En élevage laitier, quand le troupeau dérape, vérifiez le travail de votre mélangeuse
Au Gaec des fermes, l’audit réalisé suite à une chute de production a mis en évidence un mauvais mélange de la ration. Retour un mois plus tard sur l’exploitation pour voir l’impact des mesures préconisées.
Au Gaec des fermes, l’audit réalisé suite à une chute de production a mis en évidence un mauvais mélange de la ration. Retour un mois plus tard sur l’exploitation pour voir l’impact des mesures préconisées.
Dans cet élevage robotisé des Côtes-d’Armor, à Hénon, la production des 115 vaches traites a brutalement chuté de 3 kg. Elle se situait à 37 kg par vache par jour de moyenne depuis le début de l’année ; le 30 mai, elle est descendue à 33-34 kg. Cette baisse de production s’est accompagnée d’une dégradation du sanitaire avec l’apparition de mammites (7 par mois), une augmentation des cellules (au-dessus du seuil de 250 000) et une recrudescence de la dermatite digitée. Autant de signaux d’alarme qui ont poussé Julien Verdes, l’un des quatre associés du Gaec des fermes, à solliciter un audit d’élevage.
Des bouses hétérogènes et des fraîches vêlées en cétose
L’audit a lieu le 2 septembre 2021 : celui-ci comprend le relevé des performances et des examens complémentaires afin d’identifier les points critiques, d’expliquer la contre-performance et de proposer des solutions.
Premier constat : l’élevage est propre, bien tenu, les fourrages sont bien conservés et les fronts d’attaque bien entretenus. La ration semi-complète est préparée avec une mélangeuse bol de 20 m3 (Triolet) ; elle est distribuée le matin et repoussée huit fois par jour avec un repousse fourrages.
Les animaux ont un état corporel satisfaisant, mais on relève plusieurs vaches avec des pieds sensibles. L’analyse des données au robot montre des mauvais démarrages de lactation sur les primipares et les multipares. Les taux sont faibles malgré la supplémentation en méthionine dans l’aliment.
Des prises de sang sont réalisées sur les neuf animaux en début de lactation, avec dosage du glucose et des corps cétoniques (BHB bétahydroxybutyrate). La moitié des fraiches vêlées sont au-dessus du seuil de 1,2 mmol/l de BHB et donc en cétose clinique ou subclinique. La moitié sont en dessous de l’objectif minimum de 40 mg/dl de glucose. Deux signes d’un déficit énergétique excessif en début de lactation.
Les bouses sont très hétérogènes, avec certaines bouses très molles. Visiblement, la ration à l’auge est mal mélangée : l’enrubannage est facile à trier. Ce qui explique les bouses hétérogènes.
Un début des problèmes avec l’enlèvement des couteaux
La discussion avec Julien montre que les problèmes ont démarré le 30 mai, avec un silo d’herbe coupe fine dont le front d’attaque chauffait. Sur les conseils d’un nutritionniste, les couteaux de la mélangeuse sont enlevés avec pour objectif d’éviter de défibrer la ration. Puis la décision est prise fin juin de fermer ce silo d’herbe et de le remplacer par un enrubannage d’herbe coupe longue, mais les résultats ne se sont pas améliorés.
En fait, l’absence de couteaux sur la mélangeuse a dégradé la qualité du mélange à l’auge et favorisé le tri de la ration. Face à ces observations, deux séries de mesures au niveau de l’alimentation des vaches en lactation ont été conseillées.
Niveau en énergie et gestion de la mélangeuse
La première action vise à corriger le déficit énergétique :
- en arrêtant l’enrubannage et en reprenant le silo d’herbe du printemps (RGI + trèfle) qui est en coupe fine et plus digeste ;
- en relevant le niveau énergétique avec 2 kg de maïs farine à l’auge ;
- en ajoutant 3 litres d’eau par vache dans la mélangeuse afin de limiter le tri à l’auge.
La seconde vise à corriger la gestion de la mélangeuse bol :
- en remettant tous les couteaux en fonction sur les vis ;
- en modifiant l’ordre de chargement : d’abord l’ensilage d’herbe, puis les concentrés et minéraux, et en dernier l’ensilage de maïs pour éviter un broyage excessif du maïs ;
- en laissant tourner au minimum 10 minutes après le dernier godet de maïs chargé pour bien mélanger la ration.
Une nette amélioration en un mois
La visite de contrôle a lieu le 8 octobre. La ration à l’auge est visuellement très différente : les vaches ne peuvent plus trier et les bouses sont très homogènes et de bonne consistance. Les chiffres du robot montrent que tous les paramètres se sont améliorés en un mois, y compris le sanitaire. La production a progressé de +2,4 kg de lait en moyenne à stade de lactation constant et entre +3 et +4 kg de lait sur les vaches en démarrage de lactation. Le taux cellulaire est repassé en dessous des 200 000 cellules et le nombre de mammites est revenu à la normale.
Les prises de sang sur les fraiches vêlées montrent une réduction nette des cétoses. Il reste à améliorer les glycémies sur certaines vaches : cela viendra avec l’utilisation d’un précurseur de glucose efficace au robot, de la glycoline à raison de 300 g de 0 à 30 jours de lactation. Le troupeau s’est vite redressé et est bien parti pour affronter les transitions de maïs ensilage à venir !
Chiffres clés
Le Gaec des fermes
Une ventilation insuffisante
Autre point soulevé lors de l’audit du 2 septembre : le manque de ventilation de la stabulation. Par temps chaud, les vaches se regroupent dans le fond du bâtiment et piétinent, ce qui favorise la dermatite digitée. La solution proposée consiste à ouvrir complètement la façade sud-est pour assécher l’étable et fournir de l’air frais aux vaches. Ce qui est fait par les associés du Gaec des fermes dans la semaine qui suit l’audit. Lors de la visite de contrôle un mois plus tard, ce qui frappe au premier coup d’œil, c’est la clarté et l’air frais dans l’étable. La suppression du bardage ajouré a porté ses fruits : les vaches sont bien réparties dans le bâtiment et les matelas de logettes sont plus secs.