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Les sommes de températures pour exploiter l’herbe au bon stade

Gaec des Montagines, dans le Puy-de-Dôme. Malgré une situation exposée à la sécheresse et des prairies hétérogènes, le troupeau pâture pendant plus de 200 jours. Une gestion fondée sur les sommes de températures.

Quarante-huit hectares d’un seul tenant accessibles aux soixante vaches laitières. On ne peut imaginer situation plus favorable au pâturage. Le Gaec des Montagines dans le Puy-de-Dôme, produit 340 000 litres de lait bio (6 200 litres par vache) et mise au maximum sur le pâturage pour produire au meilleur coût. Malgré ce parcellaire groupé, Martine et Christophe Coudert reconnaissent que « le pâturage n’est pas facile à gérer ». La quasi-totalité de cette surface (42 ha) est en prairie permanente. Elle est subdivisée en 22 paddocks, de taille assez irrégulière. Un réseau d’abreuvement a été créé sur la totalité de la surface à partir du réseau d’eau potable. Mais, ces prairies sont de qualité hétérogène. Un quart de la surface est constitué de sols peu profonds, très exposés à la sécheresse estivale. L’exploitation est à 400 mètres d’altitude. En 2016, pourtant, malgré une sévère sécheresse, le troupeau a pacagé sans discontinuer du 28 mars jusqu’à début novembre, soit 218 jours, dont 90 jours d’alimentation exclusive à la pâture.

« Des repères pour anticiper les prises de décision »

Suivie par l’EDE - Conseil élevage du Puy-de-Dôme, l’exploitation alimente les références départementales sur la pousse de l’herbe. Outre la mesure des hauteurs d’herbe et le calcul des jours d’avance, le Gaec utilise depuis deux ans un outil de gestion du pâturage basé sur les « sommes de température » (lire encadré). L’évolution physiologique des graminées, au printemps, dépend en effet du cumul quotidien des températures. « Les sommes de températures donnent des repères pour anticiper les prises de décisions et exploiter les prairies au bon stade », explique Jean Zapata, conseiller fourrages à l’EDE. Christophe Coudert reconnaît que cet outil lui a « permis de faire plus attention à la pousse de l’herbe » et donc de « mieux gérer le pâturage ». Même s’il n’est pas toujours facile de respecter les repères à la lettre et si, parfois, il y a de bonnes raisons de ne pas le faire (portance…).

« Faire pâturer au moins une fois avant 600 °C »

En 2016, le Gaec des Montagines a sorti les vaches le 28 mars, à 336 °C. Ce n’est pas très précoce. Mais le pâturage tardif à l’automne, avec de faibles hauteurs d’herbe résiduelle (moins de 4 cm), justifie ce retard de mise à l’herbe. Elles ont déprimé les parcelles fauchées et FONT ((fait)) un premier tour rapide sur les pâtures. Sur les 48 ha, 9 sont ensilés, 11 enrubannés et 6 récoltés en foin. Seuls ces derniers sont déprimés. Le déprimage pallie une croissance de l’herbe encore assez lente (de 20 à 40 kg de MS par ha et par jour). Pendant cette période, le troupeau disposait de 50 ares par vache et a séjourné en moyenne 1,4 jour par paddock.

Le déprimage s’est terminé le 15 avril à 500 °C, exactement ce qui est conseillé pour épointer l’herbe dans les parcelles destinées à une fauche tardive sans couper les épis. Mais, le premier passage a duré jusqu’à 560 °C et les silos ont été fermés le 24 avril, à 590 °C, après 25 jours de transition alimentaire. C’est plutôt tardif. « Au repère 500 °C, les vaches doivent pâturer jour et nuit et toutes les parcelles doivent avoir été pâturées au moins une fois avant 600 °C (début montaison des graminées). C’est un repère important pour bien maîtriser le pâturage au printemps », indique Jean Zapata. La prairie produit alors entre 50 et 80 kg de matière sèche par hectare et par jour. La pleine période de pâture s’est prolongée jusqu’à mi-juin, pendant laquelle les vaches disposaient de 44 ares (22 ha et 14 paddocks pour 50 VL) et changeaient de parcelle en moyenne tous les deux jours. Pendant, cette période, les temps de repousse étaient en moyenne de 22 jours, mais pouvaient aller jusqu’à 30 jours pour certaines parcelles, signe de la diversité des prairies et d’éventuels broyages de refus.

