« Les vaches pâturent plus et mieux grâce au pâturage tournant dynamique »
La ferme de Dominique Durécu et de son fils Adrien, qui va s’installer au 1er juillet, possède un vrai potentiel pour développer le pâturage. Sur les 70 hectares que compte l’exploitation, 40 hectares sont groupés autour des bâtiments. Aujourd’hui la ferme dispose de 29 hectares de prairies, dont les deux tiers en prairies naturelles, sans aucune route à traverser. « Pour la plupart, ce sont des prairies en pentes sur des coteaux, avec un sol limono-argileux profond », indique Dominique.
Jusqu’en 2017, les exploitants faisaient pâturer leurs cinquante Normandes à 6 500 litres sur 11 hectares (22 ares/VL). Les vaches accédaient à une parcelle de jour (7 ha) et une parcelle de nuit (4 ha), avec un bac à eau au milieu de l’herbage. « C’était la solution de facilité, concèdent-ils. L’herbe était toujours broutée impeccablement, un vrai terrain de foot… » Cette conduite ne permettait pas aux prairies de bénéficier d’un temps de repousse suffisant pour profiter de la croissance de l’herbe. Les vaches surpâturaient, et fin juin, l’herbe était grillée. « Le troupeau sortait mais il n’y avait jamais grand-chose à manger, se souvient Dominique. Je devais toujours compléter le régime avec 25 à 50 % de maïs ensilage à l’auge. Et j’étais obligé de faire trois apports d’azote de 45 unités dans la saison, sinon l’herbe jaunissait. »
Il a fallu habituer les vaches aux petits enclos
Des chemins sans empierrement
Les éleveurs ont aussi investi dans l’achat de six abreuvoirs de 1 000 litres, servant chacun à deux ou trois paddocks, et le matériel pour les clôtures. Pour créer les 600 mètres de chemins, il n’y a pas eu d’empierrement. Localisés en haut des parcelles, ces derniers sont en terre battue. « Nous nous sommes contentés de bien tasser le sol au tracteur sur dix mètres de large. J’avais un peu peur au début, mais finalement, le sol est assez portant. Avec la pente, l’eau s’écoule bien. Il n’y a pas de boue et les chemins sont suffisamment larges pour que les vaches ne les piétinent pas trop. En plus, selon les paddocks, elles n’empruntent pas systématiquement le même chemin d’accès. »
Les deux premiers jours avec les vaches dans des petits enclos ont été assez « folklo » ! « Elles ont cassé la clôture et sont sorties en galopant !, se souvient Adrien. Il a fallu les habituer en marchant devant elles, en ouvrant la barrière et en pénétrant dans la parcelle. » L’abreuvement aussi a causé quelques péripéties au début. « Il fallait vraiment enfermer les vaches dans le parc, sinon elles allaient systématiquement boire à l’ancien bac ! »
Le trèfle a fait son retour sur les paddocks
Les vaches restent une journée par paddock. Dominique les subdivise encore en deux : une partie pour le jour, l’autre pour la nuit. Le circuit permet aux laitières de revenir sur un même paddock tous les vingt et un jours. « Il n’y a pas photo : depuis que nous avons créé tous les paddocks, nous avons beaucoup plus d’herbe sur pied. »
En 2018, Dominique a même pu fermer le silo deux mois et demi, du 5 mai au 14 juillet. « Nous avons ainsi pu économiser 17 tonnes de maïs ensilage et 4,5 tonnes de tourteau de colza. Le lait s’est bien maintenu mais on a eu du mal à tenir les taux... Il faudrait ajouter un peu de maïs grain. » En plus de la baisse du coût alimentaire permise, les exploitants apprécient le gain de temps lié à la fermeture du silo. Cela n’a pas pu être réitéré en 2019, le déficit hydrique n’ayant pas permis une pousse de l’herbe suffisante. « Mais la saison fourragère aurait été encore pire sans le pâturage tournant dynamique », considèrent les exploitants. Cette année, le silo de maïs a été fermé mi-mai.
La fertilisation azotée a été réduite
La fertilisation azotée aussi, a diminué ; elle se limite désormais à un apport de 35 unités courant mai. « Nous avons vraiment observé un changement de la flore et de la faune dans les prairies. L’herbe est de meilleure valeur. Le trèfle fleurit, les insectes reviennent ! » En général, deux paddocks sont fauchés et enrubannés, et les refus sont broyés une fois par an. « Le seul inconvénient des petites parcelles, c’est que les chardons ont tendance à s’installer sous les clôtures », conclut Dominique en souriant.
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Côté éco
Un investissement de 4 670 €
Avis d'expert : Céline Déprés, du réseau des Civam normands
« Il y a trois ans, Dominique s’interrogeait sur une possible réduction des achats de correcteur azoté. Nous avons réalisé un diagnostic d’autonomie alimentaire qui a mis en avant une sous-valorisation des prairies conduites en pâturage continu. Le Civam les a alors accompagnés à travers quatre ou cinq rendez-vous en individuel pour mettre en œuvre le pâturage tournant dynamique (analyse des besoins du troupeau, découpage du parcellaire, planning de pâturage, conseils sur les hauteurs d’entrée…). Les éleveurs ont su s’adapter à cette nouvelle gestion du pâturage et s’approprier leurs propres repères. Aujourd’hui, en semant de nouvelles prairies, la ferme a gagné en autonomie. Entre 2016 et 2019, le coût de concentré est passé de 293 à 235 euros par UGB. »
Les veaux aussi pâturent !
Les jeunes veaux s'habituent très vite au pâturage et ils poussent bien à l'herbe.
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