Installation en élevage laitier : « J’ai complètement remanié le système de mon père »
Dans la Loire, Claude Detour s’est installé sur l’exploitation de son père à son départ en retraite. En s’associant sans s’agrandir, il a revu l’organisation du travail en la simplifiant pour pouvoir concilier rentabilité et vie personnelle.
Dans la Loire, Claude Detour s’est installé sur l’exploitation de son père à son départ en retraite. En s’associant sans s’agrandir, il a revu l’organisation du travail en la simplifiant pour pouvoir concilier rentabilité et vie personnelle.
« Mon père, c’était 70 vaches, un robot saturé, 570 000 litres de lait par an, 100 taurillons et des céréales, tout seul !, se souvient Claude Détour, éleveur laitier dans la Loire. Pour cette génération, la richesse se comptait au nombre de vaches mais il effectuait le travail de trois personnes. Je ne voulais pas reproduire ça et concilier mon travail avec une vie de famille. »
Après quelques années au contrôle laitier, qui lui ont permis d’observer « les fermes qui fonctionnaient et celles qui ne fonctionnaient pas », il décide finalement de s’installer sur l’exploitation de son père à son départ en retraite en 2012. Il a en tête de changer complètement le système pour ne pas en être esclave. « Il était hors de question que je m’installe seul. »
Première condition : s’associer
Son petit-cousin est de la partie. Les deux s’associent en Gaec avec une référence de 900 000 litres de lait en Bleu Blanc Cœur qu’ils n’atteindront pas. « Au-delà de 300 000 litres par UTH, un éleveur est la tête dans le guidon, estime l’éleveur. Peut-être en fin de carrière, mais donner plus de lait à un jeune, c’est lui mettre le couteau sous la gorge tant en termes de temps que d’investissement financier. »
Fiche élevage
58 prim’Holstein
700 000 litres
12 500l/VL/an
Rapidement, l’idée d’employer un salarié à temps plein émerge pour avoir moins la « tête dans le guidon ». C’est chose faite depuis quatre ans. « Depuis que nous sommes trois, cela fonctionne encore mieux, je passe plus de temps au bâtiment avec mes vaches pour pouvoir gérer immédiatement le moindre petit problème. » Chaque associé prend un week-end sur deux et se verse chacun 2 000 euros net par mois. Autre avantage de la nouvelle organisation : « Le soir à 19 h c’est fini et je peux passer du temps avec ma fille. »
Moins de vaches et plus de productivité
Pour simplifier le travail, le nombre de vaches est réduit pour ne pas saturer le robot déjà existant et réduire les problèmes sanitaires liés au surnombre. « Au-delà de 58 vaches, je commence à avoir des problèmes de boiterie et de mammites » Moins de vaches, c’est aussi une sélection plus drastique. Son mantra : une vache à cellules n’a rien à faire au robot.
« Finalement, avec moins de vaches, j’ai moins d’imprévus. Je produis autant grâce à une belle augmentation de la productivité avec plus de 12 000 litres par vache. Ici, rentabilité et gain de temps vont de pair. »
Maximiser le coproduit viande
Coincé entre trois routes, une voie ferrée et un terrain de foot, « j’aimerais bien voir les vaches dans les prés, mais nous ne pouvons pas avec notre parcellaire ». Alors les vaches restent en bâtiment dans la « partie intensive » de la ferme qui compte le robot et 30 hectares irrigables de maïs et ray-grass.
L’autre site « très extensif », à 5 kilomètres de là, en pente et principalement en prairie « était jusque-là sous-valorisé ». Il accueille désormais non plus des taurillons engraissés jusqu’à 2 ans mais des bœufs à l’engraissement et les génisses de renouvellement qui sont neuf mois de l’année au grand air. « En castrant et en engraissant nos veaux jusque 3 ans et 400 kg de carcasse, nous les vendons 2 000 euros chacun. Le cycle est plus long que pour les taurillons mais cela ne nous coûte rien car l’herbe n’aurait pas été pâturée sinon. »
Une cinquantaine d’hectares sont dédiés au blé sous label CRC (culture raisonnée contrôlée) qui permet à la ferme d’être autonome en paille. « Notre système est cohérent. Si on nous proposait dans hectares en plus, je ne suis pas sûr que nous les prendrions. Cela fonctionne très bien comme ça. »
Côté éco
Coût de la reprise : 600 000 euros à deux
150 000 euros pour le robot et le tank
150 000 euros pour le cheptel
50 000 euros de stock
250 000 euros de matériel
Pas de reprise de terre ni de bâtiments
« La location des bâtiments nous bloque »
Lors de la reprise, pour limiter les montants, les bâtiments n’ont pas été achetés. « À 300 000 euros, nous ne pouvions pas les payer, alors nous les louons à mon père pour 12 000 euros par an », explique Claude Detour, en froid avec ce dernier. S’il s’agissait là d’une aubaine pour que le dossier passe au niveau des banques, cela bloque désormais les perspectives d’évolution du Gaec. « Nous ne pouvons pas réaliser d’investissement et mon père ne souhaite pas encore vendre. » Outre le logement des vaches, un bâtiment de stockage au toit en amiante pourrait être converti aux photovoltaïques, mais impossible dans ces conditions. « Nous aurions peut-être dû négocier un crédit-bail. »