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Méthane : les additifs prometteurs pour réduire les émissions des bovins

De nombreux travaux sont menés pour réduire la production de méthane des vaches par l’alimentation. Plusieurs additifs sont en cours de déploiement ou à l’étude, dont certains très prometteurs.

Vaches s'alimentant au cornadis
Plusieurs stratégies sont étudiées pour réduire la production de méthane par l’alimentation.
© V. Bargain

« Le méthane émis par les ruminants représente plus de 40 % des émissions de gaz à effet de serre des élevages », note Francis Enjalbert, de l’école nationale vétérinaire de Toulouse (ENVT). Au-delà d’un changement de conduite, plusieurs stratégies sont étudiées pour réduire la production de méthane par l’alimentation.

Efficacité des nitrates et du 3-NOP

Une piste pour limiter l’émission de méthane consiste à concurrencer les méthanogènes. Les nitrates sont les plus étudiés sur ce créneau.« En moyenne, l’ajout de 1 % de nitrates dans la ration réduit la production de méthane de 7 %, avec un effet qui persiste dans le temps », indique le vétérinaire. Sur le plan réglementaire, cette utilisation est possible. Les essais montrent aussi que l’apport progressif de nitrates est bien toléré par les ruminants et ne conduit pas à une intoxication par les nitrites. « Il y a toutefois la question de l’acceptabilité sociétale des nitrates », note Francis Enjalbert.

Autre solution : inhiber la méthanogénèse par l’ajout d’inhibiteurs chimiques des archées. Une piste efficace est le 3-NOP (3-nitrooxypropanol), qui bloque une enzyme intervenant dans la synthèse du méthane. Un additif à base de 3-NOP (Bovaer) a été autorisé en 2022 pour les vaches laitières et allaitantes. « La réduction du méthane est en moyenne de 35 % pour un apport de 60 mg/kg MS », rapporte Francis Enjalbert. Les dernières études montrent que l’effet est un peu diminué avec les rations riches en matière grasse ou en fibres et plus faible avec des rations à base d’ensilage d’herbe que des rations à base d’ensilage de maïs. Quelques débats demeurent de plus sur la persistance de son action dans le temps.

Une critique que balaye l’entreprise qui commercialise le produit. « Une étude universitaire néerlandaise va bientôt être publiée. Après des essais sur douze mois, elle montre qu’il n’y a pas de baisse de l’efficacité, assure Patrick Wieczorek, spécialiste ruminant France chez DSM. Du fait de la réversibilité du blocage de l’enzyme, il n’y a pas de changement dans le temps. »

La piste des algues

Certaines algues, du fait de leur teneur en bromoforme, sont aussi capables d’inhiber la méthanogénèse. Concernant l'algue rouge tropicale Asparagopsis, « des données complémentaires sont souhaitables sur la persistance de l’effet dans le temps, les impacts environnementaux du bromoforme produit par cette algue et les résidus dans le lait », estime Francis Enjalbert.

Un programme, Meth’Algues, a été aussi mené par Idele sur les algues présentes sur les côtes françaises. Après des tests in vitro prometteurs, deux espèces ont été retenues pour des essais in vivo : Fucus vesiculatus, qui limite fortement le méthane, mais réduit aussi l’activité ruminale ; et Chondrus cripus, qui réduit le méthane de 40 % sans effet sur l’activité ruminale. Les essais in vivo ont montré que ces algues n’entraînent pas de problèmes d’appétence ou de digestibilité. Ils n’ont par contre pas démontré d’effet sur le méthane. « Une analyse post-essai a révélé que les teneurs en bromoforme des algues utilisées étaient très faibles, ce qui montre l’importance de les caractériser selon la ressource et la saison », souligne Benoît Rouillé, d’Idele. Les deux algues pourraient à nouveau être testées dans le cadre du programme Méthane 2030.

Enfin, de nombreux métabolites secondaires de plantes (tanins, saponines, huiles essentielles…) sont étudiés sur leur capacité à réduire la méthanogénèse, avec plusieurs modes d’action évoqués : inhibition des méthanogènes ou puits à hydrogène pour les tanins, inhibition des protozoaires du rumen, symbiotiques des archées, pour les saponines, effet antimicrobien des huiles essentielles… « Les baisses de méthane observées vont de 0 à 50 % selon les plantes, rapporte l’expert. L’effet moyen de plantes à tanins a été chiffré à 12 %. Ces stratégies basées sur des plantes ont de plus l’avantage de pouvoir être mises en œuvre facilement dans les systèmes pâturants. » De nouvelles études doivent encore venir confirmer ces promesses.

Les autres pistes pour réduire la production de méthane

« Comme les lipides ne fermentent pas dans le rumen, si on remplace de l’énergie glucidique par de l’énergie lipidique, la production de méthane diminue », analyse Francis Enjalbert. En moyenne, l’ajout de lipides à raison de 0,66 à 0,75 % de la matière sèche ingérée réduit le méthane de 3,5 à 5 %. « Du fait de l’effet négatif des lipides insaturés sur le microbiote ruminal, il ne faut toutefois pas dépasser un ajout de 1-1,5 % de la ration. Au-delà, une baisse de digestibilité peut être observée. L’intérêt de l’apport de lipides est donc limité. »

• La sélection d’animaux moins émetteurs de méthane est par contre envisageable, l’héritabilité de la production quotidienne de méthane étant de 0,20. Enfin une autre piste, encore peu étudiée, est la vaccination via le passage d’anticorps anti-archées dans la salive, avec des limites liées à la diversité des archées et un effet modéré et transitoire.

Le saviez-vous ?

Augmenter le rapport amidon/cellulose en apportant plus de concentré, pour orienter les fermentations vers la production de C3, consommatrice d’hydrogène, peut paraître intéressant à l’échelle de l’individu, mais ne l’est toutefois pas à l’échelle globale. « Produire plus de concentré entraîne plus de gaz à effet de serre. »

Qui pour payer l’incorporation des additifs dans la ration ?

Autorisé depuis 2022, Bovaer 10 peine à entrer dans les rations des vaches laitières françaises. Si d'autres entreprises ont également des additifs de synthèse ou naturels en cours de finalisation (Sanders, ADM ...), la limite à leur utilisation est leur coût. C’est une charge supplémentaire pour les éleveurs qui n’apporte ni litres, ni TB ni TP en plus. De plus, l’ajout d’additif n’est, pour l’heure, pas pris en compte dans le diagnostic Cap'2ER. À l’autre bout de la filière, l’argument « lutte contre le changement climatique », s’il séduit les consommateurs, atteint ses limites face à l’inflation.

Définition

La fermentation ruminale des glucides s’accompagne systématiquement de production de méthane, qui est éliminé par éructation et part dans l’atmosphère. En pratique, la fermentation des glucides dans le rumen de la vache aboutit à trois principaux acides gras volatils, acétique (C2), propionique (C3) et butyrique (C4). La production de C2 et C4 se traduit par une production nette de gaz carbonique (CO2) et d’hydrogène (H2), alors que la production de C3 consomme de l’hydrogène. En conditions habituelles, la production d’hydrogène est très supérieure à sa consommation, si bien qu’il y a une production nette de CO2 et d’H2 que des microorganismes spécialisés, les archées, qualifiés de « méthanogènes », combinent pour produire du méthane.

 

Véronique Bargain et Alizée Juanchich

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