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Installation en élevage laitier : « Je n’aurais jamais pensé m’installer »

En système ultra-intensif dans le sud de la Manche, Jean-Michel Pichon a décidé de s’installer, en avril 2020, au hasard d'une opportunité. Trois conditions essentielles pour lui étaient réunies : être seul maître à bord, la robotisation de la traite et le cadre de vie pour sa famille. Performance technique, rentabilité et conditions de travail dictent désormais ses choix.

L’occasion fait le larron paraît-il. S’il y en a bien un en phase avec cet adage, c’est bien Jean-Michel Pichon. Technico-commercial dans l’alimentation du bétail depuis 13 ans, c’est à la sortie d’un rendez-vous chez Sylvie lui révélant vouloir céder l’exploitation laitière familiale qu’il a le déclic. De retour à la maison, il lance à sa femme : « et si j’achetais une ferme ? ».

Ni une ni deux, la décision est prise. La ferme se situe à une quinzaine de kilomètres d’où vit la petite famille, les commodités et les écoles ne sont pas loin et la maison d’habitation accolée à la ferme après rénovation sera parfaite pour y vivre. À 35 ans, il se lance alors dans l’aventure de l’élevage laitier. « En y pensant maintenant, je ne me serais pas vu dans une autre production ou faire seulement des cultures », explique-t-il.

Hors de question de s’installer sans robot

Pour le futur éleveur, les conditions de travail sont primordiales. Son installation, en avril 2020, sera concomitante avec la mise en place d’un robot de traite. « C’était ma condition. Je ne voulais pas m’installer coûte que coûte. Sans robot, c’était non. » Le pâturage est également arrêté pour, selon lui, simplifier l’organisation du travail au quotidien. Toujours dans cette optique, des racleurs d’occasion sont installés dans le bâtiment des génisses.

 

 
veux laitiers sur caillebotis
Après 10 jours et jusqu’à leur sevrage à deux mois, les veaux sont logés sur les caillebotis de l’ancienne aire d’attente. « Cela réduit considérablement le travail. Il n’y a pas de paillage ni de curage à réaliser. » © A. Juanchich

« J’ai 1h30 d’astreinte le matin et 30 minutes le soir. Je ne travaille pas plus le week-end », se félicite l’éleveur qui s’accorde deux semaines de vacances par an. Il fait alors recours au service de remplacement.

« J’aime la performance. Mon objectif c’est 50 kg de lait en 2030. Cela paraît fou mais j’y serai »

Le projet de reprise passe relativement facilement auprès des banques. Le plan d'entreprise est sérieux, la zone est laitière, les parcelles productives, les bâtiments bien agencés. Les terres, appartenant à la famille de la cédante, ne sont pas vendues. « À 12000 voire 15000 euros l’hectare, ce n’était de toute façon pas envisageable ! ». Il emprunte la totalité du montant de reprise qui s’élève à 570 000 euros. « Je ne voulais pas entamer notre capital privé », décrypte-t-il.

La performance avant tout

Les performances techniques et économiques voulues sont rapidement au rendez-vous. Ses vaches ont produit en moyenne 13000 litres de lait en 2022 avec seulement quatre mammites à traiter. L’âge au premier vêlage est de 23,8 mois. L’IVV de 389 jours. « Je suis très strict sur ces critères. » L’ensemble des génisses sont génotypées pour ne garder que celles qui correspondent à ses choix de sélection.

L’EBE s’est élevé à 139 000 € pour 70 000 € d’annuités. « Je me suis toujours versé un salaire. » Environ 2000 euros par mois. « Même si je gagne moins qu’avant, je ne regrette pas mon choix ! Curieusement, comme je gère mes horaires, c’est plus simple pour la vie de famille. »

Toujours et encore des projets

Le nouvel éleveur ne manque pas de projets. En 2021, il construit une grande fosse à lisier de 150m2 pour 50 000 euros. « L’ancienne fosse était déjà aux normes mais cela me permet d’avoir le confort de dix mois de stockage. Les annuités de la fosse sont payées par l’économie d’engrais que je réalise sur mes maïs que je peux désormais fertiliser avec mon lisier », explique-t-il.

