Gagnez en performance en échangeant des parcelles !
L’échange parcellaire permet de gagner en performance économique, en qualité de travail tout en réduisant l’impact sur l’environnement. Démonstration avec l’échange de la commune du Bignon en Loire-Atlantique, grâce à une étude de la chambre d’agriculture des Pays de la Loire.
L’échange parcellaire permet de gagner en performance économique, en qualité de travail tout en réduisant l’impact sur l’environnement. Démonstration avec l’échange de la commune du Bignon en Loire-Atlantique, grâce à une étude de la chambre d’agriculture des Pays de la Loire.
« En Loire-Atlantique, 80 % des surfaces exploitées sont en fermage, explique Sylvie Guillo, chargée de mission foncier à la chambre d’agriculture des Pays de la Loire. Les aménagements fonciers, qui s’adressent aux propriétaires, sont donc peu adaptés pour répondre aux attentes des éleveurs. En 2011, après un diagnostic montrant que le parcellaire était très dispersé sur la commune du Bignon, une réflexion a donc été engagée sur un échange parcellaire. » Onze exploitations étaient concernées, la dispersion du parcellaire entraînant de nombreux déplacements et limitant l’accès au pâturage. La mairie était aussi intéressée pour réduire les traversées de bourg par les engins agricoles. Au final, huit exploitations, dont cinq laitières, se sont engagées dans l’échange. La démarche étant expérimentale, un financement a été apporté par le conseil départemental pour un accompagnement par la chambre d’agriculture.
Que chacun y trouve des avantages
La première étape a été d’identifier sur une carte les surfaces exploitées par chaque structure. Ont suivi de nombreuses réunions pour envisager les échanges possibles. Un logiciel a alors été mis au point sous QGis (un logiciel de cartographie libre) par la chambre d’agriculture des Pays de la Loire ; une version nationale est en cours de développement. Il a permis de tester plus facilement différents scénarios, un échange parcellaire à huit exploitations offrant d’infinies possibilités. La mobilisation des agriculteurs a été essentielle. « L’échange parcellaire est un échange de baux, précise Sylvie Guillo. Chaque exploitant doit rencontrer tous ses propriétaires et leur expliquer la démarche. Les propriétaires ne sont pas toujours d’accord au départ pour changer de fermier, les relations étant parfois établies depuis longtemps et par méconnaissance du nouveau locataire. Le bail peut également être modifié lors de l’échange, ce qui peut être un frein pour le nouveau fermier. Il y a aussi des terres de qualités différentes, certaines drainées ou irrigables et d’autres non, des prairies avec des clôtures neuves, des prairies sans bail… Le but toutefois n’est pas d’échanger d’égal à égal, mais que chacun y trouve des avantages aux plans économique, du travail et de l’environnement. »
Au final, la démarche a abouti en 2015 à l’échange de 175 hectares. Pour prouver l’intérêt de ce type de démarche pour les exploitations et les territoires, une étude cofinancée par l’Ademe a été engagée en 2018 par la chambre d’agriculture pour chiffrer les impacts environnementaux de l’échange. « L’environnement n’était pas le sujet de départ de l’échange, précise Anne-Sophie Boileau, chargée de mission économie circulaire-climat à la chambre d’agriculture. La motivation principale des agriculteurs était de faciliter le travail au quotidien et d’avoir accès à plus de pâturage, pour ne pas avoir à acheter et transporter des aliments. Le pâturage est toutefois un des principaux leviers pour réduire l’impact carbone du lait. »
La performance environnementale améliorée
L’étude a été menée sur cinq exploitations laitières ayant échangé 146,5 hectares. Entre la période avant l’échange et la période après, la production de lait totale des exploitations a augmenté de près de 500 000 litres, avec 62 ha de prairies accessibles au pâturage de plus et 30 ha supplémentaires de prairies temporaires et permanentes. Le linéaire de haies a augmenté et les consommations de fioul, engrais et aliments achetés ont diminué. Au final, à l’échelle du territoire, la consommation d’énergie a diminué de l’équivalent de 19 000 litres de fioul, les émissions de CO2 de l’équivalent de 630 000 kilomètres en voiture, et le stockage carbone a augmenté de l’équivalent de 12 tonnes de bois sec !
« L’échange parcellaire a permis d’augmenter les parcelles accessibles au pâturage et a encouragé une stratégie globale de diminution des intrants, résume Anne-Sophie Boileau. Deux exploitations ayant ainsi accès à plus de pâturage ont pu se convertir au bio. Et globalement, il y a aujourd’hui plus de lait produit avec un moindre impact carbone, moins de transport d’animaux et d’eau, des charges en intrants et de mécanisation en baisse, plus de biodiversité et une qualité de l’eau moins impactée. Les éleveurs ont aussi plus de souplesse dans l’organisation du travail et une meilleure qualité de vie. Enfin le paysage est amélioré avec plus de prairies et plus de haies. L’échange parcellaire se traduit donc par plus de performance économique et environnementale. »
Se caler au niveau juridique
Dans certains cas, à la demande de propriétaires, les exploitants ont choisi de faire des échanges de culture plutôt que de baux. « C’est alors toujours le même exploitant qui paie le fermage, détaille Sylvie Guillo. Il y a simplement échange de jouissance. Cet échange est écrit dans un acte signé par les trois personnes concernées, pour que tout soit transparent, par exemple lors des transmissions d’exploitation." Trois exploitations étant en bio au départ, des échanges ont aussi eu lieu entre des terres converties à la bio et d’autre non. « Les organismes certificateurs accordent en général un pourcentage de tolérance pour exploiter des terres en conversion, pour permettre aux exploitants bio de s’agrandir. Au Bignon, 50 hectares se sont échangés sur deux ans pour ne pas dépasser le seuil de tolérance. De même, les exploitants n’ont pas à rembourser les aides spécifiques bio qu’ils ont perçues pour les surfaces échangées. Il y a ainsi plusieurs points juridiques à examiner. Le principal pour que l’échange se passe bien est cependant l’aspect humain. »
Chiffres clés
Avis d’éleveur : Pascal Hégron, installé en Loire-Atlantique
« 18 hectares pâturables de plus »
« L’idée de l’échange est née du constat que nous nous croisions beaucoup sur les routes entre éleveurs ! Nous ne savions pas comment procéder et avons sollicité l’appui de la chambre d’agriculture et du financement. Nous avons rédigé une charte pour établir comment faire les échanges, ce qu’on pouvait refuser, jusqu’où on pouvait aller. Nous ne voulions pas que cela nuise à l’entente entre éleveurs. En deux ans, dans le cadre de réunions collectives, nous avons échangé 60 ha. Il a fallu des rencontres individuelles et beaucoup de discussions pour que les choses avancent vraiment. Le logiciel mis au point en 2013 nous a aussi aidés. Pour le Gaec de la Monnerie, dans lequel nous sommes quatre associés pour 200 vaches et 250 ha, l’échange a porté sur 55 ha et a permis de gagner 18 ha pâturables pour les vaches laitières. Certaines terres étaient drainées et d’autres non, et sur 10 ha, l’ancien exploitant a payé le drainage. Il y a deux ans, nous avons aussi fait un boviduc. Entre l’échange et ce boviduc, nous avons gagné un mois de pâturage. Nous utilisons moins l’autochargeuse qui servait à l’affourragement en vert, ce qui signifie moins de temps passé, notamment le week-end, moins de carburant, et moins d’usure du matériel. »