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Lactalis : après l’onde de choc, quelles solutions se dessinent pour les producteurs ?

Le leader mondial des produits laitiers a annoncé qu’il baissera de près 9 % sa collecte de lait en France. L’échéance est courte : dès 2026 et concernerait quelques 300 producteurs conventionnels et bio. Les réactions ont été vives. Les organisations de producteurs sont à la manœuvre pour trouver des solutions aux producteurs.

Usine Lactalis de Villedieu les Poeles (Manche)
Lactalis assure faire son possible pour développer les PGC export car, sur le créneau des commodités, « d’autres pays peuvent offrir des volumes conséquents à prix attractif ». Le groupe assure ne pas produire d’ingrédients en Italie et très peu aux États-Unis.
© S. Leitenberger/stock.adobe.com

Le projet se tramait depuis avril déjà. Ce n’est que le 25 septembre que les organisations de producteurs et les associations d’organisations producteurs découvrent la méthode que Lactalis veut employer et l’objectif chiffré de réduire de 450 millions de litres sa collecte en France d’ici 2030, avec une première étape en 2026 qui concernerait quelque 300 exploitations laitières.

Réactualisation : Lactalis : « Il y aura une solution pour chaque éleveur », promet l'Unell

« Les régions citées dans le communiqué de presse – Est et sud Pays de Loire – ne sont pas si larges que Lactalis l’affiche. En réunion, ils nous ont présenté des zones bien plus réduites et ont ciblé 272 exploitations conventionnelles, explique Yohann Serreau, président de l’Unell, association d’organisations de producteurs (AOP) représentant onze OP et 5 200 éleveurs livrant à Lactalis. Lactalis veut imposer une rupture de contrat à ces exploitations laitières d’ici la fin de l’année. Nous sommes contre cette méthode. Nous militons pour des zones plus larges et des arrêts de contrat volontaires de la part des éleveurs. »

Problème : l’Unell négocie le prix du lait avec Lactalis mais pas les volumes. « Comme nous n’avons pas obtenu la gestion collective des volumes au sein des OP, Lactalis peut rompre les contrats individuellement. »

Pas de gestion collective des volumes

« Nous avons échangé sur les grandes lignes possibles avec les responsables d’OP mais les idées qui nous ont été proposées n’étaient pas réalisables d’un point de vue opérationnel, indique Fabien Choiseau, directeur approvisionnement lait chez Lactalis France. Nous avions deux choix : réduire les volumes pour l’ensemble des producteurs et limiter le développement de tous, ou résilier certains contrats avec des préavis raisonnables. »

Les courriers ne devraient pas être envoyés avant la mi-janvier 2025. Les préavis courront à partir de ces dates. Douze mois pour les éleveurs laitiers en conventionnel. « C’est ce qui est indiqué dans notre contrat-cadre, explique Yohann Serreau. À l’inverse, les éleveurs ont un préavis de six mois s’ils souhaitent quitter Lactalis. » Et vingt-quatre mois pour les éleveurs laitiers bio, dont les dix-sept exploitations laitières bio adhérentes à l’OP Lait Bio Seine et Loire.

Des offres de reprise autour de sites existants

Rapidement, des laiteries ont annoncé pouvoir récupérer des litrages dans les zones qui les intéressent. Le premier à avoir dégainé est la Laiterie Saint Denis de l’Hotel (LSDH). Le transformateur a annoncé être prêt à collecter une cinquantaine de fermes, soit entre 50 et 60 millions de litres de lait supplémentaires par an.

« Un certain nombre de producteurs abandonnés sont très proches de notre usine de production de Cholet dans le Maine-et-Loire, explique Emmanuel Vasseneix, président de LSDH. Or, cette nouvelle usine, qui conditionne du lait liquide vendu en supermarchés, ne tourne pas au maximum de ses capacités et on a des clients qui nous demandent des volumes en plus. » Ces éleveurs devront adhérer à l’OP APLBC et respecter un cahier des charges comprenant une alimentation des vaches sans OGM et un accès au pâturage.

