En bio : "Grâce à la luzerne, nous gagnons en autonomie protéique"
En Ille-et-Vilaine, la famille Peu cultive 8 hectares de légumineuses. Adhérents d’une coopérative de déshydratation, les éleveurs visent l’autonomie alimentaire pour leurs 110 vaches grâce à cette production de protéines, bio et locales.
En Ille-et-Vilaine, la famille Peu cultive 8 hectares de légumineuses. Adhérents d’une coopérative de déshydratation, les éleveurs visent l’autonomie alimentaire pour leurs 110 vaches grâce à cette production de protéines, bio et locales.
À l’EARL des Reflets de la Calabre, les travaux commencent. D’ici peu, la salle de traite obsolète sera remplacée par deux robots. Quand Flavien Peu a rejoint, en juillet 2019, l’exploitation de ses parents, il a repris 25 ha, déjà en bio. Avec cette surface en plus, les trois associés ont l’objectif de produire 750 000 litres avec 110 vaches. « Pour y arriver, on doit avoir du lait par vache, donc leur distribuer une ration suffisamment riche, souligne Jean-Michel Peu. Dans notre système bio, le meilleur compromis entre autonomie et aliments concentrés, ce sont les légumineuses et le maïs déshydratés. » Car, grâce à la proximité d’une coopérative de déshydratation, les trois exploitants peuvent faire transformer leurs propres cultures, luzerne, trèfle blanc, trèfle violet et maïs. « Cela revient moins cher qu’un achat de concentrés bio, apprécient-ils. Avec en plus, la traçabilité, la qualité et les bienfaits des légumineuses dans la rotation. » Les bouchons déshydratés ont aussi l’avantage d’une souplesse d’utilisation et se conservent longtemps sans altération de la qualité.
Cultiver ses ressources protéiques
Sur les 99 ha de SAU, 8 ha sont implantés en légumineuses destinées à la déshydratation. Sur les 15 ha de maïs, 10 partent en ensilage, 5 sont déshydratés. « À raison de 4 kilos dans la ration hivernale, il me faut 90 tonnes de bouchons de légumineuses par an, calcule Jean-Michel Peu. Ce qui représente de 8 à 10 ha de légumineuses. » Si besoin, les éleveurs peuvent compléter leur production par des achats auprès d’autres adhérents, eux aussi en bio mais spécialisés en grandes cultures, et qui ont intégré des légumineuses fourragères dans leur rotation.
À chacune des trois à quatre coupes annuelles, le fourrage est analysé, notamment sur sa teneur en protéines. « Bien connaître les valeurs nous permet d’équilibrer la ration au mieux, souligne Marielle Peu. Cette année, on a réussi à bien équilibrer la ration, ce qui nous a permis de maintenir un bon niveau de production. » La ration hivernale repose sur 6 kilos d’ensilage de maïs, 4 kilos de légumineuses déshydratées, le tout complété par 9,5 kilos de l’ensilage d’herbe « fait sur des prairies temporaires riches en légumineuses ». En saison, le troupeau pâture sur la trentaine d’hectares accessibles. Quand l’herbe manque en été, les éleveurs complètent la ration avec 3 kilos de bouchons de maïs et de l’enrubannage à volonté. « Cette complémentation nous permet de continuer à produire quand le niveau de prix est incitatif et sans ouvrir de silo pour éviter les risques d’échauffement », explique Flavien Peu.
Avec le changement de mode de traite, quelques réorganisations sont à prévoir. « Aux robots, on distribuera des bouchons de maïs épi et de légumineuses, anticipe Flavien. On pourra apporter un maximum de protéines aux vaches qui ont le potentiel pour les valoriser. » Avec un bénéfice attendu sur la moyenne d’étable.
Côté éco
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Un outil de déshydratation de 160 + 10 euros par tonne
Des éleveurs d’Ille-et-Vilaine et de Mayenne ont développé un outil collectif de transformation pour déshydrater leurs cultures à un coût raisonnable.
Née de la fusion entre la brétilienne Coopédom et la mayennaise Codéma, Déshy Ouest regroupe 1 500 adhérents. La coopérative déshydrate 80 000 tonnes de fourrages par an, en prestations de services pour ses adhérents, ou qu’elle revend : légumineuses et graminées en bouchons ou en brins longs, maïs épi ou plante entière. Son fonctionnement en lots, avec une totale traçabilité depuis la parcelle jusqu’au lot de bouchons, lui permet de voir ses deux sites agréés « agriculture biologique ». Le bio représente un quart de son activité avec 19 000 tonnes de fourrages déshydratés (55 % de légumineuses, le reste en maïs, plante entière ou épi). « L’intérêt de la déshydratation est encore plus marqué en bio, par un gain d’autonomie avec des aliments riches en protéines, souligne Philippe Étienne, le président de Déshy Ouest. En plus, la luzerne est une tête d’assolement intéressante. » Le coût de la prestation de séchage dépend du tonnage récolté. Il est en moyenne de 160 €/tonne + 10 € pour le transport retour. Il intègre une analyse du fourrage à chaque coupe. « Plus il y a de rendement à l’hectare, moins cela représente de charges de mécanisation à la tonne, explique Alain benoît, technicien de la coopérative. À chacun d’arbitrer en fonction de ses attentes, volume ou qualité, car la teneur en protéines est meilleure à des stades de récolte précoce. »
Dans le cadre du plan protéine, l’Europe soutient la production de légumineuses. Soit avec une aide à la production de luzerne déshydratée, qui était de 132 €/ha en 2017, soit environ 10 €/tonne, soit avec un contrat pour les protéines autoproduites, luzerne et trèfle pur, de 283 €/ha. « Pour redynamiser la culture de légumineuses face aux importations de soja, nos filières ont besoin d’une meilleure reconnaissance, ne serait-ce que des services environnementaux qu’elles apportent ces cultures », plaide Philippe Étienne.