« Il faut tout faire pour éviter les gros repas »
Le recours à la caméra permet de dérouler le film alimentaire d’un troupeau sur 24 heures. Très pédagogiques, les images révèlent le comportement alimentaire. Le point avec Julien Gacon du Spel du Rhône.
Le recours à la caméra permet de dérouler le film alimentaire d’un troupeau sur 24 heures. Très pédagogiques, les images révèlent le comportement alimentaire. Le point avec Julien Gacon du Spel du Rhône.
Comment utilisez-vous la caméra ?
Qu’appelez-vous un gros repas ?
Qu’est-ce qui se passe alors dans la panse ?
Qu’est-ce qu’un film alimentaire équilibré ?
Faut-il nécessairement repousser les fourrages ?
Quelle quantité de refus faut-il viser ?
Attention au tri !
Repousser la ration, c’est bien, mais cela ne suffit pas ! Il faut veiller à limiter le tri. Sinon les vaches ingèrent d’abord un maximum de particules de moins de 19 mm, et se retrouvent 12 heures plus tard, avec une ration constituée principalement de particules longues. Ce qui crée un déséquilibre et pénalise l’ingestion. Il faut non seulement que la ration soit disponible tout le temps, mais aussi que chaque repas, chaque bouchée soit les plus homogènes possibles au fil de la journée. « Observez les animaux dans leur mouvement de préemption de la ration, conseille Patrice Dubois du Spel du Rhône. Quand une vache tire la langue, c’est qu’elle cherche de petites particules. Si le fourrage s’amoncelle en tas, ça veut dire qu’elles trient, contrairement à l’observation de « petits nids » creusés dans le fourrage. » Passer la ration au tamis donne un résultat normé. « L’objectif est viser 0 particule de plus de 40 mm à l’auge. Au-delà, les vaches trient. »
« La caméra a changé notre manière d’alimenter le troupeau »
Au Gaec Chez Palot dans le Rhône, la caméra a mis en lumière un manque d’accès à la ration la nuit.
« Nous avons fait fausse route pendant des années, reconnaît Mikaël Gonin, installé en Gaec avec son frère Alexandre, à Amplepuis. Le matin, on était content de voir que toutes les vaches se lever pour venir à l’auge. On pensait que c’était bon signe. Signe qu’elles étaient en forme et prêtes à manger pour faire du lait ! En fait, si elles se précipitaient à l’auge, c’est parce qu’elles avaient le ventre vide depuis des heures ! » Aujourd’hui, les 110 Montbéliardes à 8 000 kg de moyenne ne se précipitent plus vers la table d’alimentation dès qu’elles entendent la mélangeuse démarrer le matin. « Le fait de pouvoir filmer avec une caméra ce qui se passe dans le troupeau pendant 24 heures nous a ouvert les yeux, témoignent les éleveurs. Les scènes de nuit sont particulièrement marquantes. L’agitation du troupeau nous a particulièrement frappés. La nuit, il y a des vaches couchées, mais aussi beaucoup de vaches assez nerveuses qui se déplacent, et d’autres qui stagnent debout dans les couloirs. » Autre fait surprenant : plus aucune vache ne se présente au cornadis à partir de 22 h… Et pour cause, il ne reste qu’un mince filet de fourrage, hors d’atteinte. Pourtant, la ration était repoussée à 19h30. « On était loin d’imaginer ça ! On savait que la ration n’était pas forcément distribuée à volonté à l’auge (19,5 kg MS) mais on ne se doutait pas que les vaches restaient dix heures sans manger ! »
L’observation des vaches de nuit est très instructive
« La manière dont les vaches trient la ration nous a aussi sautés aux yeux. Elles poussent les cornadis avec les épaules et reportent toute leur charge sur les pattes arrière, ce qui sollicite fortement leurs aplombs. »
Avec l’appui du Spel, le Gaec a aussi testé et filmé deux autres modalités de distribution pendant une semaine chacune : le soir à 17 h (avec quatre repousses manuelles) et le matin avec huit repousses effectuées par un robot repousse-fourrages. C’est cette dernière modalité qui a permis de mieux répartir la prise alimentaire au fil de la journée (cf. infographie). Suite à l’essai, les éleveurs ont d’ailleurs décidé d’investir dans cet équipement (14 000 €). « Le troupeau est désormais plus calme. Nous n’observons plus l’effet « vaches affamées » le matin. Après la traite, elles vont se coucher. On en voit beaucoup moins qui restent debout, et s’il y en a une, c’est pour une bonne raison (chaleurs, etc.). » Les éleveurs ne relèvent pas de mouvement massif vers l’auge quand le robot passe. « C’était ma crainte, mais finalement, les vaches n’y prêtent pas vraiment attention. »
Trois modalités de distribution ont été testées
Modalité 1 : Distribution le matin
Près de la moitié la ration consommée en 5 heures
Modalité 2 : Distribution le soir
70 % de la ration consommée en 14 heures
Modalité 3 : Distribution le matin et 8 repousses/j (robot repousse-fourrage)
Une prise alimentaire plus régulière sur 24 heures
Le Gaec a testé trois modalités de distribution pendant une semaine chacune, avec une ration semi-complète à base d’ensilage de maïs, d’herbe et de foin. Celle-ci n’était pas distribuée à volonté (19,5 kg MS à l’auge, hors DAC). Il n’y a pas eu de différence en termes d’ingestion et de production laitière entre les trois modalités. Ceci dit, avec la modalité avec huit repousses, le Gaec est passé sur un ensilage d’herbe de 2e coupe, donc de moins bonne valeur. La production aurait dû baisser mais elle s’est pourtant maintenue. Il y a sûrement eu un gain mais difficilement chiffrable. Par contre, ce qui est sûr, c’est que l’ingestion a été mieux répartie avec cette modalité. On observe un meilleur film alimentaire à la caméra, et des cycles de vie mieux respectés avec moins de vaches statiques dans les couloirs et des animaux plus calmes. Les ingestions sont également moins rapides et moins par à-coups. Ce constat se retrouve aussi avec la modalité de distribution le soir.