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L'herbe, le maïs et la luzerne, plus ou moins impactés par le changement climatique

La hausse des rendements sera plus ou moins évidente suivant les régions, avec des aléas en hausse et une forte variabilité des rendements.

Il n'y a pas que les fourrages qui subiront le changement climatique ; les vaches seront plus souvent en stress thermique élevé.
© C. Pruilh

La hausse de la concentration en CO2 dans l'atmosphère est positive sur la photosynthèse et donc la croissance des plantes. Cet effet CO2 entraîne une hausse des rendements. Combiné à une hausse des températures, il conduit aussi à un raccourcissement des cycles de culture, qui pourrait faciliter la pratique des cultures dérobées, derrière ou avant maïs, à condition d'avoir une ressource en eau suffisante.

Cet effet peut être contrarié. " Si on prend la hausse des températures du scénario RCP 8,5, la croissance de certaines graminées pourra être stoppée précocement par de grosses chaleurs. Et la hausse de l'évapotranspiration, et la sécheresse agronomique qui en découle, pourront pénaliser les rendements. Au final, les rendements seront à peu près équivalents en moyenne dans le futur, avec de grosses variabilités suivant les années ", indique Jean-Christophe Moreau, de l'Institut de l'élevage.

L'irrigation permettra de réduire cette variabilité, mais elle sera de plus en plus contrainte et coûteuse.

Les projections de Climalait sont réalisées à matériel génétique constant, en adaptant les dates de fauche et de pâturage, ainsi que les itinéraires techniques pour le maïs (date de semis, groupe de précocité...). Les simulations constituent un point de départ pour réfléchir à l'évolution des pratiques culturales. Suivant les régions, les impacts sur les fourrages sont différents.

1 - Boulonnais, Seine-Maritime, Cotentin, Finistère

Un impact positif. L'arc Atlantique nord devrait bénéficier d'un changement climatique modéré où les plantes pourront profiter de l'effet CO2. Les rendements sont prévus en hausse pour le maïs et l'herbe. Certaines années, des sécheresses affecteront les fourrages de manière plus systématique, comme c'est le cas aujourd'hui dans d'autres régions. Dans un futur proche, les éleveurs ne devraient pas encore connaître l'arrêt de la pousse de l'herbe en été. Dans un futur lointain (2060-2099), ils vivront un creux estival que connaissent aujourd'hui les autres régions.

2 - Sud Ille-et-Vilaine, Mauges, Saintonge

Des rendements plutôt en hausse mais variables, pour l'herbe, le maïs et la luzerne (hors année d'implantation et fin de vie de la luzernière). Dans les Pays de la Loire et en Poitou-Charentes, à l'avenir, les rendements du maïs non irrigué seront très variables suivant les années, de 4 à 17 tMS/ha. Les dérobées pourraient produire plus que le maïs qui les suit, en fin de siècle ou quand l'eau est limitante. Pour la luzerne, les dates de fauche sont de plus en plus précoces, et peuvent conduire à réaliser une coupe supplémentaire avant la sécheresse estivale.

3 - Côteaux du Tarn et Périgord

Le maïs et la luzerne en difficulté. Dans ces zones du Sud-Ouest aux sols peu profonds, avec des périodes de canicule plus longues et fortes, la luzerne souffre et gagne à être sécurisée avec un peu d'irrigation. L'irrigation rend possible plus souvent les 3e, 4e voire 5e coupe. Sans irrigation, la 4e coupe n'aurait pas lieu une année sur deux. Les rendements du maïs seraient stables voire en légère augmentation, mais avec une variabilité très importante suivant les années, hors irrigation.

4 - Plateaux du Doubs et du Jura

Des rendements en hausse pour l'herbe et la luzerne. C'est la zone de France où Climalait prédit la plus forte hausse de production d'herbe en cumul annuel, passant d'environ 8 tMS/ha en moyenne entre 1980 et 2009 à environ 11 tMS/ha dans un futur lointain (2070-2099). Les rendements de la luzerne seraient en hausse, quel que soit le nombre de coupes réalisées, tant que la ressource en eau est suffisante. Une 4e coupe, irréalisable avant 1980, le serait six années sur dix entre 2010 et 2039 ; et presque tous les ans après 2040. À la fin du siècle, la disponibilité en eau deviendra limitante pour réaliser la 4e coupe. La luzerne n’est pas le pilier des systèmes fourragers de la zone ; introduite dans des prairies multiespèces, elle deviendrait un atout.

Les vaches vont souffrir

Les vaches ne supportent pas la chaleur, encore moins la chaleur humide. Leur niveau de stress thermique est mesuré en THI (temperature humidity index). Leur zone de confort correspond à un THI inférieur à 68 - 70. Ce qui donne par exemple, un couple température - hygrométrie de 22°C - 60% d'humidité relative.

À l'avenir, le nombre de jours où la vache sera en stress thermique augmentera, surtout dans le futur lointain. Et le niveau de stress (léger < 72 THI ; modéré entre 72 et 80 THI ; et stress élevé > 80 THI) augmentera aussi. Surtout dans le Sud et à l'Est de la France.

" Il reste un champ de recherches à mener, indique Jean-Christophe Moreau, de l'Institut de l'élevage. Sur la sélection génétique et l'agroforesterie. À plus court terme, l'aménagement des bâtiments permet d'améliorer le confort des animaux. Il reste des questions sans réponses ; sur les conditions d'utilisation de la brumisation par exemple, pour ne pas générer des problèmes sanitaires. "

 

L'herbe s'exploitera toute l'année sauf l'été

Aujourd'hui et dans un futur proche, les courbes de production des prairies sont assez différentes suivant les régions. L'arc Atlantique nord et les plateaux du Doubs et du Jura ne connaissent pas encore vraiment l'arrêt de la pousse de l'herbe en été. Dans un futur lointain (2060-2099), ces régions vivront un creux estival, comme les autres régions.

Au fur à et à mesure des années, dans toutes les régions, l'herbe pousse de plus en plus tôt et de plus en plus tard en saison, avec un déficit estival qui s'accentue dès le futur proche et encore plus dans le futur lointain. La quantité annuelle augmente, plus ou moins selon les régions, essentiellement du fait de la pousse printanière plus abondante et précoce.

Dans un système herbager, les animaux pâturent toute l'année dès que les conditions le permettent. Et la part de surfaces à faucher au printemps augmente pour combler le creux d'été. " Il faudra trouver de nouvelles formes d'organisation du travail pour faucher et ensiler davantage aux bons stades, pendant les périodes de forte production ", ajoute Jean-Christophe Moreau, de l'Institut de l'élevage.

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