Aller au contenu principal

Fourrages : malgré la hausse des charges en carburant, la fauche précoce reste d’actualité

Les charges en carburant à la hausse (+50 % sur l’année 2022) interrogent sur l’intérêt économique de maintenir la fauche précoce de l’herbe. Celle-ci représente des frais de récolte supplémentaires estimés à 275 euros par hectare. Malgré tout, qualité rime avec rentabilité.

Des fauches précoces assurent des NDF plus faibles, la densité énergétique est donc meilleure.
Des fauches précoces assurent des NDF plus faibles, la densité énergétique est donc meilleure.
© L. Georges

« Il faut raisonner marge », prévient Mathilde Enjalbert, conseillère et responsable économique et production chez Elvup. « Pour un troupeau de 75 vaches laitières, la fauche précoce représente un gain de 2 500 euros de marge en comparaison avec une fauche classique, indique Pascal Le Cœur, responsable de la ferme de Trévarez, station expérimentale lait des chambres d’agriculture de Bretagne. Une partie du gain réalisé par la hausse du prix du lait permet de compenser, en partie, l’augmentation des charges liées au carburant et de réaliser ce résultat économique. »

Plus de performance, plus de marge

En 2015, la chambre d’agriculture de Normandie a réalisé une étude économique sur le montant des charges en carburant lors de la récolte de fourrage. En extrapolant les données, avec le coût actuel du GNR (1,35 €/l en février 2023), ces charges s’élèvent à 6,60 €/t MS dans le cas d’une coupe tardive d’une prairie temporaire avec un potentiel estimé de 5 t MS/ha. Dans un scénario à deux coupes précoces de 2,5 t MS/ha chacune, ce montant représente 12,30 €/t MS.

« Pour un même rendement, si nous nous basons uniquement sur ces chiffres, il s’avère plus judicieux et plus rentable de ne réaliser qu’un seul chantier d’ensilage, remarque Mathilde Enjalbert. Or, il faut considérer la qualité du fourrage pour trouver le meilleur compromis : produire du rendement ou de la protéine. »

Un fourrage récolté en deux coupes contient, en moyenne, 16 % de MAT par kilo de matière sèche et 0,95 UFL (soit 4 700 UFL/ha et 800 kg MAT/ha) contre 11 % de MAT par kilo de matière sèche et 0,8 UFL/kg MS (soit 4 000 UFL/ha et 550 kg MAT/ha) dans le cas d’une seule coupe réalisée au stade début à pleine épiaison.

Avantage pour la stratégie deux coupes

Au-delà de la MAT et des UF, dans la plupart des cas, des fauches précoces assurent des NDF(1) plus faibles. Ce qui est synonyme d’un fourrage moins encombrant, d’une meilleure ingestion et donc indirectement d’une meilleure performance laitière. En élevage conventionnel avec une ration à dominante maïs, les expérimentations réalisées sur le site de la ferme de Trévarez montrent que la fauche précoce agit sur la performance animale (+2 kg de lait par jour par vache laitière).

« Pour obtenir une qualité équivalente et une même valeur alimentaire, il faut compléter le fourrage récolté en une fois avec des concentrés, pour compléter à la fois l’azote et l’énergie manquante, explique Mathilde Enjalbert. Cet apport complémentaire coûte environ 325 euros par hectare (février 2023). »

Ce surcoût est finalement supérieur à celui généré par une récolte supplémentaire, estimée à 275 euros par hectare (d’après le barème BCMA de 2022, différentiel entre une et deux coupes). Malgré le prix élevé actuel du GNR, l’avantage final revient à la stratégie deux coupes. « Le choix de réaliser une ou plusieurs coupes dépend aussi de la situation de trésorerie de l’éleveur, de sa couverture en azote et en matières premières, de l’état de son stock fourrager et du scénario météo à venir », rappelle Mathilde Enjalbert.

(1) NDF : le Neutral Detergent Fiber (en g/kg MS) correspond à la fibre totale. Plus la teneur en NDF est
élevée, plus l’aliment est fibreux, et moins il sera consommé par l’animal.