 

 
bâtiment en cours de construction
Un hangar de stockage de 150m3 est en cours d’autoconstruction pour pouvoir acheter les concentrés de colza en benne de 30 tonnes en direct du port et réaliser des économies. © A. Juanchich

Un hangar de stockage de 150m3 est en cours d’autoconstruction pour pouvoir acheter les concentrés de colza en benne de 30 tonnes en direct du port et réaliser des économies. Les nouveaux matelas des logettes viennent juste d’être livrés. Objectif : en finir avec la corvée du paillage. Cela permettra également de vendre le surplus de paille produite sur l’exploitation.

L’année prochaine, un bâtiment de stockage sera recouvert de panneaux photovoltaïques pour autoconsommation. Un autre de 900 m2, autofinancé grâce à des panneaux photovoltaïques, sortira de terre. Son utilisation future n’est pas encore fixée. Peut-être servira-t-il à loger les génisses pour accueillir plus de vaches dans le bâtiment des laitières. Mais cela demanderait plus de travail, sûrement le recours au salariat, ce qui n’est pas le modèle voulu par Jean-Michel Pichon qui préfère conserver une exploitation viable pour une seule personne. Peut-être servira-t-il à loger les animaux à l’engraissement, ou à stocker des céréales. « Je ne sais pas dans cinq ans ce que je ferai. »

Manque de sécurisation du prix du lait

Une seule ombre au tableau : la politique de prix d'Isigny-Sainte-Mère. Lorsqu’il s’est installé, sa référence de 530 000 litres était un peu juste. Un ‘quota B’ illimité payé au prix spot lui permet de se développer. Il base son plan d’entreprise sur cette hypothèse. Mais en plein Covid, décision est prise pas le conseil d’administration de la coopérative de brider, dans son cas, les volumes à 130 % de la référence. Au-delà, les 1000 litres sont payés 200€. « Je m’étais fixé un objectif de 800 000 litres. Mais avec un prix aussi rédhibitoire, cela a complètement remis en cause ma stratégie. » Pour limiter sa production, il vend quelques animaux en lait et engraisse quelques génisses croisées viande pour compenser le manque à gagner.

En système Holstein zéro pâturage et très intensif, l’éleveur ne se sent pas totalement en phase avec la coopérative normande et veut changer de laiterie. « Cela m’a été refusé en avril mais je serais libre en 2025. » Lactalis et Savencia ne sont qu’à quelques kilomètres.

Côté éco

Coût de la reprise : 570 000 euros

240 000 € pour les bâtiments et le sous-sol et 2,5 hectares accolés

75 000 € pour le parc matériel

75 000€ d’achat du troupeau dans deux autres fermes

150 000 € robot

30 000 € de fonds de roulement

0 € de rachat de foncier

+ 38 000 € de part sociale pour l’adhésion à la coopérative Isigny-Saint-Mère

Aides reçues : 25000 € d’aide à la création ou à la reprise d’une entreprise (Acre) + 26 000 € de DJA

« Je n’ai pas repris le cheptel de la cédante »

Animé par l’envie d’une génétique de haut niveau, Jean-Michel Pichon voulait un troupeau à cette image. Il n’a pas souhaité reprendre le cheptel déjà présent sur la ferme. « Cela a été convenu avec la cédante. Tous ses animaux sont partis à l’abattoir avant mon arrivée », explique-t-il. Il achète alors 50 vaches prim'Holstein en lait et 15 génisses amouillantes dans deux autres fermes. Autre avantage : remettre à zéro les problèmes sanitaires que rencontrait la ferme reprise.

Fiche élevage

55 prim’Holstein à la traite

13000 litres par vache en moyenne en 2022

57 hectares dont 22 ha de céréales, 31 ha de maïs et 4 ha de bandes enherbées le long des rivières

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