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La petite méthanisation à l’épreuve de la pratique

L’Ademe a suivi sept unités innovantes de petite méthanisation et va publier des rapports détaillés pour chacune. Une information indépendante fortement attendue.

Julien Tual, ingénieur méthanisation à l’Admet. « Nous encourageons les porteurs de projets à exiger auprès du constructeur un contrat garantie de performances. »
© B. Griffoul

L’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) est en train de clore un suivi de sept unités de petite méthanisation (moins de 75 kWe). Après avoir lancé un appel à projets, l’agence a retenu sept binômes associant une exploitation agricole et un constructeur proposant une technologie innovante de petite méthanisation. Cette première unité construite en France était suivie pendant douze mois pour évaluer ses performances avant d’engager le développement commercial (1). En contrepartie, l’agence accompagnait le projet avec un taux de subvention un peu plus élevé qu’à l’accoutumée. Sur les sept unités, cinq fonctionnent en voie liquide et deux en voie sèche.

Premier enseignement de l’étude : le pouvoir méthanogène des substrats (69 % d’effluent en moyenne) est très variable (de 1 à 4) et inférieur au prévisionnel (11 à 30 %). Un déficit qui a été compensé par des quantités de matière supérieures. Le taux d’expression de ce pouvoir méthanogène varie très fortement selon les unités (de 70 à 114 %), signe de procédés de méthanisation plus ou moins aboutis.

« Exiger un contrat garantie de performances »

« Globalement, toutes les unités ont rencontré des problèmes, précise Julien Thual, ingénieur méthanisation à l’Ademe. C’est normal dans la mesure où il s’agit de la première unité du constructeur ou de la première construite en France. Le plus important, c’était de trouver des solutions pour faire face à ces dysfonctionnements. Parfois, ces solutions n’ont pas été apportées. Nous encourageons les porteurs de projets, qui se lancent sur des technologies innovantes, de bien se protéger en exigeant par exemple auprès du constructeur un contrat garantie de performances, c’est-à-dire une part d’électricité produite par rapport au prévisionnel, sous réserve que le substrat corresponde bien à ce qui était prévu. »

Si elle ne concerne pas le processus de méthanisation lui-même, la performance des moteurs de cogénération s’est avérée en retrait par rapport à ce qui était annoncé par les motoristes (29 - 30 % au lieu de 35 - 36 %). « Cela correspond à 15 % de recettes en moins », chiffre Julien Thual. Cet écart est encore plus grand lorsque la puissance électrique maximale du moteur n’est pas atteinte, ce qui dégrade son rendement.

« Proposer des solutions d’achat groupé »

Le travail généré par ces unités de méthanisation, ramené au kWe, varie du simple au triple (0,002 à 0,006 ETP/kWe). Il est du même niveau que sur de plus grosses unités, voire supérieur pour la voie sèche. Quid enfin de la rentabilité de la petite méthanisation ? Pour les quatre premières unités évaluées, l’investissement est nettement plus élevé pour la voie sèche (16 000 euros/kWe) que pour la voie liquide (7 200 euros/kWe) et le taux de subvention varie de 26 à 39 %. Le taux de retour sur investissement prévisionnel allait de 7 à 9 ans. Il est tenu pour les unités (Host, Arcbiogaz) qui n’ont pas connu de dysfonctionnement majeur ou rapidement solutionné, tout comme l’EBE. En revanche, quand la production de biogaz n’est pas à la hauteur du prévisionnel, notamment en voie sèche, ces deux critères de rentabilité sont fortement dégradés. Les charges d’exploitations ont généralement été dépassées de 10 % par rapport au prévisionnel. « Pour améliorer la rentabilité de la méthanisation à petite échelle, il faudrait que les constructeurs proposent des solutions d’achat groupé afin d’en réduire le coût », estime Stéphanie Bonhomme, de l’association Trame.

(1) Les suivis ont été réalisés par un prestataire (groupement associant S3D, Apesa, Biomasse Normandie).A VENIRRRRR photo d’ouverture - L’unité Biogazplus, dans un élevage laitier du Lot-et-Garonne. Outre les effluents, elle traite 30 % de déchets de céréales extérieurs.