Terrena s’est également positionnée pour 40 millions de litres. La coopérative propose aux éleveurs situés sur sa zone de collecte historique, soit une centaine de kilomètres autour d’Ancenis en Loire-Atlantique, de la rejoindre. Les volumes repris seront transformés et commercialisés par Laïta (copropriété de Terrena, Even et Eureden). « Notre objectif est de contractualiser durablement et en priorité avec les producteurs de lait qui sont déjà adhérents de la coopérative pour d’autres activités, ou ceux qui souhaitent le devenir », indique Christophe Miault, administrateur de Terrena.

Des solutions pour tout le monde

D’autres collecteurs, s’ils se sentent solidaires, ne veulent pas donner l’impression de venir en aide à Lactalis – qui a affiché en 2023 un chiffre d’affaires mondial record de 27,9 milliards d’euros. « Sodiaal, c’est du lait partout en France, sur tout le territoire », a milité à la tribune du Sommet mondial du lait, le 15 octobre, Jean-Michel Javelle, président de la première coopérative laitière française. Avant d’expliquer à Réussir Lait que « nos adhérents ne comprendraient pas que, pour soulager un de nos concurrents, nous grevons notre compétitivité ».

Lire aussi : Sodiaal ouvre ses portes à de nouveaux sociétaires

Côté lait bio, Biolait estime ne pas pouvoir absorber les volumes laissés par Lactalis sans mettre en danger son équilibre économique, déjà mis à mal par une conjoncture bio difficile.

Les OP livrant Lactalis travaillent avec un cabinet de transition pour trouver des solutions collectives aux éleveurs concernés par la rupture de leur contrat. « Il y aura des solutions pour tout le monde », assure le président de l’Unell. Les discussions avec les potentiels repreneurs sont en cours. La présentation des solutions est prévue début novembre.

Pour une meilleure rémunération du lait ?

L’argument principal de Lactalis pour cette réduction des volumes est l’exposition du groupe aux marchés mondiaux du fait d’excédents. « Si on veut une meilleure rémunération du lait, on doit réduire nos excédents qui sont soumis à la volatilité des marchés mondiaux, explique Fabien Choiseau. Nous avons plus d’excédents en France que nos concurrents. »

Il assure que si le prix du lait payé aux producteurs par l’entreprise n’est pas plus haut, c’est à cause de ces excédents. « Si la réduction des volumes a lieu, mécaniquement une hausse du prix aura lieu. »

La FNPL fustige la communication de Lactalis qui souligne que cette décision vise à soutenir la valorisation du lait aux producteurs. « Nous dénonçons la brutalité et la façon dont les producteurs sont traités. La méthode est ignoble », lâche Yoann Barbe, président de la FNPL. « Comment s’assurer que demain les producteurs de lait seront encore collectés sur tous les territoires, sans qu’une concurrence interrégionale ne s’installe ? », pointe le syndicat dans un communiqué de presse.

Une ampleur nationale et politique

La Confédération paysanne a organisé le 18 octobre une occupation du site industriel de Retiers, en Ille-et-Vilaine, pour dénoncer la « politique mortifère » du groupe.

Rapidement, les politiques, députés, sénateurs ou élus locaux ont emboîté le pas aux syndicats, chacun y allant de son commentaire ou de son communiqué de presse. Au lendemain de l’annonce, la récente ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, assurait « de [son] plein soutien et de [son] engagement aux côtés des producteurs pour maintenir une activité laitière dans les élevages concernés » en demandant aux « leaders industriels » des engagements pour « défendre notre capital productif alimentaire ».

Lire aussi : Le détail du plan en trois étapes de réduction de la collecte

 
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Yohann Serreau, président de l’Unell, association d’organisations de producteurs (AOP) représentant onze OP et 5 200 éleveurs livrant à Lactalis. © reussir.fr

« On discute avec Lactalis sur les modalités. Il ne faut pas oublier que l’on continuera de négocier pour 5 000 adhérents. Nos relations continuent. » - Yohann Serreau, président de l’Unell

Mise en garde

Un des sujets de négociations entre les organisations de producteurs et Lactalis sera la question des tanks propriétés de la laiterie, vu les longs délais de disponibilités du matériel.

 

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