Des flambées de mammites dues à une surface de couchage surestimée
Voici l’analyse du cas d’un élevage qui a connu deux flambées de mammites cliniques, l’une en été et l’autre lors de la rentrée à l’étable. Ceci malgré de bonnes pratiques d’élevage et d’hygiène. En cause, une surface de couchage réellement disponible insuffisante.
Voici l’analyse du cas d’un élevage qui a connu deux flambées de mammites cliniques, l’une en été et l’autre lors de la rentrée à l’étable. Ceci malgré de bonnes pratiques d’élevage et d’hygiène. En cause, une surface de couchage réellement disponible insuffisante.
Il est assez fréquent de voir une succession de cas de mammites cliniques, plus ou moins graves, sur une période donnée. Cette épidémie peut apparaître à n’importe quel moment de l’année. Mais très souvent, elle se produit après la rentrée en stabulation, comme dans cet élevage d’une cinquantaine de vaches laitières de races Montbéliarde et Prim’Holstein qui a sollicité notre intervention. Celui-ci avait déjà connu une flambée de mammites cliniques durant l’été, à une période de fortes chaleurs où les vaches restaient dans la stabulation la journée. L’élevage, dont le niveau de production est de 8 000 litres, est en stabulation libre avec aire paillée et caillebotis derrière les cornadis. La traite s’effectue en salle de traite en épi (2x4).
Ce qu’indiquent les données cellulaires et les analyses
Les épisodes de mammites cliniques se sont accompagnés d’une élévation des concentrations cellulaires de tank, avec un rapide retour à la normale, comme le montre le graphique. Des analyses bactériologiques ont été effectuées par culture bactérienne sur six mammites à clinique plus ou moins sévère (voir tableau).
Que disent ces données ? La dégradation des concentrations cellulaires de tank étant passagère, on peut conclure que les infections mammaires sont d’une durée courte à moyenne. Quant aux germes isolés, Escherichia coli et Streptococcus uberis, ils sont plutôt d’origine environnementale, S. uberis étant fréquemment isolé dans les infections mammaires sur des vaches laitières en aire paillée.
Deux flambées de mammites d’origine environnementale
Au vu des germes isolés et des pratiques de l’élevage, la traite ne semble pas être à l’origine des mammites. L’hygiène de traite semble irréprochable (observation des premiers jets, prétrempage et essuyage papier), la peau des trayons et leur extrémité sont en bon état et la machine à traire régulièrement contrôlée. Les trayons sont actuellement trempés à la fin de la traite avec un produit à effet barrière, mais ce n’était pas le cas pendant l’été. La propreté des vaches est correcte. À la fin de la traite, les vaches restent attachées une heure au cornadis. Leur origine est donc plutôt à rechercher dans l’environnement au sens large.
Une surface d’aire paillée réellement disponible insuffisante
À commencer par la surface d‘aire paillée disponible par vache. Pour calculer le besoin de surface d’aire paillée par vache, une équation simple est disponible : 6 m2 + 1 m2 par tranche de 1 000 litres supplémentaires au-delà de 6 000 litres. Les besoins pour les 48 vaches présentes, qui produisent 8 000 litres, sont donc de 384 m2. À première vue, la surface totale de l’aire paillée de 380 m2 peut paraître suffisante. Or, dans l’espace destiné à l’aire paillée, il y a un parc qui sert de box de vêlage et une zone en déclivité sur le pan long du bâtiment. Deux zones qui ne correspondent pas à de la surface disponible pour se coucher. La surface réellement disponible par vache est seulement de 306 m2 : c’est bien un facteur de risque dans cet élevage.
De bonnes pratiques et une bonne ambiance
En revanche, les vaches disposent de quatre abreuvoirs à niveau constant dont l’accès n’est possible qu’à partir du caillebotis. Le paillage est réalisé quotidiennement : il consiste en 400 kg de paille le premier jour et 800 kg de paille le jour suivant. Soit un apport quotidien moyen de 12,5 kg de paille par jour, au-dessus des préconisations de l’ordre de 8 à 10 kg par jour.
La température de la litière a été mesurée en différents points au moyen d’un thermomètre à sonde allongée : elle était supérieure à 35 °C dans une seule zone. Cette mesure permet de détecter si le risque de prolifération bactérienne dans une litière devient trop grand, ce qui doit déclencher le curage de la stabulation. Ce phénomène est régulièrement constaté dans les élevages, un retard de curage (pour diverses raisons : climatique, disponibilité du matériel…) s’accompagne souvent d’une épidémie de mammites cliniques. Le jour de la visite, le curage de la stabulation avait été effectué 17 jours plus tôt. La fréquence de curage est de 15 jours à 3 semaines ; manifestement, elle ne peut être allongée.
Le volume de la stabulation est important. Le bâtiment bipente dispose d’entrées d’air latérales (décalage entre béton et translucide) et de sorties d’air en faîtière ; l’ambiance était correcte le jour de la visite.
Des zones de couchage encore plus restreintes l’été
Le moment d’apparition de ces évènements n’est pas un hasard. Pendant l’été, le rayonnement issu des translucides a restreint encore plus les zones où les vaches supportaient de se coucher, ce qui a dû fortement augmenter la charge microbienne des aires préférentielles de couchage. On peut signaler qu’il existe aujourd’hui sur le marché des faîtières larges et lumineuses, qui ne favorisent pas l’élévation de température par rayonnement solaire. Elles permettraient de remplacer les translucides latéraux et d’éviter ainsi l’exposition de larges zones de l’aire paillée aux rayons du soleil.
Des conditions climatiques favorisant la prolifération bactérienne
Après la rentrée en stabulation, on constate souvent une recrudescence des mammites cliniques, car les conditions climatiques souvent humides favorisent la prolifération bactérienne dans les litières.
On peut envisager une action sur le potentiel infectant de la litière : certains produits, soit désinfectants (du type superphosphates), soit probiotiques (basés sur le développement d’une flore lactique barrière) ont fait la démonstration de leur efficacité. Il existe d’autres additifs litière (type asséchants) dont l’intérêt n’a pas toujours été clairement établi. Reste que ces produits génèrent un coût supplémentaire.
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Évolution des concentrations cellulaires de tank au cours des deux épisodes de mammites cliniques
Résultats des examens bactériologiques réalisés dans l’élevage
À noter l’absence d’isolement de pathogènes mammaires lors de deux mammites cliniques : elle peut être liée à la méthode culturale utilisée, mais elle peut être également le reflet d’infections passagères que l’organisme arrive à éliminer seul rapidement, ce qui arrive souvent lors d’infections d’origine environnementale.
Des mesures pas toujours suffisantes
Tremper les vaches à la fin de la traite avec un produit barrière, garder les vaches attachées au cornadis après la traite, curer régulièrement la stabulation sont des mesures adaptées pour limiter les infections environnementales. Mais ces mesures ne sont pas toujours suffisantes : une proportion de vaches présente naturellement des trayons dont la fermeture du sphincter entre les traites laisse à désirer, et l’exposition aux pathogènes reste toujours possible.
À savoir
Apprécier le danger potentiel de contamination d’une litière de visu est très délicat. La prise régulière de température en profondeur en différents points de l’aire paillée (avec comme objectif une température inférieure à 35 °C) peut aider à maîtriser ce risque.