L'enjeu de la défense des indications géographiques
Normandie, comté... Les usurpations d'image des AOP IGP sont nombreuses. Leur protection conditionne leur avenir au niveau mondial.
Normandie, comté... Les usurpations d'image des AOP IGP sont nombreuses. Leur protection conditionne leur avenir au niveau mondial.
« Il y a de plus en plus d'usurpations d'image des indications géographiques (IG), en France et à l'étranger », estime Claude Vermot-Desroches, président d'OrIGin, association pour un réseau international des IG. Par exemple, des chips sur lesquelles est saupoudrée de la poudre de comté (qui n'est pas AOP, ce n'est plus du fromage), mettait des visuels de meules de comté. Interpellée par la DGCCRF, l'entreprise a retiré des emballages frauduleux. On trouve beaucoup de fraudes dans les ventes par internet.
La nécessaire reconnaissance des IG dans les accords internationaux
« Nous avons besoin d'un vrai renforcement des IG pour éviter détournement et usurpation d'image ; on doit être irréprochables à tous niveaux », ajoute Claude Vermot-Desroches. Chaque pays a sa répression des fraudes. La défense des IG est essentielle puisque l'Union européenne vend le principe des IG en dehors de l'UE, en reconnaissant et en protégeant des IG extra communautaires et en demandant aux autres pays de protéger les IG européennes. Par exemple, un fromage s'appelant Normandie existe au Canada. Un litige est en cours entre l'Union européenne et le Canada dans le cadre de leur accord commercial Ceta, qui mentionne la reconnaissance d'un certain nombre d'IG européennes.
Le problème du camembert de Normandie
Quand on ne connaît pas l'histoire du camembert de Normandie et du Fabriqué en Normandie, il y a de toute évidence un problème d'usurpation d'image. Ainsi le Japon a interpellé l'Union européenne sur le fait que le nom Normandie soit utilisé par le Fabriqué en Normandie qui n'est pas une IG. Ce qui est contraire au règlement européen. Mais le Fabriqué en Normandie rappelle qu'il existait bien avant l'AOP camembert de Normandie.
La coexistence entre les deux dure depuis longtemps, avec des tentatives d'élargissement de l'AOP pour y intégrer des camemberts au lait pasteurisé, thermisé ou microfiltré. Le dernier projet de grande AOP à deux niveaux d'exigences a été retoqué en début d'année par les acteurs du camembert de Normandie. Suite à ce rejet, la DGCCRF a publié un avis en juillet dernier pour une interdiction de la mention Fabriqué en Normandie des étiquettes au 1er janvier 2021.
Vers la fin du Fabriqué en Normandie ?
Le Syndicat normand des fabricants de camembert (SNFC), qui réunit entre autre Lactalis, Savencia, Gillot, a déposé un recours mi-septembre auprès de la DGCCRF, arguant de l’antériorité de la mention Fabriqué en Normandie par rapport à l’AOP. « Après une étude juridique de l’avis, nous considérons que cet étiquetage n’est pas une contrefaçon. Ce n’est pas illégal, a déclaré le SNFC. En cas de fin de non-recevoir de la DGCCRF, chaque entreprise prendra ses responsabilités. »
Gillot et Isigny Sainte-Mère ont des étiquettes avec des mentions comme Fabriqué à Isigny ou Fabriqué dans l'Orne... Les Fabriqué en Normandie de Lactalis et Savencia étaient encore bien visibles dans les rayons mi-décembre. Que fera la DGCCRF ? Et si elle les épingle, que feront les industriels ? La suite du feuilleton dans les mois à venir...
Les Italiens, actifs dans la défense des IG
L'Italie est connue pour son efficacité. « En Italie, l'administration accompagne les consortiums de défense des indications géographiques (IG). Tout le monde participe à la mise en valeur des produits italiens à l'étranger. Leur administration défend leurs producteurs, et cela depuis longtemps », dépeint Claude Vermot-Desroches, d'OrIGin.
En France, « la DGCCRF ne dispose pas d'assez de moyens pour enquêter sur le détournement de notoriété. De façon générale, en France, les IG, l'administration et le gouvernement ne sont pas proactifs ensemble. L’administration et les IG devraient encore plus travailler en concertation ».