Avec 45 vaches laitières : « Je ne veux surtout pas m’agrandir »
Yannis Collet, installé seul dans les Côtes-d’Armor, n’a pas voulu modifier la taille de l’exploitation familiale ni la configuration des bâtiments. Son but ? Limiter le travail et l’investissement. Aujourd’hui, son système évolue vers plus d’herbe et de pâturage.
Yannis Collet, installé seul dans les Côtes-d’Armor, n’a pas voulu modifier la taille de l’exploitation familiale ni la configuration des bâtiments. Son but ? Limiter le travail et l’investissement. Aujourd’hui, son système évolue vers plus d’herbe et de pâturage.
Y a-t-il un avenir en Bretagne pour une ferme de 50 hectares et 45 vaches, conduite par un éleveur seul ? Cette question a taraudé Yannis Collet, avant qu’il ne s’installe à la suite de ses parents, à Plumieux dans le sud des Côtes-d’Armor, en 2006. Mais aujourd’hui, cet éleveur de 46 ans est convaincu de son choix. Plutôt que la stratégie du volume, il a préféré maintenir une structure fonctionnelle où une personne seule pourrait assumer le travail. Aujourd’hui, son exploitation produit 320 000 litres de lait avec 45 vaches, 750 porcs par an engraissés à façon (6 % du chiffre d’affaires) et 24 hectares de cultures de vente. « Je ne suis pas encore complètement seul puisque mon père continue de m’aider pour les porcs, les travaux des champs, l’entretien…, précise-t-il en souriant. Mais, à terme, il sera toujours temps de faire appel à l’entreprise pour la partie cultures. »
Yannis s’est installé sans reprendre de surfaces supplémentaires. « Je savais que 7 hectares à proximité du corps de ferme allaient se libérer un jour ou l’autre. Seules ces surfaces accessibles aux vaches m’intéressaient, rien d’autre ! » Avec un BTA en poche, Yannis a d’abord travaillé dix ans au service de remplacement. Il a pu se rendre compte de ce qui marche, de ce qui marche moins… Cette expérience a en quelque sorte nourri sa stratégie et sa philosophie de vie. « J’en ai vu des choses ! Des situations pas toujours marrantes… J’ai surtout appris à ne pas viser plus gros que ce que l’on peut faire. J’ai eu envie de m’installer mais avec la volonté de ne pas me laisser dépasser par le boulot. Je ne veux surtout pas courir dans tous les sens. J’ai vu trop de gens usés par le travail physiquement et moralement… »
Être bien dans son métier, sans subir
Il faut savoir faire vieillir un bâtiment
Choisir des solutions simples pour élever les veaux
Plus généralement, Yannis fait attention au temps affecté à chaque tâche. Par exemple, pour l’élevage des veaux, il travaille en un repas par jour puis en ration sèche. À partir de la troisième semaine, ils reçoivent 4,5 litres de lait entier, avec de la paille, de l’aliment et de l’eau à volonté. La quantité de lait diminue ensuite progressivement jusqu’au sevrage à 10 semaines. « Puis, jusqu’à 6 mois, ils tournent en régime 100 % paille et aliment. Ça marche très bien ! »
Déléguer les travaux de champs à terme
Plus de surfaces accessibles pour pâturer
Pour la conduite de l’herbe, l’éleveur se fait accompagner par le Cedapa(1) depuis deux ans, en suivi individuel au départ et en groupe aujourd’hui. « Je ne suis pas complètement novice en gestion de l’herbe, mais j’ai encore besoin de me former pour améliorer mes pratiques. »
Fermer le silo au moins deux mois et demi
Même l’hiver, rares sont les jours où les vaches ne sortent pas du tout. Les parcelles portent très bien, mais l'éleveur " fait en sorte de ne pas les faire gratter ». En général, les vaches ne passent la nuit en bâtiment qu’à partir de mi-novembre. C’est à ce moment-là que Yannis rouvre le libre-service. En hiver, le maïs constitue les trois quarts de la ration, avec du foin ou de l’enrubannage à disposition au râtelier. Côté concentrés, 3 kg d’aliment azoté sont distribués aux vaches les plus productives et 1,2 kg pour les autres, avec 1 kg de céréales et 150 g de CMV.
Ensilage d’herbe et foin pour les génisses
« J’ai fait le choix de rester en race Prim’Hostein car le troupeau est doté d’un bon potentiel laitier, mais je ne pousse pas les vaches. Je sélectionne celles qui valorisent bien l’herbe au profit de celles dont la production chute quand j’arrête le maïs. » Dans le choix des taureaux, Yannis fait attention aux taux et à l’index mamelle, mais il ne tient plus compte de l’index morphologie. « Ce n’est pas la taille qui fait une bonne laitière. Une bonne vache, ce n’est ni une grande ni une petite ! », estime-t-il.
Finalement, le bon sens prime dans la stratégie de système qu’adopte Yannis. « Je suis sûr qu’il y a de l’avenir pour faire du lait sur une structure telle que la mienne ! L’accessibilité des surfaces est un atout majeur qui perdure. Peu gourmande en capitaux, mon exploitation sera aussi plus facile à transmettre à terme… », conclut l’éleveur.
Chiffres clés
Avis d'expert : Denis Follet, des chambres d’agriculture de Bretagne
« L’éleveur recherche la marge plus que le produit »
L’évolution du système est confortée par une MAEC
L’exploitation était déjà quasiment « dans les clous »
« L’évolution progressive vers un système plus herbager peut s’envisager sans difficulté particulière, commente Amaël Samson, animateur au Cedapa. Cela demandera un peu de temps et d’adaptation car il faudra respecter le nombre de vaches l’hiver et maintenir la production laitière pour garder l’objectif de livrer 320 000 litres. Mais dans la simulation réalisée, la réduction des achats de concentrés améliore suffisamment la marge brute lait pour compenser largement la baisse des surfaces de cultures de vente (-5 ha). » L’étude table sur le maintien du volume vendu, avec 48 vaches à 6 800 litres, 11 hectares de maïs ensilage, et 30 ares de pâturage par vache. « Cette évolution implique d’acheter 10 tonnes de paille et d’accentuer le pic de vêlage au printemps. » Sur le dernier exercice comptable (31-03-2019), le coût alimentaire va baisser grâce à la fermeture du silo au printemps et à la réduction palpable des achats de correcteur azoté. « Dans un système herbager abouti, on peut espérer à terme passer sous les 100 grammes de concentré par litre de lait. »