La sélection à l’aube d’une nouvelle révolution
En étudiant l’influence du milieu sur l’expression
des gènes, l’épigénétique, nouvelle discipline, devrait
à terme participer comme la génomique (SAM)
au bouleversement des modalités de sélection.
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À L’INRA. « On connaît encore très peu
les effets de l’épigénétique chez les bovins
mais les données chez les espèces
de laboratoire s’accumulent rapidement
depuis quelques années. »"
À L’INRA. « On connaît encore très peu
les effets de l’épigénétique chez les bovins
mais les données chez les espèces
de laboratoire s’accumulent rapidement
depuis quelques années. »
Plus ou moins de calcium dans le milieu quelques secondes après la fécondation, et c’est le poids du souriceau nouveau né qui est affecté et en subit les conséquences! Un régime hyper gras distribué à un rat femelle pendant la fin de gestation et le début de la lactation peut provoquer chez ses descendants, pendant deux générations au moins, un excès de poids et le développement d’un diabète à l’âge adulte. Un régime alimentaire de même type chez les mâles peut induire les mêmes effets chez ses filles ! Or, et c’est important à souligner, les études expérimentales qui ont conduit à ces observations ont également démontré que le patrimoine génétique des animaux n’était pourtant pas modifié (pas de mutation…).
Des veaux plus vigoureux à la naissance
Ces quelques exemples cités à l’occasion d’un colloque dédié à l’épigénétique( 1) par Jean-Paul Renard, directeur de recherche à l’Inra, illustrent l’influence que peut avoir le milieu sur l’expression des gènes. Bien mieux, cette influence peut être transmise à la génération suivante. « Ensuite elle s’estompe de générations en générations. On parle alors d’une hérédité « molle». Mais, pendant tout ce temps, l’épigénétique aura affecté l’expression des gènes et ainsi les caractéristiques des individus, c’est-à-dire leur phénotype », explique le scientifique.
L’interaction entre le patrimoine génétique et l’environnement est donc au coeur des préoccupations de ce nouveau domaine de connaissance. « Ce phénomène biologique permet aux organismes vivants de s’adapter aux modifications environnementales sans modification de leur patrimoine génétique. » Les mécanismes épigénétiques sont très importants chez les plantes. Par exemple, certaines résistent mieux que d’autres à la sécheresse.
L’épigénétique s’intéresse en effet aux modifications moléculaires qui affectent le fonctionnement des gènes sans affecter l’ADN. « Si on en parle aujourd’hui, c’est parce que ces modifications peuvent être mesurées de façon très précise et à haut débit, c’est-à-dire donner lieu à des milliers de données nouvelles. »
Des éleveurs observent parfois qu’une vache fait toujours de beaux veaux. Ce phénomène pourrait peut-être s’expliquer par un processus épigénétique. Cette vache s’est peut-être mieux adaptée que les autres à son environnement. Elle a pu ensuite transmettre à sa descendance une vigueur que n’ont pas les autres veaux présents dans le même élevage. Et ces mêmes veaux pourront peut-être transmettre à leur tour cette vigueur à leur descendance. Le cycle peut aussi s’arrêter très vite.
Lutter contre l’obésité chez l’homme
L’épigénétique devrait permettre de progresser dans la compréhension du fonctionnement d’un organisme et sur sa capacité à s’adapter à différents stress (sécheresse, changement de régime alimentaire, modification des modes de conduite des élevages…). En sélection animale, l’épigénétique pourrait permettre de distinguer la part des variations génétiques (patrimoine génétique) de celles dues à l’environnement (variabilité épigénétique) dans la réalisation du phénotype (poids et vigueur des veaux à la naissance, production laitière, résistance aux mammites…). Le monde médical « a déjà pris toute la mesure de l’intérêt de cette discipline, notamment dans la lutte contre l’obésité ».
« Pourquoi l’élevage est-il concerné par l’épigénétique ? », colloque organisé le 16 novembre à Paris par l’Académie d’Agriculture de France en partenariat avec InVivo.