaches qui tardaient à venir à la traite (un tiers environ). Les éleveurs reconnaissent avoir fait une erreur en démarrant le pâturage sur les paddocks les plus éloignés parce que les plus proches avaient été déprimés par les génisses.
Au bout de trois semaines, les vaches ont trouvé leurs nouveaux repères et tout est rentré dans l’ordre. Le soir, elles viennent entre 16 h 30 et 18 h 30, de façon plus ou moins groupées selon les conditions climatiques. Elles ne peuvent pas repartir à la pâture de nuit avant 17 h 30. Ce cycle de traite dure jusqu’à 0 h 30 environ. Le matin, elles arrivent à partir de 6 h 00 et peuvent repartir vers la pâture de jour à partir de 7 h 30. Le cycle de traite s’étale jusqu’à midi. Les vaches sont à deux traites par jour. « Nous ne cherchons pas à faire davantage, d’autant plus que les vaches sont bien avancées en lactation », affirme Régis Augeyre. Environ 80 % des vêlages ont lieu entre mi-septembre et fin décembre. Le contrôle de juin a montré que la courbe de production était tout à fait normale.
B. G.
Combien ça coûte ?
L’investissement global s’élève à 520 000 € dont :
• 257 000 € pour les deux robots,
• 28 000 € pour la remorque,
• 170 000 € de travaux et équipements dans les deux bâtiments (très majoritairement dans la stabulation d’hiver),
• 48 000 € pour la fabrication, le stockage et la distribution du concentré et divers matériels (groupe électrogène…),
• 16 000 € pour l’aménagement des chemins de pâture (dalles, empierrage).
Portes ouvertes
Une journée portes ouvertes aura lieu le 8 septembre 2017 au Gaec de Conroc, à Brommes, commune de Mur-de-Barrez (Aveyron).
Renseignements : Pierre Vieilledent (Ets Manhaval-Fabre à Rodez) au 06 82 65 29 75.