[Herbe] « Je délègue les ensilages tout en restant très vigilant »
À la SCEA des Rives d’Or, dans l’Orne, le chantier d’ensilage délégué en grande partie à une Cuma est suivi de près. Avec 270 vaches à 10 000 kg, la qualité du fourrage est primordiale pour ne pas diluer la ration.
À la SCEA des Rives d’Or, dans l’Orne, le chantier d’ensilage délégué en grande partie à une Cuma est suivi de près. Avec 270 vaches à 10 000 kg, la qualité du fourrage est primordiale pour ne pas diluer la ration.
De ses origines luxembourgeoises, Luc Sassel a hérité son sens de la culture de l’herbe. « Au Luxembourg, 65 % de la SAU est en prairie permanente », souligne le gérant de la SCEA des Rives d’Or, à Rives-d’Andaine dans l’Orne. Une culture qu’il a approfondie lorsqu’il était conseiller agricole dans son pays d’origine et lors de stages réalisés en Allemagne du Nord. De cette expérience, il en a tiré deux conclusions : faire pâturer des vaches à 10 000 kg et récolter de l’herbe, c’est économiquement intéressant à condition d’être très rigoureux sur la façon de les conduire.
Avec 85 hectares de prairies dont 68 hectares destinées au pâturage, l’herbe occupe une bonne moitié de la SAU. Les 80 hectares restants sont destinés à l’ensilage de maïs (13 t MS/ha). L’éleveur incorpore dans la ration hivernale de ses vaches de l’ensilage d’herbe issu de dérobées (57 ha), de prairie temporaires (11 ha) à base de RGA diploïde (20 kg/ha), trèfle violet (5 kg/ha) et trèfle blanc (5 kg/ha d’un mélange de trèfle nain, intermédiaire et géant). Six hectares de prairies permanentes sont également ensilés.
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« Je leur en distribue en moyenne 3 kg de matière sèche par jour en complément de l’ensilage de maïs pour apporter de la structure et diversifier la ration sans la diluer. D’où la nécessité de produire un bon ensilage d’herbe. » L’ensilage de dérobées est rendu possible grâce à un échange annuel de parcelles avec un voisin. Luc Sassel a ainsi pu en semer 36 hectares après des céréales en 2020. « J’ai semé 30 kg/ha d’un mélange à base de ray-grass d’Italie (50 %), de vesce velue (25 %) et de trèfle incarnat (25 %) autour du 15 août dans des conditions séchantes. » Il a également semé 21 hectares de RGI alternatif diploïde (30 kg/ha) derrière un maïs.
Sa stratégie est claire : produire un ensilage de qualité sans pénaliser le rendement : 2 à 2,5 t MS/ha en moyenne par coupe quand il faisait deux coupes au printemps. Le taux de matière sèche oscille entre 30 % et 35 % au printemps. Les analyses réalisées depuis 2018 révèlent des valeurs alimentaires variant entre 0,82 à 0,91 pour les UFL et 16 à 18 % pour les MAT avec un record l’année dernière à 21,5 % pour une première coupe réalisée le 23 mars. Ces valeurs s’expliquent en partie par une fertilisation poussée et adaptée à chaque type de mélange.
La fauche précoce contribue également à la qualité du fourrage. « La fauche d’herbe au stade début épiaison, à l’exception de quelques pâtures que je débraye pour faire de l’enrubannage, cela n’existe pas ici », assure Luc Sassel.
Hauteur de coupe vérifiée le matin et l’après-midi
La maîtrise de toute la chaîne de récolte est une priorité. Pour y parvenir, l’éleveur délègue une grande partie des travaux à sa Cuma et supervise de très près les chantiers. « Je suis très exigeant notamment sur le réglage de la hauteur de la fauche. Je délègue la fauche et l’ensilage à la Cuma et cela se passe très bien. Il n’y a que cinq chauffeurs et on les connaît bien. Cela permet de personnaliser le chantier. Mais je passe plus de temps à surveiller que tout se passe bien et au téléphone que sur un tracteur. »
Luc Sassel admet que la délégation représente une grosse facture. Mais elle lui permet de limiter ses propres investissements et de bénéficier de matériels récents et performants. Cette stratégie est rentable, assure-t-il. La qualité des ensilages et les données comptables lui donnent raison. « Mes charges de mécanisation représentent 20 % du produit brut contre 22 % pour la moyenne du groupe d’éleveurs de Holstein à plus de 8 000 kg du Cerfrance, dont 12 % pour les travaux par tiers contre 5,40 % pour le groupe. Chez moi, ces charges intègrent la totalité des coûts de main-d’œuvre. »
24 à 36 h maximum pour boucler le chantier
Pour préserver la qualité du fourrage, le chantier doit être bouclé au maximum en 36 heures pour les coupes faites en mars et 24 heures pour les coupes d’avril. Côté bémol, ensiler 76 hectares dans un laps de temps court implique de démarrer la fauche le matin vers 9 h ou 10 h alors qu’il reste un peu de rosée. Pour autant, le compromis est bon. « Les ensilages sont de bonne qualité et se conservent très bien », confirme Émilie Turmeau, conseillère élevage chez Elvup.
La fauche est réalisée à plat avec une faucheuse de 9 mètres sans conditionneur. « On fauche à plat à 8-10 cm de hauteur. Le matin, je vérifie la hauteur avec le chauffeur et je reviens l’après-midi pour vérifier qu’elle est toujours bonne », explique Luc Sassel. « C’est un bon moyen pour limiter les contaminations du fourrage par de la terre. Cela favorise un bon redémarrage de la pousse de l’herbe, bien utile lorsque l’on fait une deuxième coupe », ajoute Émilie Turmeau. Par ailleurs, la valeur alimentaire se situant dans les feuilles et non la tige et la gaine, plus on fauche haut, plus on concentre la valeur alimentaire.
La fauche à plat suivi d’un fanage deux à trois heures plus tard permet d’accélérer le séchage du fourrage pour atteindre rapidement l’objectif de 30 à 35 % de matière sèche.
Une seule coupe mais toujours précoce
L’itinéraire se poursuit avec un andainage réalisé avant le passage de l’ensileuse automotrice. Luc Sassel apporte une dernière touche de rigueur lors de la confection des silos. Le tassage est complété par l’étalement du fourrage à l’aide d’une fourche pour laisser un minimum de poches d’air. « Je n’ai quasiment aucune perte au silo sans utiliser de conservateur. » Les dimensions des silos sont adaptées à une vitesse d’avancement suffisante en hiver et en été, soit respectivement de l’ordre de 1 m par semaine et 25 cm par jour selon les températures.
Fidèle à sa stratégie de compromis entre la qualité et la quantité, Luc Sassel continuera d’ensiler de l’herbe jeune malgré le passage à une coupe au printemps. « J’espère que la perte de rendement en herbe sera compensée par une augmentation de celui du maïs. Par ailleurs, l’année dernière comme j’ai ensilé pour la première fois 11 hectares de prairies temporaires, j’avais un peu trop d’ensilage. »
À retenir
Côté éco
Avis d'expert : Émilie Turmeau, conseillère élevage chez Elvup
« Luc est un chef de chantier »