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« Le soja made in France doit trouver un prix d'intérêt »

La production de soja français devrait progresser encore avec la demande en ressources locales non OGM ou bio. Point sur les défis à relever, avec Xavier Pinochet, de Terres Inovia.

Le rendement moyen du soja ces dernières années est de 25 à 26 q/ha. Les teneurs en protéines dépendent des conditions pédoclimatiques et peuvent atteindre 42 à 43 %.
Le rendement moyen du soja ces dernières années est de 25 à 26 q/ha. Les teneurs en protéines dépendent des conditions pédoclimatiques et peuvent atteindre 42 à 43 %.
© Terres Inovia

Pourquoi s'intéresser au soja made in France ?

Xavier Pinochet - « En France et en Europe, la demande en soja non OGM et/ou local augmente, en lien avec une forte demande venant des consommateurs et citoyens de relocalisation des ressources pour l'alimentation animale, de garantie zéro déforestation, et de réduction de l'empreinte carbone et environnementale des filières animales. Cette demande crée un différentiel de prix entre le prix payé aux agriculteurs et le cours mondial du soja, majoritairement OGM. Ceci rend donc le soja attractif pour les producteurs de graines.

 

 
Xavier Pinochet, Terres Inovia. « Les progrès variétaux ont été importants ces vingt dernières années. »
Xavier Pinochet, Terres Inovia. « Les progrès variétaux ont été importants ces vingt dernières années. » © DR
Les agriculteurs, céréaliers et éleveurs, s'intéressent au soja pour ses atouts agronomiques, pour diversifier leur assolement et répondre à la future PAC. Cette légumineuse fixe l'azote atmosphérique grâce à ses nodosités. Cet azote bénéficie au soja et, selon les conditions du milieu, en partie à la culture suivante. Le soja, comme toute introduction de légumineuse dans l'assolement, permet donc de réduire les besoins des exploitations en fertilisation azotée minérale. »

 

L'objectif de 300 000 hectares en 2030 est-il atteignable ? 

X. P. - « L'objectif donné par le gouvernement de 250 000 hectares en 2025 et de 300 000 hectares en 2030 paraît atteignable. Les nouvelles surfaces pourront être conquises dans toutes les régions. Il reste du potentiel dans les zones traditionnelles que sont le Sud-Ouest, la Bourgogne Franche-Comté et l'Alsace. Là où il y a de la monoculture de maïs notamment, le soja permettra de diversifier les assolements. Le soja peut aussi conquérir de nouvelles régions plus à l'ouest. Il ne s'intègrera pas beaucoup dans les assolements des ateliers ruminants car les prairies ne sont pas forcément sur des terres à soja (profondes à bonne réserve utile) et que la prairie fait déjà office de bonne tête de rotation avec du maïs et des céréales. Le soja s'intègre plus logiquement dans les rotations de cultures annuelles. Il devrait donc surtout être produit par des céréaliers et des polyculteurs éleveurs. »

Peut-on cultiver le soja partout en France ?

X. P. - « Cette légumineuse originaire de Chine, sous des latitudes plus faibles, va bénéficier du changement climatique pour ce qui est des températures. Et la recherche et la sélection variétale est active en France, avec deux à huit nouvelles variétés inscrites au catalogue français chaque année, et des progrès importants pour adapter le soja à nos conditions climatiques. Aujourd'hui, on peut dire que le soja peut être cultivé avec des rendements d'au moins 30 q/ha sur une grande partie du territoire national, hormis les zones les plus fraîches de l'Ouest, l'extrême Nord de la France, et en altitude. La recherche et la sélection continuent de travailler pour obtenir des variétés précoces et très précoces, qui font des rendements. 

Au catalogue français, on trouve des variétés triple zéro qui permettent des rendements et une bonne teneur en protéine. On ne trouve pas encore de quadruple zéro. Quelques variétés quadruple zéro, venant d'autres pays (Royaume-Uni, Pologne, Tchéquie, Autriche), ont des potentiels de rendement inférieurs. »

Y a-t-il des freins techniques à la culture ?

X. P. - « Les tensions sur l'accès à l'eau pourraient être limitantes. Comme toutes les légumineuses, le soja a besoin d'un minimum d'eau pour assurer la fixation biologique de l'azote. Mais il est plus sensible au stress hydrique que d'autres légumineuses. Hormis cette attention sur l'eau, il n'y a pas vraiment de frein technique. Encore peu cultivée, cette plante est peu attaquée par les maladies - quelques cas de Sclerotinia et Rhizoctonia. Le salissement peut être difficile à gérer. Mais il existe des produits homologués en post-levée qui rendent de grands services, et il y a la possibilité de biner. »

Quel est le frein économique ?

X. P. - « Le principal frein aujourd'hui est économique. Les filières vont se structurer, de nouvelles usines sont en cours de construction ou en projet (lire page 24) et il reste aussi sans doute des capacités de transformation dans les usines existantes. Cependant, un prix intéressant pour le producteur de graines et un coût raisonnable du tourteau de soja local pour l'éleveur, restent le plus gros défi à relever.

