« J’ai rebondi après avoir failli vendre ma ferme laitière »
Après le départ de ses trois associés, François Blot a choisi de reprendre seul leurs parts et a totalement révisé la stratégie de l’élevage pour s’en sortir. Pari réussi !
Après le départ de ses trois associés, François Blot a choisi de reprendre seul leurs parts et a totalement révisé la stratégie de l’élevage pour s’en sortir. Pari réussi !
« Quand j’ai présenté mon projet au banquier, il a failli tomber de sa chaise. L’exploitation perdait trois associés et 40 hectares, mais je voulais augmenter ma production laitière en passant en tout herbe et en bio. Mon projet était atypique, mais je suis tombé sur la bonne personne et la banque m’a suivi, plante François Blot, éleveur dans le nord Mayenne à Pré-en-Pail. Guillaume Baloche, conseiller chez PâtureSens, est l’autre rencontre qui m’a permis de rebondir. Il m’a apporté l’appui technique et les contacts pour acheter des vaches kiwis. »
Aujourd’hui, François Blot a réussi son pari avec un EBE de 190 000 euros pour une structure de 107 hectares et 1 million de litres de lait avec 200 vaches. Il emploie deux équivalents temps plein. « Mon objectif d’un EBE de 2 300 €/ha sera atteint quand tout mon troupeau sera en race kiwi. Car les vaches kiwis sont plus efficaces que les normandes : elles produisent autant en consommant 25 % de moins. »
Virage à 180 degrés vers un système tout herbe intensif
Mais revenons en arrière. Au début de cette aventure, en 2017. Après cinq ans passés dans un Gaec à quatre en conventionnel avec 150 vaches normandes, du maïs, 15 hectares de prairies et des cultures de vente, François Blot s’est trouvé confronté au départ de ses trois associés en quelques mois, sans raison relationnelle. La structure perd alors 40 hectares, repris par les propriétaires. Le Gaec avait récemment investi dans la stabulation et de la mise aux normes, mais la salle de traite était obsolète. Que faire ? Partir ou rester ?
« Si je restais, vu la charge financière avec la reprise des parts de mes ex-associés, je n’avais pas le choix ; il fallait que je maximise l’EBE. Le gros atout de la structure est d’avoir 75 hectares groupés et accessibles aux laitières sur les 107 hectares de SAU, avec une partie des parcelles plutôt séchantes, bien pour pâturer l’hiver, et d’autres à bon potentiel et exposées au Nord, bien pour résister en été. Je suis donc parti sur un système tout herbe et très pâturant, car c’est le plus économe. Mais intensif, avec 9 000 à 10 000 litres de lait par hectare, pour pouvoir dégager du résultat. Donc, avec de l’achat de concentré, mais sans fertilisation venant de l’extérieur étant donné le chargement élevé de ce type de système. Mon objectif n’est pas d’être 100 % autonome en alimentation car cela ne me permettrait pas de maximiser l’EBE. »
Déléguer l’élevage des génisses
François Blot anticipe aussi qu’il doit déléguer l’élevage des génisses par rapport à sa contrainte travail et bâtiment, et en lien avec sa volonté de produire un maximum de lait sur les 107 hectares. « Cela me coûte environ 1 100 euros par génisse (du sevrage à deux mois avant vêlage, transport compris), mais je ne pense pas que je ferais mieux en termes de rapport coût/qualité d’élevage. »
Sa stratégie arrêtée, l’éleveur décide de ne relever le défi qu’à condition d’obtenir un financement pour reprendre les parts de ses ex-associés, trouver une nouvelle salle de traite, obtenir de la laiterie des litrages en bio pour monter à plus de 900 000 litres et trouver un éleveur de génisses. « J’ai réussi à tout trouver ! » Il lui faut aussi compter l’investissement dans les prairies et chemins (60 000 €). Au total, la structure doit rembourser 140 000 euros par an.
Installer vite les prairies, chemins et réseau d’eau
Pour rentabiliser son projet, François Blot doit aller très vite pour faire prendre ce virage forcé à l’exploitation. « En deux à trois mois, les prairies ont été clôturées et semées, les chemins réalisés, le réseau d’eau et les bacs d’abreuvement posés. L’objectif est de pouvoir pâturer toute l’année dans les meilleures conditions pour les vaches et les prairies. »
Entre 500 et 1 000 kg de concentré par vache
Les kiwis sont complémentées avec « 500 à 1 000 kg de concentrés (du commerce à 15 % de MAT) par vache et par an, selon la quantité et la qualité de l’herbe. Le concentré ramène in fine au sol des éléments fertilisants ». Avec un chargement élevé (1,7 UGB/ha environ), l’éleveur n’a pas besoin d’apporter des fertilisants de l’extérieur. « Je suis au plafond des 170 kg d’azote organique par hectare. Je fais juste un chaulage tous les deux ans en amendement. »
Le rendement des prairies de ray-grass anglais et trèfle blanc est de 10 à 13 tMS/ha les bonnes années. La hausse du prix des aliments n’a pas remis en cause cette stratégie. « Le prix des concentrés bio a moins augmenté que celui en conventionnel. Cela reste complètement valable, surtout vu les prix des fertilisants et amendements extérieurs. »
Deux périodes de vêlage
Pour maximiser la rentabilité, François Blot doit valoriser l’herbe au maximum par le pâturage et minimiser les quantités récoltées. « Pour ce faire, je suis passé de vêlages étalés toute l’année à deux périodes de vêlages : une en février mars, et l’autre sur septembre et octobre. Ce changement permet aussi de mieux répartir le travail pour les deux salariés. »
François Blot insiste sur le fait que si ce système peut être très rentable, il n’en demeure pas moins exigeant, pour conduire l’herbe, ajuster le concentré et garder des vêlages groupés.
L’éleveur n’a pas fini de faire évoluer l’exploitation. Il prépare la mise en place d’un boviduc pour rendre 34 hectares accessibles aux vaches. Sa sœur prépare son installation, avec un projet de fromagerie. Ils reprennent de la surface et augmenteront le cheptel.
Chiffres clés
« J’aurais voulu passer plus vite en kiwi »
La génétique du troupeau a été adaptée via l’achat de 30 vaches kiwis venant d’Écosse, puis de veaux kiwis d’un éleveur français. « Aujourd’hui, le cheptel est moitié en normande et moitié en Kiwi. Le renouvellement est fait à partir des kiwis. Ainsi, d’ici trois ans, tout le troupeau sera en kiwi. » L’éleveur reconnaît que s’il avait pu, il aurait « adapté la génétique des animaux avant de les passer à une ration à plus faible potentiel ». Sur les normandes, l’éleveur fait un croisement viande hereford et angus et vend les veaux à 15 jours.