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« Faire vêler nos génisses laitières à 25 mois avec du pâturage est rentable »

Le Gaec du Petit Moulin, dans la Sarthe, allie vêlage précoce et pâturage des génisses. Un objectif atteint notamment grâce au soin apporté à la phase lactée et à des rations plus concentrées et équilibrées. Le coût de revient de ses génisses est rentabilisé en 1,4 lactation.

« Notre objectif depuis quelques années est de limiter le nombre d’animaux improductifs, et d'augmenter notre production grâce à la sélection sur la voie femelle, expliquent Céline et Julien Foureau, associés du Gaec du Petit Moulin, dans la Sarthe. Abaisser l’âge au premier vêlage fait partie de notre stratégie. Mais nous avons aussi, à quinze kilomètres du siège de l’exploitation, seize hectares de terres non cultivables et seize hectares de prairies naturelles. La meilleure valorisation de ces terres est le pâturage des génisses. Dans ces conditions moins favorables à la croissance, abaisser l’âge au premier vêlage implique une conduite très technique. »

En 2020, le Gaec décide donc avec d’autres éleveurs de créer un groupe de travail sur l’élevage des génisses. « Cela nous a permis de travailler la technique, le suivi de croissance et de passer de 28,9 mois d’âge au premier vêlage en 2020, avec une production de 9 400 kilos de lait par vache, à 25,4 mois en 2024 et 10 661 kilos de lait par vache. »

Le Gaec a aussi réduit le taux de renouvellement à 32 % en moyenne. « Comme nous ne voulons plus augmenter le cheptel, nous avons besoin de quarante-cinq génisses de renouvellement par an et nous en gardons cinquante par sécurité, avec des vêlages étalés sur l’année. » Le génotypage et l’utilisation de semence sexée sur toutes les génisses et les vaches les plus intéressantes selon leurs objectifs ont permis cette réduction. « Nous élevons moins de génisses mais nous nous donnons les moyens de mieux les élever », résument les éleveurs.

Deux nouvelles nurseries

<em class="placeholder">deux nurseries pour des veaux laitiers</em>
Les éleveurs ont voulu disposer de deux bâtiments distincts pour le premier mois et pour la période 1-6 mois, pour séparer les microbismes et avoir des volumes d’air adaptés à chaque tranche d’âge. © V. Bargain

Il y a trois ans, le Gaec a investi dans une nouvelle nurserie, séparée en deux bâtiments. Un pour le premier mois, équipé de vingt cases individuelles, sur caillebotis bois paillé régulièrement et lavé au karcher entre deux génisses. Le second pour la période 1-6 mois, est doté de huit cases collectives. « Avec ces nouveaux bâtiments, isolés, aérés et spacieux, les génisses sont dans de meilleures conditions et le travail est facilité », explique Céline Foureau.

Soutenir l’immunité

À la naissance, l’éleveuse pulvérise sur le nombril un produit à base d’huiles essentielles pour éviter les infections. Les deux premiers jours, les génisses reçoivent du colostrum, conservé au congélateur en bouteille et distribué au seau à volonté, à raison de deux à quatre litres par veau. « Au début du travail en groupe, j’ai évalué la qualité du colostrum et il était bon, indique Céline. Je ne le fais donc plus aujourd’hui, mais sa qualité a sûrement augmenté, car nous avons amélioré la ration en préparation au vêlage, avec du minéral spécifique, la gestion du Baca... »

Du concentré dès la première semaine

À partir du troisième jour, les génisses reçoivent du lait de mélange distribué au taxi à lait, à 40 °C, à raison de 2,5 litres par repas deux fois par jour jusqu’à 10 jours, puis de 3 voire 4 litres par repas deux fois par jour. Si une génisse semble avoir du mal à digérer, Céline lui apporte une cuillère à café de vinaigre de cidre. De l’aliment fermier constitué de tourteau de colza, maïs grain entier et minéral est mis à disposition dès la première semaine, ainsi que de l’eau et de l’argile. L’éleveuse leur donne aussi de l’huile de foie de morue et de l’Oligo’Alg, mélange d’oligo-éléments et d’algues, à la naissance, à 7 jours, puis à 14 jours. « L’idée est de soutenir l’immunité les quinze premiers jours. »

