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«Il faut comprendre le comportement des bovins»

Gilles Thomas, formateur en contention et manipulation à l’Institut de l’élevage, incite à prévoir des solutions de contention dès la conception des bâtiments. Les équipements, mais aussi la prise en compte du comportement des bovins sont importants.

* Pourquoi est-il essentiel de réfléchir aux moyens de contention ?

Gilles Thomas - « En l’absence de moyens de contention adaptés, les manipulations sur les bovins peuvent être source de pénibilité et parfois d’accidents. Cela peut aussi nuire au bien-être animal. Il faut donc y réfléchir dès la conception d’un bâtiment et à chaque aménagement. Tout dépend de l’espace et des locaux dont on dispose. La relation homme-animal sur l’élevage est également essentielle. Dans tous les cas, il faut agir dans le calme, sans violence et rassurer l’animal. »

* Comment la vache perçoit-elle son environnement ?

G. T. - « Alors qu’à l’origine l’homme est un prédateur, les bovins sont des proies. Leur vision est très différente de la nôtre et impacte largement leur perception de l’environnement et donc leurs réactions. Une vache associe une vision binoculaire sur le devant, sur un angle de 20 à 50°, et une vision monoculaire sur les côtés. Au final, elle a une vision panoramique sur 330°-360°. Et parce qu’elle a les yeux sur les côtés de la tête, elle a un instinct de fuite sur les côtés. Quand elle voit une possibilité de partir à droite ou à gauche, elle le fait. Pour cette raison, il est important par exemple de mettre des parois pleines à certains endroits si on veut la faire avancer tout droit. »

* La lumière, les couleurs sont-elles importantes ?

G. T. - « L’œil des bovins est très sensible à l’éblouissement. Une vache met cinq fois plus de temps que nous à s’adapter quand la lumière change. Par exemple, au chargement dans un camion, il faut éviter de la sortir d’une zone d’ombre directement dans la lumière. Tout ce qui est brillant, clair, réfléchissant, tend aussi à la repousser. Il faut en tenir compte dans le choix des emplacements, utiliser des matériaux qui ne réfléchissent pas la lumière, éviter le galvanisé qui brille, mettre de la paille au sol et éviter les couleurs trop claires dans les tenues des intervenants. L’orientation face au soleil est également déconseillée quand on fait une intervention, pour faire avancer une vache ou lorsqu’on conçoit un quai d’embarquement.

Attention aussi à ce qui crée une alternance ombre et lumière, qui peut avoir le même effet qu’un passage canadien et bloquer l’animal. Par ailleurs, une vache décompose les mouvements en une série d’images. Il faut donc faire des mouvements lents si on veut qu’elle accepte la manipulation, mais des mouvements rapides si on veut l’arrêter. »

* Quelles autres caractéristiques sont à prendre en compte ?

G. T. - « La vache a un odorat très sensible. Les odeurs inconnues des intervenants extérieurs l’inquiètent. Elle détecte aussi les phéromones de stress émises par ses congénères ou par l’intervenant. Et elle s’affole quand il y a des sons aigus, secs. Mettre par exemple des amortisseurs en caoutchouc sur une barrière qui claque amène du confort dans les manipulations. Un autre point essentiel est la grégarité des bovins. Les vaches ont des relations sociales et une hiérarchie dont il faut tenir compte. Elles sont plus calmes quand elles sont en groupe. Si on veut déplacer une vache, il peut être plus facile d’en déplacer deux ou trois. »

* Quels équipements de contention préconisez-vous ?

 

 
Des stalles dédiées à l’insémination peuvent permettre d’isoler les animaux et d’intervenir en sécurité.
Des stalles dédiées à l’insémination peuvent permettre d’isoler les animaux et d’intervenir en sécurité. © G. Thomas
G. T. - « Il faut prévoir plus que des cornadis, notamment avec les tailles d’élevage qui augmentent. Les cornadis ont été initialement conçus pour bloquer l’animal pour l’alimentation, pas pour la contention. On peut faire certaines manipulations avec, mais il faut rester prudent, notamment quand on intervient par l’arrière, pour les inséminations par exemple, car la vache n’est pas complètement immobilisée. En cas de chute, elle peut aussi s’étrangler. La présence d’autres animaux autour entraîne également des risques. Le mieux est de prévoir un box d’intervention pour isoler l’animal, avec un système de contention permettant d’intervenir seul en toute sécurité. Ce box doit être près du lieu de vie des animaux, avec un accès direct de la stabulation afin qu'elle puisse voir ses congénères. Un box dans la stabulation limite aussi les trajets et le nombre de barrières à ouvrir et fermer. Il faut prévoir une porte de contention qui bloque la tête de l’animal et une barrière qui revienne vers le flanc et le contienne de façon latérale. Le mieux est de pouvoir intervenir des deux côtés. Pour les inséminations, il peut être intéressant de prévoir des logettes dédiées, à part, avec des cornadis et un blocage à l’arrière qui protège des coups de patte. »

 

* Que faut-il prévoir pour les vêlages ?

