Les lactations prolongées sont-elles rentables pour les vaches laitières ?
Adopter une stratégie de lactations prolongées peut présenter des intérêts dans certains élevages et pour certaines vaches, tout particulièrement les hautes productrices. Mais leur rentabilité est loin d’être avérée.
Adopter une stratégie de lactations prolongées peut présenter des intérêts dans certains élevages et pour certaines vaches, tout particulièrement les hautes productrices. Mais leur rentabilité est loin d’être avérée.
Dans la grande majorité des élevages, la stratégie classique est de faire vêler les vaches tous les 12-13 mois pour bénéficier chaque année d’un pic de lactation par vache. « Comme le potentiel de production des vaches tend à augmenter, cet objectif est de plus en plus difficile à atteindre et les statistiques de reproduction tendent à diminuer » constate Richard Eicher, vétérinaire à l’Université de Berne en Suisse.
« De plus en plus d’éleveurs mettent en place des stratégies alternatives en prolongeant la lactation de vaches dont ils considèrent qu’elles ne sont ''pas prêtes à la reproduction'' mais le montant pour le lait perdu peut être conséquent, notamment si l’élevage n’a pas une bonne reproduction, met en garde le vétérinaire. Quelques inséminations et/ou injections d’hormones en moins ne compensent jamais les pertes de production laitière. La stratégie ''un veau par vache par année'', qui augmente le nombre de vaches en début de lactation, reste la stratégie la plus rentable dans la plupart des exploitations. »
Moins de problèmes de peripartum
Les avantages sont multiples. « Prolonger les lactations diminue le nombre de vêlages par année et donc les phases à risques et les stress pour les vaches et l’éleveur, résume Richard Eicher. L’objectif peut aussi être de réduire les problèmes de peripartum, de ne plus devoir tarir des vaches qui donnent encore beaucoup de lait au tarissement, ou encore de diminuer le nombre de veaux mâles à faible rentabilité. »
En effet, remettre une gestation en place peut être compliqué, spécialement chez les vaches à haute production. Des vaches arrivent au tarissement avec une production trop élevée, elles sont difficiles à tarir, avec un risque augmenté au niveau de la santé du pis et peuvent maigrir beaucoup en début de lactation et n’ont pas le temps de refaire des réserves corporelles.
Les résultats de plusieurs études semblent prometteurs quant à la longévité des vaches lorsque les lactations sont prolongées. Le moindre nombre de vêlage entraîne aussi moins de problèmes de peripartum et moins de traitements métaboliques et d’utilisation d’antibiotiques. La charge de travail et le stress pour l’éleveur diminuent également. « Les économies ainsi réalisées sont toutefois difficiles à quantifier », admet le vétérinaire.
Estimer la perte de lait
En contrepartie, la production journalière diminue, ce qui peut inciter à augmenter le nombre de vaches. S’y ajoutent les éventuelles pertes de revenu suite au nombre diminué de veaux, à la possible augmentation du taux de réforme pour faible production ou infertilité, d’éventuels problèmes métaboliques liés à un engraissement exagéré des vaches en fin de lactation et le ralentissement du progrès génétique.
« Le plus important est d’estimer la perte de lait, surtout si le troupeau n’a pas une persistance optimale, souligne Richard Eicher. C’est le lait livré chaque jour par le troupeau qui rémunère l’éleveur, pas les vaches gestantes. Ce calcul est relativement simple en utilisant la relation entre le jour en lactation moyen et la production laitière. »
Lactations longues : comment calculer la perte en lait ?
Cas d’une lactation de 9 000 kg sur 305 jours
Situation A : lactation classique, avec IVV de 12 mois et saillie fécondante à 85 jours en lactation (JEL).
Situation B : lactation prolongée de 2 mois, avec IVV de 14 mois et saillie fécondante à 145 JEL.
Lors de l’allongement de la lactation de 60 jours, la production est de 20 kg en moyenne (situation B). Lors de la reprise de la lactation en situation A, la production est de 45 kg en moyenne sur 60 jours. Soit une production de 20 kg/j au lieu de 45 kg/j pendant 60 jours.
- Lors de la reprise de la lactation prolongée, le lait produit en plus s’élève à 3,5 kg x 180 jours = 630 kg.
Du fait du décalage du pic de lactation, en situation B, 3,5 kg de lait sont produits en plus lors des derniers 180 jours.
- La perte de lait totale s’élève à 1 500 kg – 630 kg = 870 kg.
À multiplier ensuite par le prix du lait et à mettre en perspective avec les économies réalisées et la charge de travail.