L’ensilage de tournesol en élevage laitier, un essai qui reste à transformer
La coopérative Agrial a testé l’ensilage de tournesol aux niveaux agronomique et zootechnique. Le premier bilan conclut à une amélioration de la production laitière corrigée des taux et de la marge sur coût alimentaire.
La coopérative Agrial a testé l’ensilage de tournesol aux niveaux agronomique et zootechnique. Le premier bilan conclut à une amélioration de la production laitière corrigée des taux et de la marge sur coût alimentaire.
« L’ensilage de tournesol fait partie des pistes que nous explorons depuis 2020 pour valoriser une source de protéines locales », dépeint Philippe Laulhé, responsable technique nutrition ruminants pour la coopérative Agrial. Les travaux ont d’abord porté sur la faisabilité agronomique, puis sur la valorisation du fourrage.
Les essais ont été menés sur deux exploitations situées dans le sud de la Loire-Atlantique et les Deux-Sèvres. « Techniquement, le tournesol pourrait trouver une place dans les systèmes fourragers afin d’équilibrer les rations à base de maïs dans des zones où les rendements en maïs sont limités, considère Jacques De Launay, responsable expérimentations agronomiques au sein de la coopérative. Mais le bilan économique reste à affiner. »
Fournir une source locale de protéines
Les trois années d’essais en plein champ (5 ha en moyenne) ont permis de conforter l’itinéraire technique. ll faut viser la même qualité d’implantation qu’avec un maïs. Les semis de tournesol s’effectuent courant avril, sur un sol réessuyé qui commence à se réchauffer. « Il semble important de bien respecter les dates de semis, poursuit l’agronome, en recommandant de ne pas semer après début mai. Cette année, l’un des adhérents a semé une première parcelle le 27 avril, et une autre dix jours plus tard. Sur cette dernière, le tournesol mesurait un mètre de moins à la récolte ! »
Dans l’idéal, le tournesol se sème avec un écartement de 40 à 50 cm pour bénéficier d’une meilleure répartition spatiale des plants. Comme les éleveurs n’étaient pas équipés de semoir spécifique, ils ont utilisé un semoir à maïs classique. « Mieux vaut recourir à des disques à sorgho car les graines sont assez petites », conseille le technicien.
Côté variétés, l’objectif est d’opter pour des plantes qui résistent à la verse, qui restent vertes longtemps et le plus développées possible. La densité recommandée oscille entre 75 000 et 80 000 pieds par hectare, en privilégiant des parcelles assez fertiles. « Le tournesol a du mal à se développer dans les parcelles carencées. » Pour le désherbage, un à deux passages en pré-levée et éventuellement un rattrapage sont à prévoir. Comme sur le maïs, le binage se montre possible.
Évolution rapide de la plante en fin de cycle
Cette année, le printemps précoce et l’été très séchant ont pénalisé les rendements (moins de 7 tMS/ha) par rapport aux deux années précédentes où ils ont atteint entre 8,5 et 10 tMS/ha. À noter que le potentiel des parcelles emblavées se révélait également moins bon.
La récolte est assurée par une ensileuse classique. « Il n’est pas utile de resserrer l’éclateur. Par contre, la finesse de hachage peut être réduite de 2 mm par rapport au maïs pour bien attaquer le capitule. L’emploi d’un conservateur est crucial pour limiter l’oxydation. »
En termes de valeurs, l’ensilage de tournesol fait un peu mieux qu’un ensilage de maïs en MAT, mais affiche une valeur énergétique sensiblement moins élevée. Il s’avère très riche en matière grasse (17,6 %), notamment en acides gras insaturés (acide linoléique).
Plus de lait mais une baisse marquée des taux
Lors de l'hiver 2021-2022, les deux élevages (90 vaches à 9 000 kg) l’ont intégré à raison de 3 kgMS dans la ration de leurs vaches laitières en substitution de 3 kgMS d’ensilage de maïs. « Nous avons veillé à ne pas dépasser 4,5 % de matière grasse totale dans la ration pour ne pas perturber les fermentations ruminales », précise Philippe Laulhé.