G. T. - « Il est préférable d’avoir un lieu dédié et adapté pour les vêlages. Il faut que les vaches soient au calme et qu’elles voient d’autres animaux. Éventuellement, le box de vêlage peut être situé dans la stabulation des vaches taries, près de l’aire paillée servant à la préparation aux vêlages. Les vêlages perturberont moins le troupeau des vaches laitières. Il faut aussi que les conditions d’hygiène soient satisfaisantes. »

* Et pour l’embarquement des animaux ?

G. T. - « Avec 30 % de renouvellement en moyenne, cela représente beaucoup de vaches à charger. Et le chargement est un facteur de stress, d’autant que la vache n’y est pas habituée. Il faut garantir la sécurité et le bien-être des animaux et de l’éleveur. Selon la taille de l’élevage, on peut prévoir un couloir, une case, un quai de chargement. Pour que l’animal ne puisse pas se retourner dans un couloir, il faut une largeur de 75 cm pour des bovins adultes, de 40-50 cm pour des veaux de moins de six mois. Un rai de lumière dans le camion peut affoler la vache. Il faut aussi qu’elle ne voit pas d’autres points de fuite que le camion, en mettant des parois pleines sur le quai ou en bloquant la vue avec un tracteur positionné en coté du pont du camion par exemple. Du fait de sa vision monoculaire, la vache aime tourner sur le côté. Le mieux est donc que le camion se gare en angle par rapport au bout du couloir ou à la porte de sortie du bâtiment. Les transporteurs sont formés à cela. Attention aussi aux bruits des barrières et du pont. Si le pont est instable, la vache peut prendre peur au premier pas. Il faut aussi que la pente ne soit pas trop importante. Une bonne solution est de transférer auparavant la vache dans la bétaillère de l’élevage puis de positionner les deux bétaillères porte à porte. »

* Faut-il prévoir des équipements de contention à l’extérieur ?

G. T. - « Si les génisses restent au pâturage loin du siège d’exploitation, il est nécessaire d’y prévoir un parc de contention, qui peut servir pour les vermifugations, les chargements et déchargements… Il peut s’agir d’un parc fixe ou d’un système mobile constitué d’un couloir et de barrières permettant de constituer un parc de regroupement à l’entrée du couloir. Si le système est mobile, il peut éventuellement être acquis en collectif. »

* Y a-t-il des précautions particulières à prendre avec les génisses ?

G. T. - « Les génisses sont des animaux jeunes, plus vifs, souvent moins habitués à l’homme et donc à être manipulés. Leurs réactions sont plus imprévisibles. Leur contention au cornadis n’est pas suffisante. L’idéal est d’avoir un couloir avec une porte de contention et un système anti-recul, pour la prophylaxie, les interventions du vétérinaires, les inséminations, qui restent un moment où il y a le plus d’accidents. Les cornadis peuvent convenir pour les inséminations, mais un couloir de contention permet de faire toutes les interventions plus tranquillement. Sur les gros élevages, si les génisses sont sur le même site que les vaches laitières, il y a aussi la possibilité d’amener les génisses sur l’espace de contention des vaches et d’utiliser des logettes dédiées pour les inséminations des génisses. »

Les erreurs à éviter

 

 
Situés en vue du reste du troupeau, les deux box d’intervention donnent accès à une contention individuelle.
Situés en vue du reste du troupeau, les deux box d’intervention donnent accès à une contention individuelle. © G. Thomas
* Ne pas prévoir de solutions de contention lors de la conception du bâtiment. Une fois le bâtiment construit, il est parfois trop tard, car les moyens de contention sont souvent liés à la circulation des animaux au sein du bâtiment et entre les différentes zones de l’élevage.

 

* Agir dans la précipitation quand on utilise du matériel de contention. Il faut d'abord avoir fait le tour des équipements pour vérifier que tout est prêt, qu’il n’y a pas d’obstacles ou d’objets qui traînent qui pourraient blesser ou effrayer l’animal.

* Positionner l’entrée des animaux en direct au bout d’un couloir. L’erreur type est un entonnoir qui débouche sur un couloir. Les animaux vont se bloquer, ce qui oblige à les pousser, avec des risques d’accident. Il faut que l’animal entre dans le couloir par une entrée latérale à celui-ci, en utilisant son instinct de fuite.

* Charger une vache dans un camion directement depuis son aire de vie. Elle va alors résister à la séparation avec le groupe. Il vaut mieux la séparer un peu avant l’arrivée du transporteur, la mettre dans un lieu différent comme une autre case, un parc de contention, la bétaillère de l’élevage. Comme ce lieu n’est pas son lieu de vie habituel, elle aura l’instinct d’en sortir. Il faut utiliser cet instinct pour le chargement.

* Faire des interventions pendant la traite ! La traite doit rester un moment rassurant.

Le saviez-vous ?

L’Institut de l’élevage a développé depuis plusieurs années un réseau de formateurs en manipulation et contention au sein des chambres d’agriculture, GDS, contrôles de performance… Ces formateurs peuvent conseiller les éleveurs dans la conception des espaces et équipements de contention, le choix des matériels, les règles à respecter pour assurer la sécurité des éleveurs et des intervenants et le bien-être animal.

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