Des transitions alimentaires plus longues

À 1 mois, les génisses passent en case collective. Elles reçoivent alors 5 litres par jour de lait en un repas, sauf le dimanche, et ont à volonté de l’aliment constitué de maïs grain sec, tourteau de colza et minéral, avec de la paille. Le sevrage est réalisé à 2,5-3 mois. « Nous incorporons alors un peu de maïs aplati, que les génisses recevront après 3 mois, précise Julien Foureau. Nous sommes très attentifs aux transitions, car tout changement brutal a un impact négatif sur la croissance. »

<em class="placeholder">génisses laitières sur aire paillée en case collective</em>
En cases collectives, les génisses sont en lots de deux à quatre bêtes et les cases sont régulièrement paillées. © V. Bargain

De 3 à 6 mois, les génisses reçoivent 3,5 à 4 kilos d’une ration constituée de maïs grain aplati et triticale, tourteau de colza et minéral, avec de la paille et du sel à disposition. Là encore, une transition est assurée le dernier mois avec un peu de la ration des 6-12 mois.

Des rations plus riches en énergie et en protéine

À 6 mois, les génisses passent en stabulation, puis partent au pâturage à la belle saison. En bâtiment, elles reçoivent 12 kilos bruts par jour d’une ration à base d’ensilage d’herbe, foin, maïs épi, tourteau de colza et minéral. « Cette ration, plus dense en énergie et en protéine qu’auparavant, permet un GMQ de 900 à 950 grammes sur la période 6-12 mois », note Julien. Au pâturage, du foin ou de l’enrubannage sont à disposition, apporté deux à trois fois par semaine, et elles reçoivent 2 kilos par jour d’un aliment fermier apporté chaque jour. Les prairies naturelles sont fauchées régulièrement. Les prairies temporaires, à base de ray-grass anglais-trèfle blanc, fétuque et trèfle hybride, sont renouvelées tous les cinq ans. Et toutes les prairies sont fertilisées, avec 50-80 UN/ha selon la part de légumineuses.

Des pesées régulières et mesures au pâturage

Un point essentiel est le suivi des croissances. « Avant, nous ne pesions pas les génisses, se rappelle Julien. Nous mesurions le tour de poitrine pour le sevrage et les inséminations, mais sans véritable stratégie. Quand nous avons commencé à peser, nous nous sommes rendu compte qu’avec notre système, l’objectif de 200 kg à 6 mois était rarement atteint et qu’il fallait s’en occuper davantage et augmenter les rations. » Les génisses sont désormais pesées à la naissance, à 1 mois, 4 mois et 6 mois, par les éleveurs. « Aujourd’hui elles pèsent en moyenne 40 kg à la naissance, 83 kg à 2 mois, 145 kg à 4 mois et 206 kg à 6 mois, ce qui est largement plus élevé que la moyenne Seenovia », constate Nicolas Lair.

<em class="placeholder">Les génisses valorisent des prairies situées à 15 kilomètres du siège de l’exploitation. </em>
Les génisses valorisent des prairies situées à 15 kilomètres du siège de l’exploitation. © Gaec du Petit Moulin

Des pesées sont assurées quatre fois par an pour les génisses de plus de 6 mois, sauf au pâturage, où les éleveurs mesurent seulement le tour de poitrine. « Notre objectif est d’inséminer les génisses à 400 kg, indique l'éleveur. L’application GéniSS de Seenovia nous permet de projeter les poids et de prévoir la date d’insémination. »

Une préparation à l'IA

Un mois avant l’insémination artificielle, les génisses sont ramenées du pâturage et reçoivent 18 à 19 kilos bruts de la ration hivernale à base d’ensilage d’herbe, foin, tourteau de colza et minéral. « La ration à 14,5 % de MAT et à 25 % de cellulose est plus riche qu’avant, notamment en protéines », note Julien.

Des colliers aident à la détection des chaleurs. Des échographies sont réalisées une fois par mois sur l’élevage. « Les premières inséminations sont désormais réalisées à 15 mois, se réjouissent les éleveurs. Dans notre stratégie de renouvellement, nous n’hésitons pas à faire trois inséminations en semence sexée sur les génisses. L’âge moyen au vêlage est descendu à 25,4 mois tout en continuant à valoriser nos prairies. Nous n’avons plus en moyenne que 100 génisses sur l’exploitation, au lieu de 150 auparavant. »

Plan lacté et rations en chiffres

• Du 3e jour à 3 mois : plan lacté de 5 l/j en deux repas jusqu'au 10e jour. Puis 7 l/j en deux repas jusqu'au 30e jour. Ensuite 5 l/j en un repas jusqu’à trois semaines avant sevrage ; puis progressivement 4 l/j pendant une semaine, 3,5 l/j pendant une semaine, 2,5 l/j pendant une semaine. Et un aliment à volonté composé de 65 % de maïs grain sec, 32 % de tourteau de colza, 3 % de minéral, et de la paille.

