« L’AOP camembert élargie va nous donner des moyens »
Patrick Mercier, président de l’ODG Camembert de Normandie. En ouvrant une AOP 100 % « lait cru » au lait pasteurisé, le camembert crée un précédent qui provoque des remous dans le milieu des AOP. Explications.
Patrick Mercier, président de l’ODG Camembert de Normandie. En ouvrant une AOP 100 % « lait cru » au lait pasteurisé, le camembert crée un précédent qui provoque des remous dans le milieu des AOP. Explications.
Elle aura aussi un impact économique. Jusqu’à présent, la confusion entre l’AOP et le « fabriqué en Normandie » générait de la valeur qui ne bénéficiait pas aux producteurs. L’AOP actuelle concerne 500-600 éleveurs qui bénéficient d’une plus value de 4 c/l. Nous espérons profiter de l’élan des éleveurs vers les laits différenciés et accueillir 2000 producteurs dans l’AOP élargie. Le facteur limitant, ce seront les producteurs qui décideront de s’engager ou pas dans l’AOP : tout dépendra de la plus-value que les industriels reverseront.
L’AOP élargie pourra aussi atteindre une taille à la hauteur de sa renommée : aujourd’hui elle est à peine visible en France alors que le camembert de Normandie est mondialement connu !
Enfin, elle a l’avantage par rapport à la double appellation IGP-AOP de n’avoir qu’un seul lieu de décision, ce qui évitera de voir l’écart se creuser entre les deux produits. Ce n’est d’ailleurs pas la solution que préféraient les industriels, car avec l’IGP ils auraient eu un cahier des charges moins contraignant. Mais la solution de l’IGP a été refusée par l’Inao pour des raisons juridiques de portance vers Bruxelles.
Côté fabrication, les industriels devront revenir au fondement du camembert qui est une fabrication mi-lactique/mi-présure alors que la tendance est plutôt de renforcer le côté « présure ». Ils ne pourront plus enlever l’eau pour gagner du temps. L’interdiction de cette concentration des laits apportera une amélioration sensible du produit pasteurisé.
Ce nouveau cahier des charges de l’AOP n’est pas attendu avant 2021, car la révision de zone va demander beaucoup de temps : elle se fera à partir des cinq départements normands.
Un accord de principe a été conclu le 21 février pour mettre fin à la coexistence sous haute tension de l’AOP camembert de Normandie et du camembert fabriqué en Normandie. Le premier valorise du lait cru moulé à la louche depuis 2007 avec un cahier des charges producteurs. Le second valorise un lait thermisé ou microfiltré sans contrainte de production. Les acteurs de l’AOP s’insurgeaient depuis dix ans contre une usurpation d’identité. L’accord définit les grandes lignes d’un futur cahier des charges AOP à deux niveaux.