Alimentation des bovins
Malgré la sécheresse, surmonter le déficit fourrager
Alimentation des bovins
Avec un déficit fourrager moyen de l´ordre de 20 %, très variable selon les régions, les éleveurs sont contraints d´acheter des tonnes de fourrages et de concentrés.
Avec ses records de températures et d´absence de précipitations, l´année 2003 sera de sinistre mémoire. Elle s´impose désormais comme année de référence pour la sécheresse, supplantant 1976. D´après les évaluations réalisées par le SCEES(1), fin août 2003, le déficit de production des prairies permanentes et temporaires est de l´ordre de 30 % sur l´année. Mais il s´avère très variable d´une région à l´autre. « Selon la production d´herbe cet automne, la baisse de production devrait être comprise entre 25 et 30 %, avance l´Institut de l´élevage. Pour le maïs ensilage, la production attendue serait en diminution d´environ 20 %. »
Dans ce contexte, le déficit fourrager global à l´échelle de la France devrait approcher 15 millions de tonnes de matière sèche, ce qui représente de 15 à 20 % des besoins des animaux.
D´après le bilan réalisé par les Réseaux d´Elevage, la situation s´avère particulièrement critique pour l´Auvergne, Rhône-Alpes, le Centre et la Bourgogne. Dans ces régions, les premières coupes représentent la moitié seulement des rendements habituels, et les repousses, quasi-inexistantes, ont généralement été utilisées pour accroître la surface pâturée. Les rendements en maïs ensilage sont également fortement pénalisés, accusant de mauvaises levées et un manque d´eau au moment de la fécondation. « Le Nord-Est de la France enregistre aussi des déficits de production sur prairies supérieurs à 30 % et des rendements en maïs en baisse de 20 %. Touché tardivement par la sécheresse, le Grand Ouest de la France voit la production de ses prairies réduite de près de 30 %. » Seuls le Nord/Pas-de-Calais, la Picardie et la Haute-Normandie restent relativement épargnés.
200 000 hectares de maïs grain transférés en ensilage
Sur le terrain, deux situations se distinguent. « D´un côté, les éleveurs prévoyants, disposant de stocks de sécurité utilisés dès juillet, qui voient leurs production peu affectée, signale André Le Gall de l´Institut de l´élevage. Et à l´opposé, les éleveurs ne disposant pas de stocks d´avance, et dont la situation de trésorerie n´a pas toujours permis d´anticiper ou d´envisager l´achat de fourrages de substitution. » Aujourd´hui confrontés aux tensions sur les prix des différentes matières premières, certains préfèrent ne pas réaliser leur quota plutôt que d´acheter des fourrages et des concentrés.
Face au manque de stock, beaucoup d´éleveurs ont opté pour le transfert des surfaces de maïs grain vers le maïs ensilage, en plus des achats de paille.
D´après les estimations d´Arvalis, environ 10 % des surfaces habituellement battues en grain auraient été ensilées. Ces transferts concerneraient 200 000 hectares, soit près de 2 millions de tMS. « Le recours accru aux concentrés sera inévitable dans la mesure où les ressources fourragères mobilisées comblent seulement les trois quarts du déficit, »indique l´Institut de l´élevage. D´autant que la paille nécessitera une complémentation plus importante. « L´objectif est avant tout de maintenir une fibrosité suffisante de la ration, conseille Mathieu Mauriès, nutritionniste indépendant. Cette année, il faudra aussi se montrer particulièrement vigilant vis-à-vis du risque d´acidose. Les maïs secs, hachés très fins pour favoriser un meilleur tassement au silo, risquent de conduire à un manque de structure de la ration. D´autant que l´incorporation accrue de céréales, visant à compenser le manque de grain, pourra encore d´accentuer ce danger », conclut le nutritionniste en préconisant l´apport de 300 g de bicarbonate de sodium pour tamponner le pH du rumen, à titre préventif.
Face au manque de fourrages, aux difficultés d´approvisionnement et au coût souvent prohibitif des aliments de substitution, les éleveurs s´interrogent quant à la stratégie à adopter pour leur troupeau dans les mois qui viennent. Faut-il maintenir le niveau de production en s´approvisionnant à tout prix, modifier les conduites selon les types d´animaux, décapitaliser ou encore réduire la production ? Autant de questions légitimes qui nécessitent une réponse au cas par cas. « Concrètement, deux situations se présentent, résume Jean Seegers de l´Institut de l´élevage. Ou l´éleveur dispose de ressources alimentaires suffisantes et réalise son quota coûte que coûte, ou bien, il accepte de produire moins de lait. » De nombreux paramètres entrent en ligne de compte pour orienter le choix des exploitants. « Tout d´abord, l´état des stocks et les opportunités d´achats apparaissent déterminants, avance Jean-Luc Reuillon de l´Institut de l´élevage. Il faudra aussi estimer au mieux la perte probable de lait, en quantité et en qualité, liée au manque d´alimentation et la comparer au coût des aliments qu´il faudrait acheter pour la compenser. »
Dans la situation où le quota risque de ne pas être rempli, faute de ressources, deux possiblités s´offrent encore à l´éleveur. Conserver la quasi-totalité du troupeau avec restriction alimentaire, ou opter pour un effectif de vaches plus réduit mais mieux nourri. En d´autres termes, l´éleveur aura-t-il plutôt intérêt à jouer sur le nombre de vaches que sur le niveau de production par animal ? Le choix se raisonne entre autre en fonction de l´état corporel des animaux lors de leur rentrée en bâtiment ainsi que la stratégie d´alimentation en début de lactation.
Pour Mathieu Mauriès, nutritionniste indépendant, la solution est toute trouvée. « A production de lait identique, mieux vaut réduire la taille du troupeau et nourrir correctement ses animaux. Dans le cas contraire, les problèmes sanitaires et troubles de la reproduction seront à coup sûr au rendez-vous et l´éleveur risque d´en payer cher les conséquences, et pour longtemps. »
(1) Service central des enquêtes et des études statistiques.
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Pour en savoir plus, voir Dossier de Réussir Lait Elevage d´Octobre 2003 intitulé « Manque de fourrages, maïs atypique... Choisir la bonne stratégie alimentaire ». (RLE nº 163, 20 pages.)
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