Le protocole s’est étalé sur quatre mois, alternant un mois de distribution d’une ration témoin, deux mois de ration avec ensilage de tournesol et à nouveau un mois de ration témoin. Chaque troupeau a reçu un régime unique, avec une ration iso UFL, PDI et azote ruminal.
Les rations de base se composaient principalement d’ensilage de maïs (9-10 kgMS) et d’ensilage d’herbe (4-5 kgMS). Sur les deux élevages, les mêmes tendances se dessinent suite à l’introduction d’ensilage de tournesol. L’impact est assez marqué : la production laitière a augmenté de plus de 4 kg par vache et par jour, mais la qualité du lait a été fortement pénalisée. En moyenne sur les deux exploitations, le TB accuse une baisse de 6,5 g/kg, et le TP de 3,5 g/kg. Au final, la production standardisée évolue positivement pour chaque élevage : +1 kg (+3,7 %) et +0,6 kg (+5,4 %).
« L’introduction d’ensilage de tournesol a amélioré la marge sur coût alimentaire », calcule Philippe Laulhe en se basant sur un prix du lait de 400 €/1 000 l et un coût de 146 €/tMS pour l’ensilage de tournesol. Cet essai donne des premières tendances à court terme sur la production. À chaque éleveur de juger de l’opportunité d’utiliser ce fourrage et des ajustements à faire. « Dans la durée, il faudra vérifier les paramètres de reproduction, de santé et de longévité. »
Depuis, l’un des deux éleveurs a d’ailleurs poursuivi dans cette voie. Quant à l’autre, il a préféré vendre les grains, étant donné le contexte porteur.
Chiffres clés
Les tendances moyennes observées (2020-2022) :
Des légumineuses semées sous couvert de tournesol
« L’ensilage de tournesol offre un petit bonus en MAT »
Dans le Finistère, le Gaec Hily cultive du tournesol qu’il ensile en même temps que le maïs. Un retour d’expérience positif avec des quantités intégrées à la ration limitées.
Autre région, autre approche. À Plomodiern, petite bourgade du littoral breton, située à 15 km au nord-est de Douarnenez, Rémy et Mikaël Hily sont des habitués de l’ensilage de tournesol. Ils en distribuent à leurs 55 laitières à 7 000 litres depuis une dizaine d’années.
Ils ont d’abord tenté de cultiver du tournesol sur un hectare « pour essayer ». Puis, séduits par les résultats obtenus par ce fourrage atypique, ils ont continué. « Nous semons le tournesol en pur, à la densité de 70 000 pieds par hectare, mi-juillet, décrit Mikaël. Cette année, je l’ai semé encore plus tard que d’habitude, le 20 juillet, après le blé. » À la récolte, le 30 septembre, il mesurait 1,80 mètre.
La récolte du tournesol se calque sur celle du maïs
La préparation du sol s’apparente à celle du maïs. Le Gaec sème le tournesol à 30 cm d’écartement avec un semoir mécanique monograine polyvalent de 3 mètres de large (Herriau). « L’itinéraire technique est très simplifié, poursuit son père Rémy. Nous ne pratiquons aucun désherbage. Avec cet écartement et cette densité de semis, le tournesol couvre rapidement le sol. »
Depuis deux ou trois ans, les associés privilégient des variétés très tardives pour que le stade de récolte du tournesol coïncide avec celui du maïs. « Nous voulons ensiler ces deux fourrages le même jour pour les stocker dans un seul et même silo et faciliter la distribution. » En général, le tournesol est ensilé quand ses graines commencent tout juste à se former (pleine floraison). Entre les feuilles et les tiges, le fourrage est riche en eau. Son taux de matière sèche approche 20 % MS. « Du jus coule du silo, mais nous n’avons jamais observé de moisissures ou d’échauffement même quand il était ensilé en pur. » Et ce, malgré que les éleveurs ne recourent à aucun conservateur.
« Sa valeur approche celle d’un bon trèfle violet, estime Rémy. C’est un fourrage appétent, les vaches en raffolent, elles le cherchent à l’auge ! C’est un petit bonus en matière de MAT même si les quantités distribuées restent très limitées. »