Avis d'éleveurs : Lucie et Olivier Georges, Gaec Lait heureux, à Perche en Nocé (61), 125 vaches laitières prim’Holstein, 105 ha de cultures dont 20 ha de prairies temporaires (ray-grass italien et trèfle incarnat)

« Nous privilégions un fourrage de qualité sans pour autant occulter les charges »

 

 
« Même avec des charges en carburant plus élevées, nous privilégions la fauche précoce. Nos vaches sont en bonne santé et plus productives. »
« Même avec des charges en carburant plus élevées, nous privilégions la fauche précoce. Nos vaches sont en bonne santé et plus productives. » © L. Georges

« Sur notre exploitation, nous cherchons à maximiser notre production de lait, d’autant plus que nous n’avons qu’une petite surface de cultures. Nous privilégions la qualité de l’alimentation de nos vaches que nous obtenons grâce à la fauche précoce de l’herbe. Nous considérons qu’une récolte plus tardive et moins qualitative a plus de répercussions économiques sur notre système que la hausse du carburant. Une herbe de mauvaise qualité, même complémentée avec le meilleur concentré du marché, n’aura jamais les mêmes performances qu’un fourrage qualitatif.

Aux alentours du 20 août, nous avons implanté des prairies derrière du blé. Une première coupe a été réalisée à l’automne. Nous avons récolté un fourrage de qualité de 2,5 t]]>MS/ha. La coupe réalisée au 1er février nous a permis de récolter 1,5 t MS/ha à 35 % de matière sèche. Jusqu’à la fin juin, nous maintenons une cadence de fauche toutes les cinq à six semaines pour constituer notre stock. Tout ce qui est récolté ensuite n’est que du bonus. Nous adhérons à une Cuma, ce qui nous permet d’avoir du matériel performant, notamment l’ensileuse. Nos coûts de récolte sont plus limités et nous avons davantage de souplesse dans l’organisation des chantiers de fauche. »

Privilégier la fauche précoce pendant la pousse

 

 
Fourrages : malgré la hausse des charges en carburant, la fauche précoce reste d’actualité

 

« Les fauches précoces n’ont d’intérêt que si elles sont effectuées avant l'épiaison de l'herbe, prévient Pascal Le Cœur, responsable de la ferme expérimentale de Trévarez. Durant cette phase, la plante est en capacité de produire 2,5 à 3 t]]>MS/ha/coupe et de repousser en 30 à 35 jours, à condition qu’il pleuve. En été, l’herbe a tendance à moins produire de rendement, parfois 1 t]]>MS/ha. Dans ces conditions et avec le niveau actuel des charges, ces petites coupes ne sont pas assez productives pour nourrir le troupeau et ne sont plus économiquement rentables. »

Les plus lus

<em class="placeholder">Nicolas Legentil, éleveur normand et co-président de l’AOP FMB Grand Ouest et Normandie</em>
« J’ai deux acheteurs, Lactalis et Savencia, deux tanks mais seul le camion Eurial me collecte dans le Calvados »

Bloqué dans son développement par un contrat avec Lactalis pénalisant tout dépassement, Nicolas Legentil, éleveur laitier dans…

<em class="placeholder">Bertrand et Hervé Lecaplain,entourés de Romain Gaslard et Benjamin Gramont : « Nous avons voulu que la transmission se fasse dans un esprit gagnant-gagnant, aussi bien ...</em>
« Notre envie de transmettre notre élevage laitier à des jeunes nous mène depuis dix ans »

Au Gaec de la Rihouerie, dans la Manche, la transmission de l’exploitation à des tiers a été savamment anticipée. Un projet de…

<em class="placeholder">Alice Nothhelfer, vétérinaire consultante</em>
Abreuvement : « Le manque d’eau freine la production dans neuf élevages sur dix »
L’incidence d’un apport d’eau insuffisant sur les performances et la santé des vaches reste souvent peu palpable en élevage.…
<em class="placeholder">Jean Mollon, éleveur, et Anthony Plantard, salarié </em>
Attractivité : quand les laiteries aident les éleveurs à partir en vacances

Les laiteries basques Etxaldia et Onetik ont constitué des groupements d’employeurs et aident financièrement une soixantaine…

<em class="placeholder">salle de traite</em>
Temps de travail : des semaines de 50 heures pour les élevages laitiers en moyenne en Bretagne

Dans une étude sur le temps de travail, des systèmes laitiers conventionnels et biologiques bretons ont été analysés sous l’…

<em class="placeholder">éleveurs laitiers dans une stabulation </em>
« La création d’un GFA a permis de limiter le coût de l’installation d’un hors-cadre familial »

Le Gaec de Taute dans la Manche s’est fait accompagner en termes financier et juridique pour transmettre l'exploitation et…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 96€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Réussir lait
Profitez de l’ensemble des cotations de la filière Réussir lait
Consultez les revues Réussir lait au format numérique, sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce aux newsletters de la filière laitière