• De 3 à 6 mois : 3 à 4 kg/j d'une ration à 60 % de maïs grain aplati et triticale, 37 % de tourteau de colza, 3 % de minéral, paille.

• De 6 à 12 mois : 12 kg/j d'une ration à 50 % d’ensilage d’herbe, 29 % de foin, 11 % de maïs épi, 9,5 % de tourteau de colza, 0,4 % de minéral.

• Un mois avant IA: 18-19 kg/j d'une ration à 65 % d’ensilage d’herbe, 30 % de foin, 6,5 % de tourteau de colza, 0,6 % de minéral.

Le coût de production d’une génisse s’élève à 1 977 €
 Gaec du Petit MoulinMoyenne du groupe
Total alimentation par génisse823 €755 €
dont phase lactée172 €120 €
concentré334 €350 €
fourrages317 €285 €
Frais d’élevage139 €150 €
Frais vétérinaires16 €20 €
Coût opérationnel978 €925 €
Charges de structure999 €1 116 €
Coût de production1 977 €2 041 €
Source : Seenovia

Fiche élevage

4,5 UMO

150 vaches prim’Holstein à 10 661 kg/VL/an

45 à 50 génisses élevées pour le renouvellement

200 ha sur deux sites, dont 80 ha de maïs, 25 ha de triticale, 25 ha de blé et 70 ha d’herbe

25,4 mois d'âge moyen au vêlage

Avis d’expert : Nicolas Lair, spécialiste génisses à Seenovia

« Un retour sur investissement en 1,4 lactation »

<em class="placeholder">Nicolas Lair, de Seenovia : « Il faut calculer le retour sur investissement de l’élevage des génisses. »</em>
Nicolas Lair, de Seenovia : « Il faut calculer le retour sur investissement de l’élevage des génisses. » © V. Bargain

« Le groupe de travail sur l’élevage des génisses auquel participe le Gaec du Petit Moulin compte cinq élevages de la Sarthe, en majorité en système herbager, et souhaitant abaisser l’âge au premier vêlage. Pour progresser, il faut d’abord se concentrer sur la période 0-6 mois. La phase lactée est essentielle. La génisse doit boire le plus de lait possible, le plus tôt possible. La performance de la ration après le sevrage, des transitions longues et des pesées régulières permettant de suivre la croissance sont également très importantes.

Il faut toujours garder une approche économique. Même si ce n’est pas facile, il faut calculer le coût de revient d’une génisse de 200 kg à 6 mois, en comptant le lait, les fourrages, les concentrés, les frais d’élevage et vétérinaires, les bâtiments… Un critère mis en place dans ce groupe est le coût de 1 000 g de GMQ, qui permet de mesurer l’efficacité de chacun sur la période 0-6 mois. À partir du coût de production, on peut calculer le temps de retour sur investissement de l’élevage des génisses, c’est-à-dire à partir de quand une génisse va vraiment rapporter de l’argent.

Une ration à 14 % de MAT

Au Gaec du Petit Moulin, le retour sur investissement se fait à partir de 1,4 lactation. La progression y a été possible grâce à l’implication des éleveurs, à de plus grandes quantités de lait proposées, au soin apporté aux transitions et à des rations plus concentrées en énergie et en protéines et mieux équilibrées, qui permettent un bon développement musculaire et des pattes solides. Grâce au tourteau de colza et aux fourrages, la ration contient désormais 14 % de MAT, contre 10 à 11 % précédemment. Cinquante génisses en moins à entretenir, cela signifie aussi moins de travail et 10 hectares de surface fourragère en moins, ce qui a permis au Gaec d'implanter 10 hectares de cultures de vente en plus. À raison d’une marge brute moyenne de 1 000 €/ha, cela représente un revenu supplémentaire de 10 000 €. L’efficacité de la main-d’œuvre sur l’atelier lait est améliorée. »

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