« Exploiter l’herbe quand elle pousse »

L’ensilage a été réalisé le 19 mai, à 838 °C, ce qui est un peu tardif. Mais, cela a permis tout de même de mettre à disposition du troupeau la totalité de la surface (48 ha) à partir du 16 juin (1 300 °C), ce qui représentait quasiment un hectare par vache. Malgré la sécheresse estivale, elles ont toujours pâturé un peu d’herbe. Pendant ces quatre à cinq mois, les vaches sont revenues très rapidement sur les mêmes parcelles (en moyenne tous les 15 jours). « C’est une stratégie peu commune mais qui se défend, estime Jean Zapata. L’éleveur a choisi d’exploiter l’herbe malgré la faible quantité disponible parce qu’il y a les points d’eau qui permettaient de le faire facilement. Il faut l’exploiter quand elle pousse, surtout en bio, quitte à accepter une hauteur d’herbe résiduelle très faible à l’automne. » Christophe Coudert a implanté 5 hectares de chicorée, pour avoir un peu plus de vert en été, mais elle est assez clairsemée. Ne pas laisser sécher le peu d’herbe qui pousse en été permet aussi d’avoir des repousses de bonne qualité à l’automne.

« Valoriser pleinement les ressources de l’exploitation »

Après la période de transition, où elles recevaient 6 kg (MS) de fourrages à l’auge, les vaches se sont nourries uniquement à la pâture, sauf pendant une période très pluvieuse. La distribution a redémarré dès le 14 juillet avec 12-13 kg (MS) d’enrubannage ou d’ensilage d’herbe. À partir du 20 septembre, cet affourragement est retombé à 8-10 kg (MS). Elles consommaient alors 2 à 4 kg (MS) d’herbe. Pendant toute la période de pâture, la complémentation se limitait à un mélange fermier de céréale et pois (de 1 à 3 kg par vache). Sur l’année, la complémentation est de 1 070 kg/VL (173 g/l). En 2014, le coût alimentaire global (vaches et génisses) s’élevait à 80 euros/1 000 l. « En hiver, la production par vache n’est pas optimale parce que la complémentation azotée est limitante. En revanche, pendant la période de pâturage, il est difficile de faire mieux, conclut Jean Zapata. Cette conduite est cohérente avec une volonté de valoriser pleinement les ressources de l’exploitation, sans rechercher à tout prix la performance animale. » Et, le Gaec produit la totalité de sa référence.

« S’affranchir des variations climatiques et de l’altitude »

Les sommes de températures donnant les repères de pousse de l’herbe sont calculées à partir du 1er février. Quotidiennement, on fait la moyenne entre la minimale et la maximale en les additionnant et en les divisant par deux. Si la moyenne est inférieure à zéro, elle ne compte pas. Si elle est supérieure à 18 °C, on ne retient que ce chiffre car, au-delà de cette température, il n’y a pas d’effet positif sur la pousse. « Les sommes de températures permettent de s’affranchir des variations climatiques d’une année à l’autre et des différences d’altitude. C’est tout leur intérêt », explique Jean Zapata. Elles sont calculées pour différents lieux du département à partir des données météorologiques et diffusées dans la presse agricole. Ces repères ne s’appliquent qu’aux graminées et ne sont valables que pour le premier cycle de pousse. Dans une prairie diversifiée, il faut tenir compte des graminées les plus précoces si on vise une exploitation optimale de l’herbe.

Repères de sommes de températures pour des prairies intensives

Fertilisation minérale azotée : 200 °C

Mise à l’herbe : 250-300 °C.

Fin du déprimage (parcelles de fauche) : avant 500 °C

Fin de transition alimentaire : entre 500 et 600 °C

Fin du 1er tour de pâturage : avant 600 °C

Ensilage : 650-700 °C

Foin, enrubannage : - très précoce : avant 900 °C

- précoce : entre 900 et 1 000

Source : EDE 63.

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