L’acupuncture soigne aussi les bovins
Issue de la médecine traditionnelle chinoise, l’acupuncture vise à renforcer l’équilibre général de l’animal pour l’aider à retrouver ou maintenir sa santé.
Issue de la médecine traditionnelle chinoise, l’acupuncture vise à renforcer l’équilibre général de l’animal pour l’aider à retrouver ou maintenir sa santé.
« Traditionnellement en Chine ancestrale, les médecins étaient rémunérés tant que le patient est en bonne santé. Dès que ce dernier manifestait des symptômes ou restait en convalescence, le médecin n’était plus payé », expose Nayla Cherino, vétérinaire dans la Manche et orientée en homéopathie, ostéopathie et acupuncture. Cette approche, aux antipodes de la médecine conventionnelle, a de quoi dérouter. Elle s’applique à l’homme, mais également aux bovins. « La maladie révèle en fait un déséquilibre dans le corps. L’objectif est de rééquilibrer l’énergie vitale qui circule dans l’animal pour l’aider à guérir d’une pathologie. »
La santé est avant tout une question d’équilibre
L’acupuncture consiste à insérer des aiguilles à la surface de la peau pour stimuler des points précis sur les méridiens (lignes reliant les organes entre eux) afin de réguler l’énergie ainsi que les fonctions physiologiques, organiques et psychiques. Dans l’organisme, tous les organes sont énergiquement liés les uns aux autres. Les bovins possèdent une douzaine de méridiens, disposés de façon bilatérale à la surface de leur corps. « On peut les comparer à un circuit électrique, illustre Nayla Cherino. Imaginons que chaque organe est une ampoule. Le fil électrique relié à l’ampoule correspond à un méridien véhiculant de l’énergie. Comme dans tout circuit électrique, il peut y avoir plusieurs interrupteurs avec pour certains, un minuteur ou un variateur d’intensité lumineuse. » Sur les méridiens, plusieurs points permettent de régler l’énergie au niveau de l’organe. Quand on applique une aiguille à la surface du corps, c’est comme si on appuyait sur un interrupteur du circuit pour rallumer « une lumière » en nous. Mais encore faut-il connaître l’emplacement de ces fameux points.
Considérer l’animal dans toute sa globalité
Pour les localiser précisément, l’acupuncteur s’appuie sur la théorie décrite par la médecine traditionnelle chinoise, vieille de 3000 ans et basée sur l’observation. Il existe plus de 300 points sur le corps. Dans les formations qu’elle dispense aux éleveurs de toute la France depuis 2013, Nayla Cherino se limite à la présentation d’une vingtaine de points de base. « Pas besoin de transformer les vaches en hérisson pour obtenir des résultats, plaisante-t-elle. Les interrelations entre les différents organes font qu’il n’y a pas lieu de poser une multitude d’aiguilles. Le principal est de bien les localiser. Cinq aiguilles suffisent à retrouver un état d’équilibre et à relancer les mécanismes naturels du corps. »
Les points enseignés en formation permettent d’intervenir aussi bien en préventif qu’en curatif. Sur le flanc, les éleveurs identifient ce que l’on appelle le triangle d’immunité, délimité par trois points appelés point rate, point rein et point foie. En agissant sur ces trois organes, on augmente la capacité de l’organisme à se défendre de façon générale. « Je conseille d’utiliser ces points lors des périodes à risques (vêlage, changement de saison, de ration). »
Le champ d’action de l’acupuncture peut être très vaste
Concrètement, le vétérinaire invite à poser les aiguilles et à laisser faire. Si on trouve le bon point, l’aiguille est comme absorbée par le cuir de l’animal. Tant que l’aiguille travaille, on ne peut pas la retirer. Elle remonte toute seule dans un délai variant de cinq à trente minutes.
D’autres points existent pour favoriser l’éjection du lait, le vêlage (ouverture du col ou mobilité du bassin), traiter une non-délivrance, une métrite, des problèmes de repro, une fièvre intense, soigner un veau mou qui refuse de boire, faciliter la digestion, réguler une diarrhée, une hémorragie… « Globalement, dans toutes les pathologies infectieuses (mammites, pathologies respiratoires…), l‘acupuncture aide à renforcer le terrain de la vache », conclut Nayla Cherino.
Le saviez-vous ?
Pour la réanimation d’un veau nouveau-né, on peut agir sur certains points directement avec les doigts. Appuyer au niveau du périnée (point VC1) permet aux veaux qui ont « bu la tasse » d’expectorer instantanément. Puis, on les aide à inspirer avec le point VG26 au niveau du frein labial de la gencive supérieure. Dans les cas extrêmes, il peut être nécessaire de stimuler aussi les points Ting sur tout le pourtour de la couronne des différents membres.
Le point clé : l’approche de l’animal
Ce n’est qu’une fois que l’on se sent prêt et disponible que l’on peut intervenir sur l’animal. On s’approche de la vache avec calme. Si celle-ci manifeste de la tension, on s’arrête un instant. En moins de trois minutes, elle s’apaise et se relâche. C’est seulement alors qu’on peut poser sa main sur elle, sans la caresser, et appliquer les aiguilles.
Avis d’éleveur : Anne-Marie Lebreton, éleveuse de 70 vaches dans le Calvados
« Je me suis lancée dès le lendemain de la formation organisée par Seenergi. J’utilise l’acupuncture en prévention ou lorsque je vois des premiers signes de maladie. Mes premières expériences m’encouragent à continuer. En trois mois, j’ai déjà utilisé deux boîtes de 100 aiguilles (10 € la boîte). Dernièrement j’ai pratiqué l’acupuncture sur une petite génisse qui était prise au niveau pulmonaire et qui « battait » pas mal. Je l’ai mise sous antibiotiques, mais pas sous anti-inflammatoires. Et j’ai posé une aiguille sur le point MC6 situé à l’intérieur de la patte avant pour apaiser le cœur, et une autre sur V60 pour faire descendre la température. Trois quarts d’heure plus tard, elle « battait » beaucoup moins. Je pratique aussi régulièrement le triangle d’immunité sur les vaches et les génisses qui entrent en préparation au vêlage. Il est encore trop tôt pour voir les effets. À la première traite au robot, j’applique aussi des aiguilles sur les génisses qui ont du mal à donner leur lait. Une seule fois suffit, alors qu’avant je réalisais une à trois piqûres d’ocytocine pour régler ce problème.
Les vaches réagissent différemment devant les aiguilles. Certaines ne bronchent pas du tout, tandis que d’autres se montrent très sensibles dès qu’on les touche. Je prends le temps nécessaire en posant ma main calmement sur l’animal quelques minutes pour l’apaiser. Parfois les aiguilles rentrent immédiatement, c’est impressionnant ! Parfois, elles prennent plus de temps à pénétrer. Je libère les vaches du cornadis une fois que j’ai fini et les laisse vaquer à leur occupation dans la stabulation, en laissant l’aiguille agir. Elle remonte et tombe toute seule plus tard.
Le plus difficile, c’est d’être sûr de piquer au bon endroit. Je m’aide des photos que j’ai prises lors de la formation. Il y a des points que je trouve plus facilement que d’autres. L’autre jour, par exemple, une vache s’est blessée à la patte, j’ai voulu piquer le point VB20 (derrière l’oreille), mais j’aurais besoin d’être confortée dans ma pratique. »