Les progrès génétiques sur les variétés, sur le matériel de récolte (barre de coupe souple pour perdre moins de gousses) et sur les procédés de fabrication des tourteaux participent à l'amélioration de la marge des cultivateurs et de l'intérêt technico-économique pour les éleveurs. Les soutiens politiques seront déterminants et pour l'instant, le plan protéines permet aux projets de filières régionales de se mettre en place. »

Où en est la recherche variétale ?

X. P. - « En quinze à vingt ans, les variétés ont été bien améliorées, notamment sur les critères précocité, rendement, teneur de protéine. Aujourd'hui, la richesse en protéine des sojas français est supérieure à celle des sojas brésiliens : 42-43 % MB. D'autres critères ont été bien améliorés : la tenue de tige (résistance à la verse), qui est un critère important pour réduire le risque de Sclerotinia ; et la hauteur de la première gousse qui est plus haute sur les dernières variétés. C'est un critère important pour la qualité de la récolte et le rendement. La recherche et la sélection continuent pour améliorer encore la précocité et le rendement afin de pouvoir vraiment cultiver du soja rentable partout où c'est envisageable en France. »

Quelle est la production en Europe ?

X. P. - « Les surfaces de soja dans l'Union européenne ont doublé entre 2010 et 2020 pour atteindre 909 000 hectares de soja cultivés dans l'Union européenne, soit 2,6 millions de tonnes de graine de soja, contre 357 millions de tonnes dans le monde. L'Italie est le premier pays producteur de soja de l'UE (981 000 t) mais n'a pas progressé ces dernières années. La France (406 000 t) est deuxième. Puis il y a la Roumanie (257 000 t), la Croatie (257 000 t), l'Autriche (203 000 t)... Hors UE, l'Ukraine et la Russie développent aussi la culture, mais pas forcément non OGM. »

Des surfaces en progression en France sauf en 2021

 

 
« Le soja made in France doit trouver un prix d'intérêt »

 

Historiquement, 60 % des surfaces en soja se trouvaient dans le quart Sud-Ouest et 40 % dans les plaines et vallées de l’Est : Alsace, Bourgogne, Franche-Comté, Isère.

Environ 20 % des surfaces étaient en bio en 2020. Le soja bio part en majorité vers l’alimentation humaine.

En 2021, le tassement des surfaces cultivées est lié aux mauvais rendements de 2020 et au prix bas qui ont découragé les agriculteurs (cotations à 375-390 €/t en septembre- octobre 2020). La récolte 2021 s’annonce très bonne – autour de 30 quintaux – d’après les premiers échos de ce début octobre.

À retenir

Importation de plus de 600 000 tonnes de graines, du Brésil, États-Unis...

Importation de 3 Mt de tourteaux de soja, venant du Brésil à 70 %.

75 à 80 % des graines de soja transformées en France partent en alimentation animale (huile, tourteau et coque).

20 % des graines sont destinées à l'alimentation humaine ; une activité qui génère des drêches de soja pour l'alimentation animale.

Les atouts et limites du soja en France

Atouts :

Rompre les monocultures et les rotations simples

Améliorer la structure du sol

Économiser des engrais minéraux

Valoriser localement une culture à faibles intrants et la légumineuse la plus riche en protéines

Limites :

Sensibilité au stress hydrique

Éviter les sols trop calcaires, le soja étant sensible à la chlorose ferrique

Gestion des adventices parfois délicate

Dégâts de pigeons et de lièvres

Prix pour les cultivateurs et coût pour les éleveurs à optimiser

Les prix restent élevés

Graines. Les cotations françaises du 6 octobre restaient élevées pour la graine de soja conventionnel destinée à l'alimentation animale, au départ de Rhône-Alpes (610 €/t) et du Sud-Ouest (590 €/t). Reste à voir comment les prix évolueront avec l'avancée des récoltes. Ces niveaux sont motivants pour les cultivateurs, comparé aux prix de 2018 - 2019 (350 €/t). En bio, le prix de la graine origine France pour l'alimentation animale était de 750 à 770 €/t le 6 octobre.

Tourteaux. En conventionnel, le tourteau de soja classique (importé, OGM) cotait environ 400 €/t. En non OGM, au départ de Sète, la cotation était de 682 €/t le 6 octobre (48 % de protéine, pellets), en légère baisse par rapport à septembre. Le tourteau bio origine France cotait entre 1 200 et 1 300 €/t, soit un niveau similaire au tourteau bio importé, en hausse par rapport à septembre. 

Impulsion de Cap Protéines

Piloté par Terres Inovia et l’Institut de l’élevage, Cap protéines contribue à la dynamique actuelle sur le soja. Ce programme de recherche de deux ans qui s'inscrit dans le cadre du plan protéines lancé par les pouvoirs publics, est doté de 20 millions d’euros du plan de relance, en plus des 33,5 M€ de budget de la filière des huiles et protéines végétales. Il comprend cinq projets, dont le développement de l'autonomie protéique des élevages de ruminants par l'amélioration de la valorisation des prairies, et la meilleure valorisation des graines et tourteaux locaux...

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