Cinq projets en voie liquide

1- Arcbiogaz - Biogazplus (47). Dans cette unité (75 kWe) très innovante, digesteur et postdigesteur sont constitués de citernes souples de stockage d’effluents posées sur un lit de sable. Elle a fait preuve d’une très bonne efficacité biologique (taux d’expression du pouvoir méthanogène de 114 %) et n’a pas présenté de dysfonctionnement majeur. Un point reste à optimiser : la consommation électrique liée à l’agitation. Si le coût d’investissement (6 400 €/kWe) est parmi les moins élevés des sept unités évaluées, la question se pose de la durée de vie du matériel. Les poches sont garanties dix ans. Elle a dégagé un EBE annuel (calculé sur les 3 derniers mois de suivi et extrapolé) de 66 000 euros. Le taux de retour sur investissement (TRI) est de 6 ans.

2- Host-Gaec des Buissons (49). À retrouver en détail, page 34.

3- Valogreen - SCA Forzy (27). Dans cette unité de 75 kWe, le digesteur est constitué d’une poche souple insérée dans une structure métallique isolée de type silo à grain. L’agitation se fait par recirculation de la phase liquide. Un système qui permet l’autoconstruction. Cette technologie est éprouvée à l’étranger et le coût de l’investissement est parmi les plus faibles (6 300 €/kWe). Ce procédé exprime bien le potentiel méthanogène de la matière (92 %). Mais, pour des raisons d’homogénéisation, il n’a pas permis d’incorporer autant de menue paille que prévu initialement. La production d’électricité n’atteint que les deux tiers du prévisionnel et l’EBE 40 % (26 000 €).

4- Arkolia - EARL Devienne (81). Cette unité de 75 kWe est un prototype pour des unités plus grandes. Le digesteur est compartimenté pour maîtriser les différentes phases de la digestion et prévu pour recevoir des matières avec un taux de matière sèche assez élevé (22 %). L’agitation est assurée par injection de biogaz. Cette technologie présente de très bonnes performances biologiques (taux d’expression du potentiel méthanogène de 114 %, charge organique à un niveau jamais observé…). Si elle présente un fort potentiel, cette unité pilote, suréquipée, reste encore onéreuse (10 000 €/kWe) et devra être industrialisée pour en réduire le coût. Deux points restent à optimiser : la consommation électrique assez élevée et l’incorporation de la matière pour atteindre le taux de matière sèche espéré.

5- Agréole Développement - Gaec des Beaudors (43). Cette unité de 35 kWe a été conçue sur un principe de séparation de phase des effluents. Seule la partie liquide entre dans le digesteur. La partie solide est prévue pour être séchée avec la chaleur et réutilisée comme litière sur les logettes. Dans le digesteur, un filtre anaérobie (grilles) permet de fixer les bactéries pour accélérer le processus de digestion et, par conséquent, réduire le temps de séjour. Quelques problèmes sont apparus sur ce filtre (bouchage). Des améliorations ont été apportées. Le bilan n’est pas encore finalisé.

Deux projets en voie sèche discontinue

1- Méthajade - Guilbaud (44). L’unité de 54 kWe est constituée de quatre digesteurs de type garage chargés distinctement. L’investissement s’élève à 16 000 euros par kWe. Exploitant plusieurs unités plus grandes, le constructeur a connu quelques difficultés pour sa première unité de petite méthanisation, notamment quant à l’étanchéité des portes des digesteurs et la gestion des percolats. Le suivi s’est poursuivi pendant 12 mois supplémentaires pour lui permettre de trouver des solutions techniques. Une deuxième unité, améliorée, est également suivie.

2- Erigène - EARL Bois Guilbert (76). Les digesteurs de la plus petite des sept unités (36 kWe) sont fabriqués à partir de conteneurs de transport maritime. Le remplissage s’effectue par le toit. Ce procédé a présenté de grosses difficultés : étanchéité du toit, déformation des conteneurs… Le suivi a été stoppé au bout de huit mois et le constructeur mis en liquidation judiciaire.

En savoir plus

Des rapports détaillés sont en cours de publication pour chaque unité suivie et un rapport de synthèse est attendu pour l’automne sur www.ademe.fr

Un site européen dédié à la petite méthanisation avec un outil de calcul en ligne de faisabilité économique d’un projet : www.bioenergyfarm.eu

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